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Ile Eniger : Stupeur

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Les gestes ne courent plus. Le vie médite dans le vol des oiseaux, le repos des sols, la respiration des arbres. Sur la rambarde du vide, l'âme se penche, muette. Stupeur de seul au monde, le coeur observe sa route. La pensée désertée racle ses fonds de tiroirs. Une vague floue croise la solitude et porte des heures pauvres. Les mains jointes ne s'agitent plus. L'eau, la terre, l'air, imposent le silence, bâillonnent l'inutile, ligotent les frénésies, remettent à l'heure les pendules. L'enfant perdu rassemble ses cailloux blancs.  Et, derrière la vitre du jour, l'appel du vivant fait signe.

 

Ile Eniger - Les mains frêles (à paraître)

http://insula.over-blog.net/

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"Ils soignent" - Slam de Narcisse

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Un texte et une interprétation fabuleuse, sur une vidéo adressée par une amie. Absolument à voir !Cliquez, sur le lien, d'une beauté et d'une force remarquables

https://www.ssvp.fr/wp-content/uploads/2020/03/Video..mp4?_=1

 

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Personne ne nous a écrit

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Léo, mon chat, m’interroge

Déjà publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Personne ne nous a écrit et le ciel nous manque.
Hors ce temps de glace l'immense nous semble vide.
Tout aussi vide que l’avenir d’un hérisson perdu sur l'A8.
Près de moi, Léo, mon chat, m’interroge sur l’implacable absence de sa patte.
Sa lettre au Père Noël n'a pas été entendue.

Je n'ai pas retrouvé le rire.
Trop de chemins, trop de larmes et de routes qui mènent nulle part.
J'ai le moral d'un ordinateur qui a perdu sa souris.
Léo rêve d'une vie qui ne clopine pas.
Il veut toutes ses pattes à griffes pour encore grimper
sur ce chemin d'arbres qui le portait au ciel.
Mais l'arbre a trébuché sur l’automne, il est chauve et ses bras ont froid.
Blotti dans le jardin, il attend le soleil.
L’arbre, Léo et moi, ensemble attendons les piaillements de l’été.
 
Demain Léo sera opéré encore une fois.
Mon infirme, mon trois pattes, n'en sait rien
Couché sur son coussin, il rêve du temps où il sera un homme.
Son impatience n'y peut rien et la mue sera longue.
Quand il sera homme, je serai son chat.
Nous aurons une île peuplée d'arbres à croquettes,

de cannes pour vieux boiteux
Et aussi des amandes de Jouvence.
Alors, tous deux, encore nous pourrons courir.
 
Mais j'ai perdu le rire.
Je me regarde dans les yeux pour y voir l’hiver.
Je suis triste à me jeter du haut de mon âge,

tête la première dans le premier rêve venu.
Parfois, je trempe ma plume dans le marc de café,

l'avenir y est d’encre bleue, les mots y font la ronde.
Je n'ai plus peur d’Halloween, les sorcières sont devenues mes amies.
Quand on me dit "du balai", moi je pense voyage.
Mais personne ne nous a écrit et le ciel nous manque.

 

Mon petit trois pattes trois ans plus loin

 

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La vie est faite de hauts et de bas (une fabulette de saison)

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Il y a très très longtemps
un soleil brutal arrêta Icare
 
Il y a très longtemps
une Guardia incivile arrêta le Père Noël
 
Il y a trop longtemps
un abîme céleste arrêta l’Ange
 
Il y a longtemps
un éclat de rire fit tomber le jour
 
Il n'y a pas si longtemps
La famine fit tomber un roi
 
Il y a peu longtemps
La maréchaussée arrêta Aldo la Bagouse

 

Alors qu'il tentait de dérober la chaîne des Pyrénées
 
Avant qu'il ne soit longtemps
La crise fera tomber la Bourse
 
Dans pas longtemps
On comprendra qu'il ne fallait pas voler trop haut
On apprendra qu'il faut rêver plus haut.
 
 
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Mémoire, Mémoire

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Mémoire, Mémoire

Grince, cette petite voix

qui parfois s'enraye dans des remontées d'absence

qui ouvrent des abîmes où même le chagrin n'a plus pied.

 

Un couteau à la main, j'avance,

et s'il le fallait, je poinçonnerais le ciel

comme un vieux ticket de métro

quand les soleils déboulent au pied de la montagne.

 

Mémoire, Mémoire, tu te perds aux effractions du rêve.

Des entailles de nuit déchirent des étoiles de mer noyées en des lueurs perdues.

Ciel, Ciel, je t'entends pleurer,

tant de soleils se sont couchés pour ouvrir des crépuscules inutiles.

Mémoire, mémoire de poinçonneur perdu Porte des Lilas, mémoires d'affamés.

 

Mémoire, parfois tu voudrais refaire le chemin

mais la route s'efface comme un sommeil que l'aigu d'un mot persécute.

 

Je cherche les apôtres du savoir, le clergé des bien-pensants,

tous ceux que l'on aurait dû pendre par les pieds aux phares de l'espérance

quand ils dégrafaient leurs paletots pour montrer leur chemin des merveilles,

violeurs aux amours décapitées,

anges déchus aux sabots cloués à des nuages aux pestilences inoubliées.

 

Je cherche les pickpockets, les voleurs de lune, de rire,

et tous ceux aux deux mains jamais tendues, que l'on aurait dû couper,

les de-droite, les de-gauche, les j'achète-je-vends,

les cartographes du futur, les affameurs, les commandeurs.

 

Mémoire, mémoire, regarde-les trouer les horizons tous ongles sortis,

encore prêts à gratter et encore gratter pour voler ce qu'il reste de conscience.

 

Mémoire, mémoire, je vois ton âme

et tes rêves d'enfant saigner pour des billets de banques et une faim inextinguible.

À mesure que je m'enfonce dans ce vide sidéral,

les oiseaux d'altitude s'effondrent sous les cris d'un démoniaque silence.

Plus haut que les cimes, je regarde et n'aperçois qu'un ciel immense

et si vide qu'il se cherche aux tables de baccara.

L'armée de Dieu est habillée en bandits manchots

pendant que je joue à "tu vies-tu meurs",

Toi, tu regardes vers le bas, sur une piste jonchée de rêves échoués

où quelques traces de pauvres pieds nus sur la neige

maculent l'abrupt d'une pente.

 

Je marche sur des espoirs savonnés,

pour saisir avec des mains d'enfant ce qui reste

de ce qui n'est plus depuis longtemps.

 

Mémoire, Mémoire, ils ont tout pris

mais, encore, je cherche le bleu

et l'encre des mots à poser sur des cœurs de sourds.

jms29/03/2020

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Je te regarde, mon fragile.

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Face au pouvoir hypnotique de Facebook et de ses magies, j'use du courage de fuir pour me consacrer à un roman que je voudrais bien finir pendant que le jour me tient encore debout. Ce 28 mars est encore là et me revoilà au miroir magique qui traverse une bouffée de vieille jeunesse à me retrouver à un de ces lointains anniversaires, assis dans la salle à manger, devant des tasses de chocolat au lait avec tous mes copains qui sont devenus des autres, et à encore appeler, au chant des mésanges, des printemps intègres, et à vous livrer ce petit texte, peut-être naïf, mais en phase avec mon ressenti du jour.
À te regarder,
petit être pétri d'air de ciel de terre et d'eau,
toi si beau pour qui sait te regarder et te respecter,
toi mon petit frère de vie,
qui donc peut rester insensible à toi
mon fragile à voix d'oiseau ?
 
Je te tutoie du cri d'une extase intérieure,
je te tutoie comme d'autres prient.
 
Quand au son d'une musique
un cheval, une poule, dansent
quand certaines plantes s'émeuvent,
comment ne pas concevoir
que la langue inécoutée
qui pourtant ne nous est pas étrangère,
est commune à l'univers ?
 
Comment ne pas se sentir ébloui par la beauté,
Comment ne pas se sentir touché par la grâce
à savoir que tout cela existe ?
 
Si longtemps que j'avance sur un sillon d'inquiétude
sans savoir si les étoiles chantent
où si c'est le ciel qui pleure,
quand me pénètre cette musique
qui dépasse l'entendement,
j'entends rire les mésanges de mon jardin
et je te regarde, mon fragile.
 
JMS
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Marie-Claire Bussat-Enevoldsen : "Au large éparpillés" de JP Geay et JC Gros

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Je vous livre une petite chronique de Marie-Claire Bussat-Enevoldsen, écrivain, membre de l’Académie des Sciences Belles Lettres et Arts de Savoie, à propos du livre "Au large éparpillés" de notre ami Jean-Pierre Geay, illustré par Jean-Charles Gros.
Jean-Pierre Geay, nouveau venu aux Éditions Chemins de plume, très connu dans le milieu du livre d'art et de collection, inaugure, chez Chemins de Plume, un nouveau format : "L'Encrographie d’Art", consacré à la peinture et la photographie.  "L'Encrographie d’Art", hors publications de tête qui seront agrémentées de dessin, peinture, photo ou texte manuscrit des auteurs, est une collection de livres d'art de haute tenue à prix abordable.
Jean-Michel Sananès

Au gré des vents, l’éparpillement céleste

«Le vent qui nous a rassemblés au large nous disperse ».  Un vent de germination  les attendait à la croisée de leurs  chemins  de création, dès l’instant où,  chacun à son rythme, a  aimé « Cueillir à sa naissance l’aveuglante lumière intacte du matin ».  Telle fut l’heureuse genèse de ce beau livre au titre ample et généreux Au large éparpillés (*)   né de l’union de deux créateurs,  le poète Jean-Pierre Geay et le photographe, Jean-Charles Gros, orchestrée en main de maître par leur éditeur.  Lorsque nous ouvrons leur ouvrage, nos yeux sont séduits par l’élégance épurée de la présentation. Une mise en page équilibrée opère comme un jeu de miroirs entre deux écritures artistiques d’essence différente, et cependant intimement, intuitivement complémentaires.

Que s’est-il passé pour que ces deux chantres réceptifs aux infinies variations d’une même nature champêtre, soient venus les célébrer, ici, en contrepoint l’un de l’autre,  selon une partition connue d’eux seuls ? Nous allons cheminant à leurs côtés,  entre photographies et prose poétique, à l’écoute des vibrations émotionnelles de leurs âmes en éveil  « Quand le jour qui se lève chemine entre les pierres, quand le ciel est encore noyé dans l’atmosphère, quand les rochers s’embrasent, quand la brume s’élève et découvre la terre, nous recevons l’ardeur de ce commencement ». L’enchantement marche sous leur pas.  Ce qu’ils observent les pénètre, ce qu’ils ressentent les élève, ce qu’ils perçoivent les transcende  « Un souffle ardent, d’un trait, parcourut l’atmosphère. L’air s’immobilisa. La lumière invisible au fond de nous se déposa. Nous fûmes sans limites ».     

Qui sont-ils ces arpenteurs d’infini ? Jean-Charles Gros est un photographe créateur. Il développe une photographie d’auteur proche d’un « pictorialisme contemporain ». Son objectif - mais aussi son instrument -   consiste selon ses propos,  « à faire se confronter les pratiques ancestrales  et celles actuelles œuvrant au service d’une écriture photographique délibérée et singulière ».  Cette approche, essentiellement plasticienne, capte le regard, l’introduit à l’intérieur du motif célébré. Un charme inexplicable opère, et l’image s’avance à notre rencontre.  L’art de cet expert reconnu, ses nombreuses expositions en témoignent, s’exprime en une multitude de nuances,  allant crescendo du noir au blanc, ou l’inverse.  Chaque ombre épouse son halo de lumière, chaque détail dévoile son intensité,  chaque horizon, sa perspective, tantôt  immense, tantôt mouvante, tantôt aérienne.  Ce sont des terres agraires,  que la présence de l’arbre, sentinelle vigilante des saisons, ordonne dans sa verticalité. « Quand cessa la tempête, il ne restait plus rien de nous. Pas même la mémoire ». Ce sont des terres rocailleuses,  où  des silhouettes rocheuses, statufiées, ultimes témoins de nos temps immémoriaux,  abandonnent aux ciels ennuagés,  la violence  des vents nourriciers. Où sommes-nous ? En Provence, en Ardèche ? Ou « Ailleurs » ?...

« Ici et n’importe où » répond en écho, quand elle  ne le précède pas, la voix du poète qui depuis  toujours, en toute saison, en tout âge « devance l’homme ». « Le sol incandescent se ride et se fracture. La falaise étincelle. Toute ombre cède et puis chancelle. Nous sommes un atome, un éclat, un fragment de cette déchirure »  Une voix envoûtante, visionnaire,  ourlée de métaphores, d’allégories,  et de symboles,  portée par la plume solaire du poète ardéchois, Jean-Pierre Geay.  Agrégé de lettres et historien de l’art, il est désormais reconnu auteur d’une œuvre importante, régulièrement illustrée par de nombreux artistes.  Son écriture poétique, scandée, expressive, sensorielle, universelle, lui a valu cinq grandes expositions rétrospectives. Parmi les plus récentes, citons celle organisée en 2014 à Angers,  par la médiathèque Toussaint. Un catalogue remarquable,   par son volume et par ses qualités littéraires et iconographiques, rend compte de ce long et singulier parcours, sous le titre bienvenu de « Poète de la lumière et de l’éphémère »   (Direction  et  présentation de M. Marc-Edouard Gautier). Et en 2018,  à Alès, à l’initiative du Musée bibliothèque Pierre André Benoit. « PAB » fidèle compagnon de route.  

Cet album, recueil d’une quarantaine de photographies et de textes poétiques, est une invitation au voyage, une ode à la liberté, une source de spiritualité cosmique, intemporelle, un retour aux origines,  que deux pèlerins complices échangent entre ombre et lumière,  inspiration et méditation, respiration  et contemplation.  

« S’éveille sous nos pas l’inattendu soudain qui s’ouvre et se délivre. Un ciel imprévisible inespéré commence. Notre demeure est dans l’espace. Ici et n’importe où. Otages de l’instant par bonheur accordé, nous sommes un fétu que disperse le vent après notre passage. Un jour sans précédent palpite et s’illumine sur qui l’anneau du temps ne pourra jamais plus, dès lors, se refermer ».

Nul besoin de parcourir le monde,  quand l’émerveillement nous attend au bord du chemin, dans le  langage des pierres, la solennité des rochers,  les souffles du vent, les bruissements des arbres, le miracle des saisons, « les trois coups du rouge-gorge » puisque « Ce qui fut accordé dans un battement d’air  en nous persiste et dure, m’appelle et me retient, habite mon regard et partout m’accompagne. Dans l’ardeur du silence. Inépuisablement ».

Marie-Claire Bussat-Enevoldsen

(Écrivain, Membre de l’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Savoie)

 

* Au large éparpillés – Textes :  Jean-Pierre Geay – Photographies : Jean-Charles Gros. - Éditions Chemins de Plume, L’Encrographie d’Art.  1er trim.  2020. (85 p. 20 euros)

 

 

Publié dans Informations

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Lettre à ma fille

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Naissance

Toi
tu arrivais à peine
Moi
j’étais déjà en partance
La nuit vêtue de sa robe de noir
au creux d’années mémoire
bradait ma trentaine
et ma jeunesse se mettait en quarantaine
Toi
innocente
tu n'avais que sourires
à m’offrir
Moi
moi, je savais déjà
ce temps
qui nous séparait pour toujours
Pourtant petite inconnue, ma fille
moi, je t’aimais déjà
Dans cette guerre que le temps me livre
tes sourires sont mes armes
mes défaites tes larmes
tant pis si chaque minute qui passe
m’ampute d’un cheveu
Si tu m'aimes, petite
si tu m'aimes, ma fille
je serai heureux.

jms 1975 in Cheval fou

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Les cinq à sept du néant !

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Mon stylo s'est tu, il a l'encre aussi pale que le silence. Rien à dire ? Rien à me dire ? Je  ne supporte pas ce silence qui dure. Depuis quelques heures, je me manque. Inquiet, les yeux ronds de mon chat se taisent eux aussi, il n'aime pas voir le temps m'emporter, il est de mon voyage et il sait que le temps perdu nous use i-nu-ti-le-ment. Cela m'agace tant que je me surprends à lui parler :
― Ne me regardes pas ainsi, si tu ne sais pas parler plus haut que mon stylo, miaule !
Je crois que je traverse un épais instant de solitude…
Pourtant, je m'escrime à peupler ce vide, j'y cherche des créatures d'ombres, mes chimères égarées, mes amis mémoire, ceux avec qui parfois je disserte de la marche du monde. Mais peut-être les ai-je fâchés ? J'avoue que nous ne sommes pas souvent d'accord, et c'est en toute légitimité qu'ils m'ont abandonné ! Aujourd'hui, nous ne parlerons pas de la courbe de l'espoir perdu dans un escalier descendant, ni de la cote  du Président, nous n'aimons pas le gris quand il grince si fort qu'il en ferait tomber le soleil dans l'obscur des corridors.
L'absence du verbe me désespère. Je parlerais bien avec une fourmi, mais l'hibernation les a convoquées. Si je vous le dis, vous pouvez me croire : ma vie est un désert !
Au dialogue des solitudes peut-être êtes-vous là ? Peut-être m'entendez-vous ? Peut-être  n'osez-vous pas me parler ? Moi, je n'hésite jamais à me parler, vous n'avez rien à craindre, je suis aussi désespéré que peu farouche, alors n'hésitez pas, rejoignez les habitants de ma tête, parlez-moi, parlez-moi de tout, parlez-moi de vous, ou du monde, ou même et surtout de tout ce qui n'existe pas, le sujet est inépuisable. Mais ne me laissez pas en rade.
Ce matin, j'avais une grande faim de souvenirs à plaquer sur le papier mais le chant des myosotis s'est fait mirage, et j'ai  eu un trou de mémoire, peut-être même m'y suis-je perdu. Voila ce qu'il en coûte de vouloir jouer avec de petits mots et tapoter de la pointe des doigts un vieux clavier clapotant.
La chasse est difficile, je cherche un bon mot, bien arrondi mais pas trop gras, assez léger pour ne pas être pesant, ni trop piquant pour ne pas m'écorcher la bouche, ou pire blesser l'oreille bienveillante qu'on voudrait me prêter, mais je suis dans l'impasse ! Je ne sais que raconter à mon stylo et lui s'entête dans son mutisme. En fait il est en grève. Il déteste mes délires, il ne veut parler que de choses raisonnables, mais que faire, que lui dire ? Moi, le cours du cacao à Madagascar, ça ne m'intéresse pas !
J'en suis inconsolable, notre brouille s'est faite sans mots sans paroles, elle ne fait pas couler d'encre ! Peut-être m'aiderez-vous si vous vouliez bien parler à mon silence. Ne voyez-vous pas que je m'épuise à tourner en rond autour de moi ? Je cherche mon centre dans les courbures d'une indifférence que le crépuscule inquiète, je lance des mots en l'air mais rien ne les retient, ils retombent à plat sans rien m'arracher, pas même un sourire ni une larme. Ils sont si transparents que je crois y reconnaître un silence ! Ce sont les cinq à sept du néant !

jms 1/03/20

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Dieu, 1er interview ce matin

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Seul avec Dieu ce matin, je l'ai laissé parler :
 ― Écoutez, écoutez, disait-il
en mon absence, les hommes m'ont oublié
je suis si vieux que mon cœur est en effroi
si froid qu'il ne pleure que sur moi.
Où êtes-vous, où étiez-vous
quand j'ai oublié de regarder le monde ?
Quand du fond de mon domaine je polissais l'éternité ?
Ève, où es-tu dans cette foire aux embrouilles ?
Et vous, où êtes-vous à écouter
les millénaristes, les prêcheurs, les prédicateurs ?
Où êtes-vous à écouter dans toutes les langues
les financiers, les technocrates
les enfants fous de l'apocalypse, parler de moi ?
J'ai maintenant l'humour si borgne que parfois j'en ris
et l'amour si complaisant que j'en  oublie
la racine du crime et les jambes de la haine.
Pardonnez, à m'être trop bien caché j'ai eu des absences
mais écoutez, écoutez-moi
mon cœur est en effroi
si froid qu'il pleure de ce que vous avez fait de moi.
J'ai maintenant peur des carottes, des topinambours
et de toutes les racines !
Vous m'avez baptisé père de vos racines
mais les racines sont en guerre
naguère les hommes étaient nus et sans racine.
Ève, qu'as-tu fait
pour que je cache mes larmes sous un cœur triste
que mon rire se dissimule sous des lunettes noires ?
Écoutez, écoutez-moi
je ne veux plus voir la course brisée de l'écureuil
dans les serres du faucon
ni les vrais cons se faire chasseurs !
Je ne veux plus voir
l'enfant des guerres jouer au soldat
ni le soldat jouer à la guerre !
Je suis vieux de millénaires
vieux d'années lumière qui ont trop fait big-bang.
Écoutez, écoutez-moi
j'ai froid de soleil et d'amour
le réel est une prison
qui es-tu mon fils ?

 ― Père, ai-je répondu
je suis fils du vent et de la pluie
l'enfant des espérances perdues
je parcours mes rêves avec des ailes de goélands
je veux être un homme nu et sans racine
pourquoi m'as-tu abandonné ?
Je suis un Cro-Magnon que l'Habilis pourchasse
une conscience que le crime poursuit
je suis l'œil caché dans le triangle des cœurs.
Aide-moi Père
fais que le couteau cesse d'amputer la conscience
fais que les langues de putes apprennent
 le silence, l'amour, la compassion, le respect !
Je veux retourner à la matrice première
de l'enfance des hommes
en ôter le goût du calcul
en chasser les faux-monnayeurs de l'amour
je veux recréer l'intelligence de l'utopie
marier l'enfant et l'avenir !
Je veux tout recommencer.

Ainsi dans mon sommeil,
Dieu parlait ce matin
ainsi, je lui répondais
avant que la nuit ne me réveille
c'était à l'heure de l'interview.

jms 28/02

 

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