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La buée

Publié le par Ile Eniger

Cet article est reposté depuis une source devenue inaccessible.

Elle ne pleurera pas. Pas tout de suite. Il lui faut encore rentrer le linge, le plier, préparer un semblant de repas, changer l'eau du chat, arroser les deux jacinthes qu'elle a achetées pour Noël. Le clocher sonne six fois dans le soir d'hiver qui tombe. Elle pense qu'elle aimerait l'entendre avec lui. Elle écrit le mot seule sur la buée des vitres. La buée pleure. Pas elle, pas tout de suite. Elle pleure tellement souvent maintenant, qu'elle sait différer. Elle ouvrira les vannes plus tard, ce soir, dans son lit. Juste avant de ne pas dormir.

 

Ile Eniger - Les mains frêles (à paraître)

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Tout s'achète et se vend

Publié le

Cet article est reposté depuis lafreniere&poesie.

Quand les murs sont vivants
les hommes sont en cage,
la sueur mise en gage.

Un ciel sans soleil a congédié la pluie.
Les arcs-en-ciel se terrent dans le fond des bouteilles.
La lie du désespoir leur sert de couleurs.

Le monde paie ses factures sans soigner ses fractures.
Les banques saignent l’espoir au profit de la mort.
Les enfants des banlieues braquent le désespoir
pour s’injecter du rêve.

À la Bourse des viandes le cours de la vie baisse.
Tout s’achète et se vend.
On ne donne que le sida, le cancer et la faim.
Les tiroirs caisses enterrent le chant des coloquintes.

Dans le ciel des hommes
les affiches des stars remplacent les étoiles.
Les oiseaux naissent avec du plomb dans l’aile.
De l’opéra des pauvres à la cour des miracles
les clowns grincent des dents.

Le monde sent l’essence et l’argent mal blanchi.
Laissant les vieux dans les mouroirs
et les enfants dans les couloirs
on ne verse plus de larmes qu’aux cimetières d’autos.

Il n’y a plus d’endroit
où la vie soit la vie,
où la mort soit la mort.
Tout s’achète et se vend,
même les mots et les couleurs,
même les hommes et la douleur,
les passions, les amours
et la chair des enfants.

Jean-Marc La Frenière

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Rajeunir à mon âge !

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Rajeunir à mon âge, me surprend,
à l'évidence maintenant je dors
comme un bébé ou comme mon chat,
je me réveille sept fois par nuit
retrouve des larmes et des rires oubliés,
je biberonne à l'espresso
et l'interdit me rend joyeux,
comme un ti-gros sur la pointe des pieds
je cours, l'aventure est au placard
chocolat, cholestérol et confitures
y fleurissent.

Mais la nuit n'oublie rien,
une pointe de tristesse
me parle encore de ma vieille Bagheera
partie ronronner au paradis des peluches.
Minuit mi-jour, la vie continue,
j'ai de nouveaux doudous
une vieille tasse ébréchée
MA cuillère à café
la scie à pain de Tataouine-les-oies
et d'autres objets,
à traverse-silence,
ils déclament l'impalpable perpétuel,
racontent les autres rives d'un temps perdu
où Moktar, Pierre et les autres, se sont égarés.

Parfois, de vieilles photos échappent au silence des oublis
il faut bien que l'on s'attache aux peaux de l'enfance
pour faire des devenirs,
c'est ma valise d'ailleurs,
je révise le passé et même pas peur !

Mon kiné me demande de faire du sport
je lui ai promis d'éloigner la cafetière de l'ordinateur
mais… "les enfants sont tous fous"*
rajeunir me surprend !

*réminiscence d'une chanson de Brigitte Fontaine

JMS nov 2020

 

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Le rien du moment

Publié le par Ile Eniger

Cet article est reposté depuis une source devenue inaccessible.

Ils courent partout, s'agitent, s'inventent des raisons. Moi je n'ai plus la force. Et surtout plus l'envie. J'ai le rien du moment, son éclatante totalité. Sa blessure, sa lumière. Parfaites. L'instant fugitif, perpétuel. La mésange de passage. La sauterelle qui loge sur un coin du balcon. Au loin, l'écharpe neigeuse des montagnes. Le brin d'herbe à l'angle de l'immeuble. Un ballon rouge oublié. Du linge qui sèche. La voix d'un enfant qui apprend sa leçon. Ces mots, réfugiés dans mes mains. Aucune réflexion, inflexion, n'atteindront cette absoluité inégalable. Ce quelque chose élémentaire qui ne tremble ni espère. Qui est.

 

Ile Eniger - Les mains frêles (à paraître)

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Toutes les mémoires sont miennes

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Mémoires de tueurs glorifiés
mémoires de victimes
toutes les mémoires sont miennes.

Celle de cet autre que j'ai tant aimé
celle de celui que j'ai détesté
celle de celui qui tua mes frères
celle des assassins de peuples
celle de tous ceux qui vont
ambitions en avant et fusils en tête
celle de ceux qui vont au nom de Dieu
de ceux qui ne se savent pas diables
de ceux qui me préfèreraient mort
de ceux qui affament les enfants
les laissant ventre gonflé, gisant dans la misère
de ceux qui tuèrent nos pères
comme d'autres arrachaient la peau des enfants phoques
de ceux qui emplissent cimetières et fosses communes
de ceux qui ne trouvèrent jamais le chemin
et ne savaient pas que nous étions frères
venus d'une lointaine cellule aux embruns marins

Aucun d'entre eux ne savait que nous étions frères
aucun n'avait vu le baiser des colombes
la douleur des mères pareille à celle des mamans biches
à celle des guenons de laboratoire
à celles des femmes devant la mort d'un enfant
quand l'injustice ou le fusil exulte.

Toutes les mémoires, toutes les larmes sont miennes
car je suis du peuple de la vie
et seuls les espoirs m'écrivent au futur.

JMS18/11/2020

Publié dans Textes de JMS

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( Grolle d'histoire) j'ai cru aller loin

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

À force de courir après mes chaussures,
j'ai cru aller loin,
mais je n'ai jamais été plus loin que le bout de mon nez
et mon nez, pas plus loin que le bout de mes pompes.
Quand elles étaient d'humeur curieuse,
je les ai suivies où elles allaient,
le plus souvent, elles m'ont ramené à la maison,
en fait, elles m'ont collé à la peau et à la vie
comme un cuir qui avait du corps à l'âme.

Si d'aventure je les ai ignorées,
c'est qu'à trop de bonheur, on aime sans le savoir !
Fallait-il qu'à parler en silence, leurs maux me brutalisent
pour que je sache qu'hors une âme,
j'avais un "corps" aux pieds ?

Des tréfonds de mes jeunes années,
je les ai voulues en peau de vent et de grande curiosité,
et si, en ces temps elles n'ont pas fait le tour du monde,
ce n'est pas qu'elles ne couraient pas assez vite
où que je fus trop paresseux,
mais bien parce qu'une tenace fidélité
aux vieux chemins d'hier nous retenait ici.

Aujourd'hui, me voilà qui m'attarde
dans la douceur des petits pas
qui règlent mes lendemains.
J'ai perdu les hauteurs du verbe
et les projets vagabonds.

Savez-vous, vous qui m'alliez
comme gants et ailes à mes pieds,
combien, ici-bas, je vous ai aimées ?
Combien, vous habiter
sur la grande roue du monde, fut mon plaisir ?
Savez-vous qu'avec vous encore,
avant que vous ne deveniez pompes funèbres,
je compte cohabiter aussi longtemps que possible ?

De flamenco ou de salon,
quand le ciel fait rouge impatience,
à l'heure des dragons ivres, je vous entends chanter,
vous qui voudriez bien m'emmener plus loin…

Mais déjà, le temps des voyages intérieurs m'assiège,
et si parfois encore j'écris à mes grolles
et leur demande les dernières nouvelles d'ailleurs,
qu'elles soient charentaises, baskets ou mocassins,
savent-elles qu'elles m'entraînent dans leur sillage ?

Dans les profils effilés du lointain,
si vous voyez un vieux, un filet à papillon à la main,
traquant des aurores lunaires, il y a de fortes chances
que ce soient elles qui me fassent carrosse
pour m'emmener en promenade.
Si jamais vous me reconnaissiez,
faites silence, un rêve encore m'attend…
Et il est bien tard ce soir.

(Reprise d'un délire dédié aux photos de chaussures de Marlène Des Chemins )
 
 
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À Tristan Cabral (réponse son texte "Si je meurs seul (ultima verba)"

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

 

Un jour j'irai à Arcachon,
j'y viendrai avec quelques-uns de tes poèmes en poche
et aussi ceux que tu me lisais.
Je t'apporterai des nouvelles de ceux qui t'aiment*
et ton Rimbaud, le bleu de poche 498,
et des poèmes, des poèmes, des poèmes,
des poèmes de tous ceux que tu as aimés.
Dans le fracas des cohues,
je ferai provision de chants d'oiseaux,
je te prendrai par le vent,
par ces flèches de lumière
que tu décochais à l'obscur des Temps,
par ce veston velours à l'odeur d'amour et de révolte,
par la bordure de mots sans adieux et sans larmes
puisque nous nous reverrons.
Sur le sable,
au pied du chant des siècles,
je déposerai nos passés,
nos mères et leurs douleurs,
une photo de Fortino Samano,
un flamenco,
une armada de rires de gazelles en attente d'aurore,
et tout ce qu'il nous faut laisser.
Nos projets d'ici-bas,
je les léguerai à ceux qui parlent d'aimer,
aux enfants de promesses et de lendemains.

JMS le 16/11/2020


* Note. Disant cela, je pense particulièrement à Michèle ton amie fidèle qui m'envoyait tes textes et à André Chenet, celui qui se disait ton petit frère et nous a présentés.

 

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Tristan Cabral : La lumière et l’exil de Christian Malaplate

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Tristan Cabral : La lumière et l’exil raconté

par Christian Malaplate réalisateur

de Trace de lumière

RADIO FM PLUS (-91fm)

présente

Tristan Cabral : La lumière et l’exil

Montage vidéo : Jean-Michel Sananès

En préambule à la diffusion sur notre blog de l'émission "Traces de lumière" sur Tristan Cabral, les Éditions Chemins de Plume remercient Christian Malaplate qui a réalisé cette synthèse avec une infinie justesse. Seule la sensibilité d'un poète pouvait nous faire voyager dans la vie, les ressentis et la poésie de Tristan, ainsi que dans sa douleur d'être un homme de justice et de tendresse, perdu dans un siècle de feu et d'errances.

Pour cette rediffusion, les Éditions Chemins de Plume ont supprimé les chansons et musiques pour ne garder que la voix de Christian Malaplate.

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Sale temps pour la joie !

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Papa Covid joue à cache-cache,
je mets un masque pour qu'il ne me reconnaisse pas.
La tristesse fait le plein,
et même quand on ne défenestre pas,
la joie bat de l'aile,
les étoiles s'étiolent sur un drapeau américain,
les shérifs tirent à vue sur les enfants noirs.

Où que se perde mon regard
j'essuie plus de sang que de rires,
les crimes clapotent sur les claviers de l'âme.

Si l'encre m'est plus rouge que noire,
mon chat trois pattes me livre du bleu,
l'encre alors joue ses facéties et l'heure m'enivre.
Écrire triste n'est jamais sérieux quand le monde est fou,
pourtant quand un texte parle,
écrire a du sens.

 

Jms octobre 2020 (à paraître)

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11 novembre (Au Jardin des Diagonales)

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)


Au Jardin des Diagonales, je pensais souvent à mon enfance. Quand j’étais jeune, un vieux fusil pendait sur le mur. Des photos sur la commode, agitaient la mémoire de Grand-père. Lui, mâchonnait du gris. Il disait : "Dans la guerre qu’anges et démons se livrent, chacun croit que l’autre incarne le mal. Rien de tout cela n’est vrai, ce n’est qu’un jeu de miroirs inversés. Personne ne connaît rien à Dieu. Dieu, c’est la somme des douleurs et des joies de l’univers. Le bilan est mauvais. Combien de larmes pour un ventre satisfait ou un rire de bébé ? Il faut être bête comme un homme pour croire connaître la création et les desseins du Créateur. Dieu ne tient pas plus dans la tête d’une alouette que dans celle d’un homme".
Grand-père parlait de son expérience. Il aimait répéter : "J’ai vu grandir la fleur, et l’oiseau l’a mangée, j’ai vu voler l’oiseau et le chasseur a tiré. J’ai vu grandir la peur, et personne jamais ne l’a arrêtée".
Parfois, quand le vin avait un peu trop coulé, Grand-père allait plus loin, jusqu’au point 17 de sa jeunesse. Il avait été soldat, là-bas, en France.
Pour Grand-père, il n’y avait pas d’ennemi, seulement un regard différent porté sur l’autre. "L’autre coté du miroir ment toujours", disait-il.
Au Jardin des Diagonales, je me souvenais que, quand j’étais enfant, Grand-père m’apprenait la vie. Moi Manuel, je jouais. À cette époque-là, nous ne connaissions pas la Guardia et le futur se dessinait dans les contours d’une école aux toits roug
es.

 

JMS  page 36 (extrait de mon roman) Au Jardin des Diagonales (12 €)

 

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