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Il y a eu

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Il y a eu ces heures d'enfance pareilles au cri froid du silence
un couteau d'interjections cinglantes sous l'œil noir du père
le regard froid du maître
et le blanc des pages martyrisées à l'encre violette.


Il y a eu ce chemin de solitude
ces pas perdus dans cet ailleurs de soleil où je n'étais pas
ce vide que je pénétrais à reculons

comme un soldat perdu dans le givre de la Moscova.

Il y a eu ces rêves que je claquais comme une porte qu'on ferme
cette envie d'être que j'enterrais en moi
ce parcours dans le présent de l'absence
ces mots où le poème est né.


Il y a eu le sourire d'une mère plus grand que le désir de partir.

JMS

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Silence sur la route

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Sous les dessous de cieux et terres inconnues,

au jardin jasmin dans l'odeur des vieilles mémoires,

je terre et déterre l'ombre des amours éculées.

J'ai regardé les siècles et ce cri d'hiver

qui pince plus loin que le regard.

Là-bas, j'ai des amitiés inoubliées

enfouies sous des colliers de mots jamais prononcés,

et tant d'autres possibles que j'aurais tant aimé connaître.

Je me souviens de juillet et des rires avortés au cou des pendus,

je me souviens des fusillés de 1917, des mal nourris,

des printemps rouges, des journées à Drancy,

je me souviens de 14 juillet aux Bastille invaincues.

Dans l'œil de mon chat, brûlent des soleils disparus

et ce condensé de nuit où je cherche l'Espoir.

Toutes griffes sorties, j'arrache les orties posées sur mon rêve,

comme l'enfant qui demandait aux heures de givre :

"Loup, y es-tu ?" à l'Innommable, je quémande un signe,

un geste, un miracle, et du pain pour l'enfant orphelin.

Je suis né orphelin de Toi,

pourquoi ne m'as-Tu pas reconnu ?

Sur cette route où les anges se sont perdus,

je marche à l'infini des tangentes, je marche,

je marche sur ce chemin de doute et d'ombre.

Toutes griffes dehors, je déracine les étoiles pour semer la lumière,

Ce soir, des enfants dorment à la belle étoile sous un ciel de neige

VIDE.

Je sais trop le silence sur la route,

dans l'œil de mon chat, brûlent des soleils disparus,

parfois j'aimerais hurler : "Dieu, y es-tu ?".

 

JMS

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11 novembre - Le "cri-je-t'aime" de mon jardin

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

11 novembre, le "cri-je-t'aime" de mon jardin, est là, fidèle à une mémoire myosotis.

À l'aube de ce jour, chaque année, Grand-mère ouvrait ses larmes à un fils parti aux Dardanelles.

Enfant, déjà, je savais que l'homme n'est qu'une musique qui se tait quand l'instrument se brise. Déjà je savais que l'homme n'est qu'une rumeur sur ce territoire du vivre et mourir où le "cri-je-t'aime" de mon jardin regarde passer un bruit qui court.  

 

jms-11 nov

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Les chefs

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Texte de Jean-Marc La Frenière

Tous les chefs sont pareils, chef de gare ou chef de rayon, chef de guerre ou chef d'état. Ils s'opposent à la vie et ne supportent pas la vérité. Dès sa naissance, l'homme a tout pour mourir. Entre-temps, il doit d'abord trouver ce qui le rend vivant. On croit refaire le monde avec des frères de comptoir, mais le fil se casse et le film s'enraye. On croit trouver sa route sur la carte du tendre, mais les nids de poule sont des cratères de bombe. Les jours n'ont plus d'heures et les montres retardent. On se monte un bateau dans l'ivresse des bars, mais le bateau prend l'eau dès qu'on manque de bière. Les imbéciles heureux ne comptent pas leurs sous. Ils rêvent d'une route qui n'aurait pas de fin, d'une vie sans monnaie, sans pesticide, sans police. Ils bâillent aux corneilles qui se déguisent en prêtres. Ils ne laissent pas leur main sous le marteau du boss. Ils s'accrochent aux clous tenant tête à la mort, au vent qui fait bouger l'épaule des patères. J'ai appris de mon loup qu'on ne vit qu'aux aguets. Je suis avec les heures qui passent à côté, les hors-la-loi, les fous, les louves de tendresse protégeant leurs petits, les pics-bois qui s'entêtent à réveiller les morts, les enfants insoumis qui ne perdent pas pied dans les souliers des hommes. Lorsque j'écris dans la pénombre, je convoque au matin la mémoire des ratures. Même au centre des villes, j'ai la mémoire des racines. Les chats gardent pour eux les secrets de la nuit. Les souris coursent avec le temps. Le poisson de l'angoisse tourne en rond dans le bocal du cœur.

Je ne veux qu'un peu d'air, d'émotion et de pain, un peu d'eau, d'amitié et de paix, un peu d'encre, de guitare et de glaise. Je nomme à tout hasard le sang des coquelicots résistant au mazout, la fraise toujours vivante sous les défoliants, la peau qui saigne sous la griffure des ronces, la vraie pelle oubliée dans la terre des écrans et la fausse perle des écrins. J'imagine à la fois la main qui tient le manche et celle qui dessine, le cœur qui décide et la tête qui pleure, l'escalier de la vie et la marche qui manque. Je veux un monde sans gagnant ni perdant, où passer à côté soit la norme des hommes. Je veux donner à lire le revers des médailles à l'ombre des statues, le cœur des clochards sous le papier journal et leurs remparts de carton. La caresse et la voix sont une façon de parler, le rêve et l'amitié une façon de marcher. Écrire et dessiner sont une façon d'aimer.

Je m'abandonne aux flèches de tout bois, aux fleurs de peau, aux coups de coude, aux coups de foudre, aux coups de cœur, aux rimes des chansons poussant leur ritournelle, aux airs d'ocarina, aux heures de pointe s'échappant des pointeuses, aux six lettres de l'alphabet multipliant les mots, aux mains qui s'ouvrent pour donner, aux yeux qui cillent et qui s'étonnent. Il y a gros de peur pour un si petit cœur. Il y a long d'espoir de la semence à l'arbre et de la pomme au cidre. Il y a loin de la parole aux gestes, de la vigne à l'ivresse, des kilomètres de haine à traverser pour un mètre d'amour, des kilogrammes de sang pour quelques gouttes de sperme. Tant qu'il y aura des hommes pour les museler, il y aura des femmes pour se défendre et des enfants à naître d'une parole commune.

Les vivants finissent au cimetière. Les mêmes rides se creusent sur le visage de chacun. La page ne dit pas toujours ce que l'on veut. Les majuscules s'opposent aux minuscules. J'ai gardé la main, mais elle ne bouge plus, trois tendons déchirés et un pouce broyé par le poids des syllabes. Une phrase trop pesante m'est tombée sur la paume. Qui a dit que les mots ne font jamais le poids? L'encre est comme le sang qui coule des blessures. Des larmes luisent dans l'alphabet du monde. Le silence figure la mort d'un moineau. Une épaisse rature défigure l'image en effaçant le sens. Une ampoule électrique ne prolonge pas vraiment la lumière du soleil. Les vieilleries s'entassent par ordre de poussière, boites de conserve rouillées, lingerie souillée, colifichets mordillés par un chien, cannettes cabossées aux couleurs déteintes et sachets de verveine apaisant la colère. Je quête ce qui vit dans la verve du monde, ce qui survit de sang dans le verbe du cœur.

Jean-Marc La Frenière

http://lafreniere.over-blog.net/

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Qui trouve mon cri me donne la parole.

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

C'est une brume de mots perdus
de cris à jamais égarés
d'encre jetée sur un papier que nul ne lira.
Toi, tu ères au détour des solitudes
tu joues de l'invisible
tu déchiquettes le silence
le froisses, le sculptes.
Eux, te disent poète
te définissent comme un de l'utopie
un venu des abysses du réel
homme des confins du dernier exil
homme perdu pour leur logique
leurs guerres, leur course à l'apparat.

C'est une ombre d'hiver ou une incertitude
un quelque chose en toi, ou ailleurs, qui palpite
une bougie qu'il te faut tenir éveillée.
Tu explores l'imperceptible
calcules l'immatériel, scrutes l'inobservable
creuses l'infinitésimal du bonheur
parcours l'infini des douleurs.
Tu croises parfois un archange égaré
dans des carrés de lune.

Tu te crois de partout mais tu es de nulle part
tu mets tes silences à table
tu manges avec tes morts mais parles à l'avenir
ton caviar tu le trouves dans l'encre des mots
au plus profond de la racine du cri.

Sous le regard de l'ange de l'absence
tu soliloques
tu jettes des mots, des phrases
des sentences sur un papier blême.
Tu mêles ton sang et ton encre
mais qui d'entre eux sait :
qui trouve mon cri me donne la parole.

 

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