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Je cherche un Pays

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Convoque ta voix, arme-la comme un galet lancé
sur ce silence qui noie le cri des cœurs
regarde plus loin que le miroir des fausses douceurs
où se perdent les larmes et où s'égarent les peurs.

J'ai eu des amours jadis et un jardin perdu sur les routes du temps
convoque mes larmes et jette-les plus loin que la mémoire
j'ai besoin de rire.

Oubliez- moi, mes belles amours
fuyez les yeux verts de ce chat qui résiste aux fatalités de l'oubli
allez dans ces jardins d'enfance où se perd la nuit
convoquez le vent qui m'emporte
donnez-moi des ailes, je cherche un Pays. 

 

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Je sais d’où je viens

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Mère, je sais d’où je viens
je ne suis pas né que de tes larmes
je ne suis pas né que de cette cellule première
qui comme le crime se multiplie
qui comme l'homme se divise pour posséder.

Mère, je sais d’où je viens
je suis un parmi les enfants de l'Incalculable
le fils d'un Bigbang et d'une fatalité  céleste
je suis un parmi les procréés
je suis fils de la mer et du sel
fils d'une mariée à robe d'eau saumâtre
fils du bouillonnement premier des matins
fils d'uni-vers marchant vers le futur.

Mère, je sais d'où je viens
je viens d'une saveur qui un jour de grand hasard
enfanta la première cellule
je suis de ce sel qui si souvent coulait de tes yeux
je suis de toi, ma Mère
moi qui ne sais s'il vaut mieux être fils de l'imprévu
que de l'attendu.
Je sais, ma Mère, les noces de l'eau et du sel
je sais les douleurs payées en larmes
je sais les faux apôtres du Savoir
et leurs mensonges psalmodiés
quand les enfants partent à la guerre.

Je suis là, ma Mère, à ouvrir mon cri
dans ce silence de premier matin du monde
où s'embusquent les dieux et le grand livre du Hasard
je suis là, et je vous regarde mes frères
fils de l'alarme sous toutes ses formes
je suis là avec vous, fils du Mystère
et je prie pour que disparaissent
les mandataires de l'invisible et leurs épées
leurs venins et leurs mots si doux à enterrer le crime
si durs à se croire maîtres du savoir
si tendres et si sanglants à rougir la terre
si enthousiastes à voir croupir les multitudes dissidentes
je suis là, et je prie pour que tarisse la voix des prophètes du malheur
et qu'enfin, les hommes vivent en paix.

Ève, n'étais-tu qu'une goutte d'eau ?

 

 

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Lettre à Pablo Neruda

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Nous  
Nous n’avions que des mots d’oiseaux
les larmes de nos enfants
et une tendresse pudique
à opposer au vent, au froid et à l’acier

Eux
se croyaient mandatés pour perpétuer
les pogroms de l’Église ancienne  
pour boire le sang de nos femmes
et voir pourrir nos corps

Nous
une étoile tatouée sur le cœur

Nous n’avions
que des prières d’oiseaux
et nos mains nues
à opposer aux bourreaux

Que nos rêves de justice
à opposer au cauchemar

Je pense à toi Neruda
et avec toi je dis :
Je ne veux pas qu’ils nous tendent
leurs mains humides de notre sang

Je pleure sur l’Afrique et la Négritude
sur l’Orient, l’Asie et l’Indien

Je pense aux tiens Pablo
et à tous
qui n’avaient que des mots d’oiseaux
à opposer à la barbarie

Pour les tiens, pour les miens
et ceux qui ont souffert

Pour ceux qui ne reconnaissent rien
ni du mal, ni des larmes  

Comme toi, Frère d’ailleurs
Je demande un châtiment.

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Le grain

Publié le par la freniere

Cet article est reposté depuis LaFreniere&poesie.

Je détestais l’école, mais j’adorais les livres. Je suis devenu autodidacte par la force des choses. On n’a pas besoin d’un diplôme pour écrire. On enseigne la création dans certaines universités. Ça fait des critiques et des poètes qui se lisent entre eux, mais que personne ne comprend. Mes seuls papiers sont des pages blanches. J’y mets ce que je veux. Je n’ai jamais eu la tête de l’emploi. J’ai la tête d’un arbre, une cervelle d’oiseau, des bras de fleuve. Je lis comme au début. Je mélange le bon grain et l’ivraie, la lavande et l’ortie, la lavande pour son parfum, l’ortie pour la délicatesse de sa fleur.

Il y a des rides derrière les masques, les traces d’une blessure ancienne, l’ombilic sur un ventre, la cicatrice d’un fœtus, une vieille tendresse. Une énergie est là, une communion entre les gens. Dès le premier mot, j’entends la langue de ma mère. J’entends sa voix dès la première note. J’habite sa voix, le souffle de sa voix. Je trouve le germe dans le grain, la mélodie entre les mots. Je traverse en chantant une vallée muette.

Plus que du sang et des entrailles, le corps de l’homme est une âme. On baise avec son corps. On fait l’amour avec son cœur. L’homme se ferme dans la femme comme l’argile dans le feu, la main à la roue, la roue sur le chemin. Je n’ai pas l’âge du temps. J’ai celui des mots. J’ai faim, j’ai soif et j’ai des yeux. J’ai une bouche pour parler et des mains pour donner. Le matin, les rêves sont pressés d’abandonner les draps. Les pieds veulent des pas. Les pas veulent des routes. Il faut que l’amour glisse du cœur à la main, du corps à l’âme. Le ciel mêle sa pluie à la boue de la terre, la fontaine à la soif des hommes, le pain au four qu’on allume.

 

Jean-Marc La Frenière

http://lafreniere.over-blog.net/

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Je ne ferme pas la fenêtre

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

La nuit, je ne ferme pas la fenêtre
pour que les étoiles entrent
pour que mes peurs s'envolent
Debout, je rêve plus haut que mes cauchemars
j'ai de la nuit jusqu'aux chevilles
j'ai peur de voir plus loin
de savoir ce qui arrive
de regarder les enfants dans le froid
les yeux d'une mère dans l'émoi.
Une odeur de pain noir grippe mes matins
J'ai perdu la clef
l'armoire aux espérances est fermée.

Oh ma frayeur, viendras-tu au matin  
raviver le jour quand mes yeux se ferment ?

J'ai perdu l'enfance
j'ai perdu ma vie
j'ai tant perdu de jours
que l'avenir me semble court
je cherche un poème
certains mots s'accrochent à moi
ont-ils quelque chose à dire
les vils brequins, les branquignoles et les parpaings
quand je voudrais des noms de fleurs pas trop lys
des poinçonneurs de lilas, des rémouleurs, des marchands d'oublis,   
quand je voudrais les étoiles et la nuit ?

Mais déjà le miroir arrive, un intrus dans le viseur
j'ai mal comme une bougie dont on écrase la flamme
mes mots vacillent, se courbent
la question jette des interrogations inédites
la réponse est un frisson
c'est matin et les étoiles s'envolent
mes peurs savent le chemin.

La nuit, je ne ferme pas la fenêtre.

jms16/01/2020

 

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Jean-Marc La Frenière : Le premier mot

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Le premier mot vient de loin, du fœtus au berceau. Il continue les phrases dans un carré de sable, poursuit sa route sur une table en bois, entre le sel et le poivre, l’apéro, le fromage et le dessert, les verres de plain-pied avec l’azur, les gouttes de pluie sur une assiette, les mottes de beurre qui ont le jaune des pissenlits, les faïences bleu-ciel qui se joignent aux nuages. Je donne un quignon de pain à la grande faim du monde, un litre de vin rouge à la soif des hommes. J’ajoute un os à la soupe, des nouilles en forme d’alphabet, une gousse d’ail, une pincée d’oignon. La vie colore le visage. Une ombre bouge dans mon dos. Ce n’est pas la beauté qui m’importe, mais l’amour où elle s’épanouit. Un sourire sort de ma bouche comme un oiseau de sa cage. Je lance mes regards le plus loin possibles. La langue passe par mon corps. Elle éponge le cœur.

Le temps lutte contre la montre, le sang contre l’argent, la nuit contre le jour, la vie contre la mort. On sait très bien ce qu’on ne veut pas. On sait moins bien ce que l’on veut. Les nuages font la moue sur le visage du ciel. J’aime que le temps m’offre son temps, que l’espace agrandisse les routes. J’aime les pauses, la flânerie, le vent d’avant le vent, la fleur d’avant le fruit, les mots d’avant la phrase, la rosée d’avant l’aube, la première page du jour, sa montée vers la cime suivie de sa descente, la vie d’avant la vie, le fœtus d’avant l’homme. J’ai été amibe, bacille et poisson. J’ai peut-être été bête, pétale, planète, fleur de mai. J’ai une langue apprivoisant les loups, une main pour l’outil, une autre pour écrire, deux bras pour l’accolade, deux jambes pour la courte échelle. J’ai une bouche pour mordre, la même pour embrasser, pour sourire et parler, la même pour aimer.

Je fais la chaîne avec les arbres et les oiseaux, la sève et l’eau d’érable, les plantes et les ruisseaux, le clair de lune et le soleil. Je saute à la corde à danser avec la ligne d’horizon. Les secondes de l’enfance me remontent à la bouche. Je hume les parfums, l’aubépine, le sureau, le cormier, le vinaigrier couleur lie-de-vin, le bleu des lavandes, le mauve des lilas, le rouge des framboises, les yeux noirs du tournesol. J’ai hâte que la colline remette son tablier de fleurs, que la fontaine soit bordée de cresson et de mousse, que la brume soit rose jusqu’aux yeux des nuages. Les sentiments s’élèvent quand on monte. Le cœur bat la chamade sur les chemins de l’eau et les sentiers pédestres.

Les mains jointes pour prier ne valent pas les mains ouvertes pour donner. Ce ne sont pas les dieux qui ont laissé des traces, bâti des cathédrales, érigé des dolmens entre les croix de bois, ce sont les hommes. Ce ne sont pas les fantômes qui hantent les tombeaux, ce sont les souvenirs. Ce n’est pas le feu qui réchauffe la terre, mais la main à la pâte, à l’épaule, à la roue. Un écureuil surgit entre deux parenthèses, écalant quelques mots. Une couleuvre se glisse entre les lignes. Je reviens souvent à la rivière Larose pour parler aux poissons, aux galets, aux arbres, aux écrevisses. Je mords à l’hameçon du temps, au rapala du rêve. La fin épouse le début comme la faim marie le pain, la fontaine la soif. Il n’y a pas de dernier mot. La même phrase se poursuit, d’une lettre à l’autre, de livre en livre, de maux dits en mots tus. Parfois, une parenthèse s’ouvre sur la vie. Elle se ferme trop tôt.

 

Jean-Marc La Frenière  lafreniere.over-blog.net

Publié le par la freniere

 

 

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Je ne suis pas

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Je ne suis pas
que cette cicatrice
qui porte ses 85 kilos de restes de vie
de mémoires, de festins, de larmes
de rires, de défaites et d’espoirs
cette somme de cris et d'enfance perdue
cet œil arrimé au jour d'exil où son monde s’effondra
ce jeu de billes oublié dans les recoins d'un escalier
ce premier sourire d'enfant muet qui te regardait
cet homme fracassé devant les rires d'un huissier
ce souffle qui manque sur un chemin de côte
cet inconnu qui passe sous un ciel de pluie

Je suis l'enfant qui, au matin, marchait main dans la main
avec une femme aux yeux tristes, sur la route du laitier
Je suis cet autre qui hésite entre le moment et hier
cette ombre en partance parmi ces noms que la mort périme
et celui qui se voudrait debout alors même que son siècle bascule

Je ne suis pas qu'un manteau de chair posé sur une âme
Je suis chacune de ces minutes qui me dispersent
ce vieil homme que l'enfant regarde en l'appelant grand-père
ce regard qui se cherche dans des ailleurs d'autres temps
celui qui traîne sa vie comme une cicatrice d’espoir
et se dit que le jour n'est pas encore fini.

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