Mémoire, Mémoire
Mémoire, Mémoire
Grince, cette petite voix
qui parfois s'enraye dans des remontées d'absence
qui ouvrent des abîmes où même le chagrin n'a plus pied.
Un couteau à la main, j'avance,
et s'il le fallait, je poinçonnerais le ciel
comme un vieux ticket de métro
quand les soleils déboulent au pied de la montagne.
Mémoire, Mémoire, tu te perds aux effractions du rêve.
Des entailles de nuit déchirent des étoiles de mer noyées en des lueurs perdues.
Ciel, Ciel, je t'entends pleurer,
tant de soleils se sont couchés pour ouvrir des crépuscules inutiles.
Mémoire, mémoire de poinçonneur perdu Porte des Lilas, mémoires d'affamés.
Mémoire, parfois tu voudrais refaire le chemin
mais la route s'efface comme un sommeil que l'aigu d'un mot persécute.
Je cherche les apôtres du savoir, le clergé des bien-pensants,
tous ceux que l'on aurait dû pendre par les pieds aux phares de l'espérance
quand ils dégrafaient leurs paletots pour montrer leur chemin des merveilles,
violeurs aux amours décapitées,
anges déchus aux sabots cloués à des nuages aux pestilences inoubliées.
Je cherche les pickpockets, les voleurs de lune, de rire,
et tous ceux aux deux mains jamais tendues, que l'on aurait dû couper,
les de-droite, les de-gauche, les j'achète-je-vends,
les cartographes du futur, les affameurs, les commandeurs.
Mémoire, mémoire, regarde-les trouer les horizons tous ongles sortis,
encore prêts à gratter et encore gratter pour voler ce qu'il reste de conscience.
Mémoire, mémoire, je vois ton âme
et tes rêves d'enfant saigner pour des billets de banques et une faim inextinguible.
À mesure que je m'enfonce dans ce vide sidéral,
les oiseaux d'altitude s'effondrent sous les cris d'un démoniaque silence.
Plus haut que les cimes, je regarde et n'aperçois qu'un ciel immense
et si vide qu'il se cherche aux tables de baccara.
L'armée de Dieu est habillée en bandits manchots
pendant que je joue à "tu vies-tu meurs",
Toi, tu regardes vers le bas, sur une piste jonchée de rêves échoués
où quelques traces de pauvres pieds nus sur la neige
maculent l'abrupt d'une pente.
Je marche sur des espoirs savonnés,
pour saisir avec des mains d'enfant ce qui reste
de ce qui n'est plus depuis longtemps.
Mémoire, Mémoire, ils ont tout pris
mais, encore, je cherche le bleu
et l'encre des mots à poser sur des cœurs de sourds.
jms29/03/2020