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Un chat dans la tête !

Publié le par Cheval fou (Sananes)

Très souvent, mes yeux se plissent, une brillance malicieuse s’en échappe avant même que je sache qu’une histoire saugrenue me parcourt.
Mon chat, comme d’habitude, est assis dans ma tête à guetter le moindre rêve, le moindre délire. Il est là à regarder le même nuage que moi, un petit cumulus gris et triste qui a choisi de s’élever tout en haut du ciel. Faut dire qu’en bas, il y a pire que la valse noire des fumées et des cumulus-nimbus à la dérive, bien pire que la désespérance d’une ville déprimée qui ronge ses couleurs. En bas, il y a des passants vides qui traversent leur vie sans jamais voir le soleil ni tout ce que voit mon chat. En bas, il y a un monde enfermé dans la grande salle des pas perdus où des voyageurs sans boussole croisent leurs solitudes sans jamais regarder la course folle des nuages lancés à la poursuite du temps. En bas, ils ne sentent rien de cette odeur qui interpelle mon chat et l’inquiète. Ils ne savent rien de cette frayeur miaulée qui déclare que les nuages sont en feu et que le ciel s’abîme. Mon chat est perdu, il n’est plus dans sa sieste, il n’est plus non plus dans son assiette, sa gamelle est vide, l’amour se dépeuple, les étoiles se font la belle, les souris courent trop vite. Mon chat se sent seul. Il grommelle, interroge en de pathétiques miaous : où sont les pompiers du ciel et les faiseurs de pluie ? Je ne sais que lui répondre. Mon mutisme l’agace, je suis fatigué, épuisé, j’ai un chat dans ma tête, un autre dans la gorge, un chagrin qui passe, je joue à chacun pour soi.
Je ne vais quand même pas passer ma vie à parler avec un chat !
Ce crime de lucidité et mon manque de compassion me déçoivent tellement que je me fâche avec moi, que j'éteins tous mes rêves. Mais ce qu’il y a de terrible quand je me fâche avec moi, c’est que je me retire de moi-même, de l’univers aussi, et cela mon chat le sait. Pourtant, je consomme la rupture. Elle est compacte et terrible comme une porte fermée dont j’ai égaré la clef. Je me perds de vue, j'en arrive à me croire si seul que je ne me parle plus, plus du tout, si bien que parfois je m’ennuie. C’est effrayant de se déserter quand on est un homme de l’intérieur et que personne ne vous voit !
Quand j’ai du chagrin, c'est ainsi, mon chat s’endort et les étoiles disparaissent, tout le monde s’en fout, et moi aussi !

JMS

Publié dans JMS - A paraître

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Dans l’alphabet des jours

Publié le par Cheval fou (Sananes)

Il y eut une époque où j’avais égaré les clefs de ma vie ; en ce temps, j’ai travaillé et attendu que ça passe. Il arrive que la vie ressemble à ces matins que l’on pose sur des monceaux de jours et que le temps déchire. La vie c'est comme le café, c'est quand il est passé que l'on sait s'il est bon, bouillu, ou foutu.

L’autre nuit, je me suis réveillé, j’avais perdu trente ans à vivre des années  mensonge. Trente ans ça fait long pour un temps si vite passé. L’horloge biologique a couiné trop tard, un cri de genou par-ci, une adresse arrachée par-là, un numéro gommé, des vies  qui viennent, des vies qui partent, ce chat qui hante mon sommeil, et les nuits qui s’attardent. Il est des moments où l’essentiel s’étiole au cœur de la banalité. Et on te demande de croire aux habitudes, de te nourrir du quotidien ! Il est des temps où tu oublies de vivre.
Mais tes rêves ?

Mes rêves, je les garde au cœur pour être un homme debout.
Il y a longtemps, quand la jeunesse m’avait mis en quarantaine, je chantais encore mes vingt ans, mais maintenant, que chanter ?
Parfois un rire m’enchante, il a 8 ans et pas toutes ses dents,
d'autres fois les dizaines se cumulent et l’on a plus toutes ses dents.
Le miroir m’effraie.
Pourtant  je me fraie un chemin, j’avance au cri des crécelles, j’habite les jardins de la marge. Je ris, j’avance, j’attends ces lendemains où galopent les souvenirs, je lessive les rancunes car le malheur est fidèle à ceux qui le chantent. Je ne ressasse rien, hier n’est pas demain.
Si chaque jour je renais dans la chaussure de mes mots c’est que demain reste un mot du futur.
Je ne vais plus au miroir pour me voir, j’y vais pour rechercher celui que je serai.
Mes yeux, s’ils ont fermé mes vieilles douleurs, n’ont rien oublié de ceux que j’ai aimés, rien des rires d'enfants sur les chemins qui vont. Je les parcours en sautillant, je m’y prélasse,  je m’y attarde, m'y reconstruis. Je recrée un monde de soleils, de petites joies et de caramels mous. Je parle à mes mots sans dictionnaire, je les veux nus, simples comme le regard des pauvres gens car nul ne me ressemble plus. Fini l’orgueil, j’ai appris à pleurer, à demander sans exiger, j’ai appris à aimer sans vouloir de retour.
Il m’importe moins d’être que de vous savoir là. Je ne suis qu’une nuée de mots que la rumeur boira jusqu’à ce que le vent m’emporte.
Si les passions sont belles dans l’alphabet des jours, si elles sont douces-brûlantes au registre des mémoires, c’est aux blessures que l’on apprend que le précieux n’est pas dans le feu mais dans les cendres chaudes de fins de journées, là où les mains et les cœurs se réchauffent aux rires d’enfants. Le reste n’est qu’embrasements,  rien de durable pour le bonheur de vivre.
Seule la tendresse me rend la vie indispensable et  si je ne  suis qu’un homme qui passe, je sais qu'elle seule bâtit l’amour.
 
Je sais, quand tout s’en ira, il me restera encore la mémoire d’un chat.

JMS

Publié dans JMS - A paraître

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