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Le cri du caféier

Publié le par Cheval fou (Sananès)

C'était il longtemps, si long-temps que ni toi ni moi étions là.
Le temps meublait le silence, on n'avait pas encore inventé le cri.
La souris attendait le gruyère et le chat n'habitait pas encore l'Egypte. 
La terre était peuplée de brocolis sauvages et de brontosaures affamés en quête de pâture sous des nuits enlunées.


Paniqué un caféier conscient du danger, partit mettre à l'abri sa progéniture, le plus loin possible, il visita la terre et fit des maisons au bout du monde, en Arabie, en Afrique et en Colombie pensant que ses bébés caféiers - prenez en de la graine- seraient hors danger. 

Hélas, après avoir mangé les brocolis sauvages et les brontosaures affamés, la bête à deux pattes, celle qui marchait debout, debout comme un arbre avec deux bouts de pattes, joua à inventer.
Elle inventa le cri, le crime, le lard, le larcin, le beurre, l'argent du beurre et aussi l'argent qui ne fait pas le bonheur. Mais la bête n'était jamais satisfaite aussi recommença-t-elle à inventer. Elle s'inventa un nom Homme.  Elle inventa le bateau, inventa des rames, inventa des voiles, soumis les femmes, les bateaux à voiles. Puis elle captura un chameau puis deux puis plus, en fit des queues leu leu, en fit des caravanes et fouilla de font en comble et d'est en ouest l'univers contenu dans ses cartes.
Brutal comme le silence quand on tait les oiseaux, la bête se glissa partout comme une rumeur, je dis bien comme "une rumeur" et non comme un "on dit". Ce fut une rumeur qui tourna mal, car en fait, très vite elle devint  un "on fait", mais pas n'importe quel "on fait", ce fut le plus terrible de tous, ce fut un "on fait tout et n'importe quoi".
Cela, était il y a longtemps, mais pas aussi longtemps que quand vivaient les brocolis sauvages et les brontosaures affamés, même, si ni toi, ni moi n'étions pas encore là.
En ce temps là, le  brouhaha  meublait le silence et le silence  ne parlait plus que dans les temps morts. Le cri habitait partout. La lune ne parlait plus aux étoiles. Elle se contentait d'être belle et pâle comme le désespoir d'un enfant serin qui sait que le Père Noël ne lit jamais les lettres qu'il reçoit.
Les montagnes fatiguées de bouger et de cracher le feu, ne voulurent plus marcher et s'assirent là où elles étaient, sous les étoiles, pour regarder la lune pâle, sans rien dire et impassible. Le ciel lourd se reposa, inconscient du danger, pourtant la bête à deux pattes jouait.
Là bas, paniqué un caféier entendait monter le danger.
Aux aubes mourantes arrivaient des armées de bêtes à deux pattes.
A nuits tombantes elles repartaient des sacs entiers de bébés bonne-graine, gentilles et tétanisées au fond des sacs. De cette atroce situation les papa caféiers tirèrent une expression qui formulait au mieux le le désespoir : être au fond du sac.
A l'autre bout du monde la bête qui avait inventé le cri, le crime, le lard, le larcin, le beurre, l'argent du beurre et aussi l'argent qui ne fait pas le bonheur, avait maintenant inventé le café noir, le café au lait, le café au lit, le café croissant, café moka et les marrons glacés. Pour cela, elle grillait les bébés bonne-graine. D'horribles machines à torréfier inventaient l'ère industrielle. Les bateaux à rames, les bateaux sans rame, les bateaux à voiles et ceux qui n'en n'avaient pas périssaient, comme fanent en nostalgie inutile, les rêves de brocolis sauvages et de brontosaures affamés quand le temps est passé et que le sang fragmenté des caféiers se brise en odeurs enivrantes et charnues.
Cela agitait et agaçait terriblement le caféier qui se fit énormément de caféine.
La bête à deux pattes avait été le plus loin possible, au bout du monde, avait trouvé : en Arabie, en Afrique et en Colombie la maison des caféiers.


Depuis les caféiers savent le cosmos n'est pas assez grand pour que quiconque échappe à la bête  qui avait mangé les brocolis sauvages et les brontosaures affamés

Jean-Michel Sananès - in Aube Fantasque autobiographie d'un vieux rêveur - Editions Chemins de Plume - 12 Euros

Publié dans Textes de JMS

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Fuis

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Fuis fuis mon hirondelle,
fuis la biche du bois,
et toi, l'écureuil sur ta branche,
fuis, ça chauffe chez les humains.
Écoute,
écoute grandir le désert,
la colère du vent et des pluies sauvages.
Fuis, fuis petite vipère
j'entends grésiller le mulot, le campagnol et le renard,
ça sent la chair et l'herbe brûlées
ça crame au pays d’homme,
mais comme moi ne ferme pas tes yeux,
n'imagine pas la douleur qui court parmi les flammes,
la larme entravée dans ma mémoire*
ne retient ni colère ni désespoir.
Fuis fuis,
l'homme point zéro, l'homme primaire, l'homme point trois,
l'homme de rien et l'homme supérieur
jouent avec des allumettes, des bombes, et la nature meurt.
Fuis et jamais ne crois
à l'innocence des grands bipèdes,
à l'intelligence de ceux qui disent que la terre est plate,
à ceux qui croient que le cosmos leur appartient,
à la crédulité de ceux qui croient qu’un Dieu nous sauvera.
Fuis fuis,
n’imagine pas la douleur qui court parmi les flammes,
le vent qui te poursuit,
cours renardeau,
ça chauffe chez les humains,
demain il brûleront la Terre,
et toi mon hirondelle,
où es-tu quand j'ai peur pour toi ? 

                             
*Mordekhaï Gebirtig, poète auteur du poème "Ça brûle" (ils-brulent-brulent-notre-bon-village)

Lettre à Martin Niemöller et à Mordekhaï Gebirtig - CHEVAL FOU ...http://chevalfou.over-blog.net › 2015/11 › la-clarinette-...

 
 
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Hommage de la commune de Saint Martin-du-Var à l’artiste-peintre Emile BELLET

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Hommage à l’artiste-peintre Émile BELLET (1941-2022),
habitant de Saint-Martin-du-Var, décédé le 1er juillet 2022.

La carrière picturale de Monsieur BELLET est très importante, sa peinture est  accrochée aux cimaises de la ParkWest Gallery dans le Michigan aux USA, une des plus grandes galeries de peinture américaines avec laquelle il travaillait en exclusivité mondiale depuis une quarantaine d’années.

La ParkWest Gallery a sur place une salle Emile BELLET destinée à ses expositions personnelles, et organise également des expositions de ses œuvres dans le monde entier, Japon, Norvège, Paris, …

    La “french touch” d’Emile Bellet

    Il y a chez Emile Bellet, peintre français ayant obtenu gloire et reconnaissance outre-Atlantique, cette « french touch » que les Américains aiment tant : cette capacité d’un peintre classique à se libérer du classicisme en toute simplicité, sans pour autant renoncer aux fondements du passé.

    Pour un instant…

    La femme est, et demeure, l’un des sujets de prédilection des artistes. Du mystère ancestral de la mère à la fascination immémoriale de l’amante, voici la muse éclairant le monde, comme savait si bien le dire et le peindre Dali.

    Chez Bellet, cette fascination semble celle d’un instant fugace, preque flou, qui se grave à jamais dans la mémoire. Une silhouette qui se découpe sur un fond à peine plus esquissé. Un instant de vie capturé par l’oeil, un instant d’envie livré comme un souvenir précieux.

    Autodidacte, Bellet a su prendre dans ce qui existait, choisir d’aimer la simplicité des aplats de couleur d’un De Staël, et la fureur chromatique des Fauves; choisir d’être amoureux de la fin des années cinquante, quand Grace Kelly était l’égérie d’Hitchcock et que les couleurs de la Méditerranée s’imprimaient sur les pellicules Technicolor de la MGM.

    Ainsi avec ses pinceaux et ses brosses, Emile Bellet nous conte un temps rêvé où les femmes, à peine sorties des crinolines, attendaient adossées à des rembardes de terrasses avec vue mer, le prince, assurément charmant, qui viendrait les délivrer de cet instant où rien ne se passe, mais où tout demeure possible.

    Car c’est cela que Bellet capte si bien, et qui l’a rendu si célèbre : la mise en image d’un possible à venir …
   
© Textes : Natacha PELLETIER , Passion Estampes

La commune de Saint-Martin-du-Var et son Maire Hervé Paul, présentent ses plus sincères condoléances à son épouse Ile ENIGER, écrivaine réputée.

Publié dans Informations

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Pablo, je me souviens

Publié le par Cheval fou (Sananes)

16 et 17 juillet 1942 "Rafle du Vel d'Hiv"
À mon grand oncle

Lettre à Pablo Neruda

 

Nous,

Nous n’avions que des mots d’oiseaux,

les larmes de nos enfants

et une tendresse pudique

à opposer au vent, au froid et à l’acier.

 

Eux,

se croyaient mandatés

pour perpétuer les pogroms de l’Eglise ancienne,

pour boire le sang de nos femmes

et voir pourrir nos corps.

 

Nous,

une étoile tatouée sur le cœur,

 

nous n’avions

que des prières d’oiseaux,

et nos mains nues,

à opposer aux bourreaux,

 

que nos rêves de justice

à opposer au cauchemar.

 

Je pense à toi Néruda

 

et avec toi je dis :

je ne veux pas qu’ils nous tendent

leurs mains humides de notre sang.

 

Je pleure sur l’Afrique et la Négritude,

sur l’Orient, l’Asie et l’Indien.

 

Je pense aux tiens Pablo

et à tous

qui n’avaient que des mots d’oiseaux

à opposer à la barbarie.

 

Pour les tiens, pour les miens

et ceux qui ont souffert

 

Pour ceux qui ne reconnaissent rien

ni du mal, ni des larmes 

 

Comme toi, Frère d’ailleurs,

je demande un châtiment.

JMS

 

Publié dans Cheval fou

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Six ans déjà et la mémoire

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Nice (juillet 2016)

Quand le sang coule,
appelez-moi chagrin,
appelez-moi larme douleur révolte,
je suis Nice, Kaboul, Jérusalem,
Damas, Mossoul, Munich…
Quand le poignard s'enfonce,
je suis l'enfant,
la femme aux yeux tristes
dont on a éteint le regard,
les 84 personnes qui ont péri à Nice,
les 10 enfants volés,
les 331 blessés
qui s'acharnent à vouloir vivre et encore aimer.
Je suis ce rire encore collé à une photo,
cette femme qui ne reverra jamais sa mosquée,
ce père et son fils si loin de leur Texas,
ces deux enfants
qui ne fêteront jamais leurs cinq ans.
Je suis
un père en deuil, une mère en larmes,
une grand-mère qui ne sait plus vivre,
cet homme qui protégea les siens,
ceux qui s'interposèrent pour que d'autres vivent,
cette nuit où les étoiles eurent mal,
ce cri qui ne veut pas partir,
cet oubli qui ne viendra pas,
cette nuée des âmes
qui s'insurge contre tous les détenteurs de vérités,
contre tous ceux qui jugent et s'arrogent le droit de tuer,
contre tous ceux qui souillent le droit sacré de vivre,
d'aimer et d'être libre
et d'avoir une conscience.
Appelez-moi destin
car je suis celui qui sait
que les enfants de l'échec
sont une obole à l’intégrisme,
que les infirmes de la conscience
vendent la prière et le meurtre à la criée.
Appelez-moi ineptie
car je suis celui qui, sur Internet, regarde
les marchands de haines prospérer
dans l'impunité et l'indifférence
de ceux qui en font commerce.
Appelez-moi Nice,
Toulouse, Bataclan, Orlando ou Paris,
appelez-moi Kaboul,
Jérusalem, Damas, Mossoul ou Munich,
appelez-moi Afrique,
États-Unis, Asie, Tunisie, Algérie,
j'ai le nom et le sang de millions d'hommes
qui grésillent au fond de ma mémoire.
Où que j'aille,
de Port El Kantaoui à l'extrême sud de l'Afrique,
encore et encore, je cherche l'humain.
Appelez-moi détresse
car je suis celui qui sait qu'entre la bestialité et l'homme,
il y a la conscience.
Appelez-moi doute, fatalité, malchance, aveuglement.
Appelez-moi Homme,
si être homme encore a un sens.
Appelez-moi espoir,
appelez-moi avenir car je suis celui qui croit
que l'on peut encore restaurer le cœur de l'homme
et encore lui donner des étoiles, des projets et du rêve.
À Nice, Toulouse, Bataclan, Orlando, Paris
Kaboul, Jérusalem, Damas, Mossoul, Munich,
et dans les mille autres ailleurs où court le crime,
vous serez toujours là,
à peupler les donjons de ma mémoire,
où que j’aille, je porterai votre sang et vos rêves.
Enfants d’ici,
enfants d'ailleurs,
convoquez l'amour, le respect, la tolérance, la joie,
je cherche l'humain,
où que j’aille, encore et encore,
toujours je chercherai des frères.
Pèlerin sans croix, sans croissant, sans étoile,
sur une route où les intégrismes sont légion,
sur cette route où la lumière est sous voile,
j'affirme
que l'humanité sera laïque,
diverse, généreuse, fraternelle,
ou qu'elle ne sera pas.


In "DE CHAIR ET D'ÂME   Suivi de  DE MÉMOIRE ET D'INFINI
aux éditions Chemins de Plume (2021) page 66 à 68

Six ans déjà

Peinture de Slobodan (rue de la Poissonnerie Nice)

 

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Poème à mon enfance

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Sur les berges d'un mot, j'accoste des continents,
là-bas déferlent des tempêtes de vagues à l’âme,
j'y esquive des rires défunts,
des saveurs archaïques,
de vieux cumulus dans un azur inégalé,
il y a du varech et des chansons d’enfance,
hé, maman, es-tu là ?
Là-bas bruissaient la colère et le verbe aimer,
l'ombre et la lumière,
ta voix y était chanson,
Mère, je ne sais où tu es
.

Entre hier et jamais plus,
mon  passé frissonne
tous, je vous entends palpiter
dans l'éclatement des pendules.

Là-bas, sur mon bureau,
une carte d’Europe portait le nom de mes amis,
des adresses, et le drapeau de leurs pays
.

Le savez-vous, l'Histoire a arraché vos noms
et tant de rires oubliés sur une terre qui tuait ses enfants.
Toi, mon ami d'Alger et toi le Yougoslave,
où êtes-vous ?

Je viens d'un pays qui n'existe plus,
mes rêves apatrides cherchent leur royaume,
où suis-je dans les errances du vent ?

Dans cet entre-temps où chutent les décennies,
je cherche un territoire,
un lieu d'accueil pour tous ceux
qui encore chuchotent en moi,
et pour tous ces jours qui s'appelaient tendresse.

De mon cœur et ma tête, ne reste-t-il rien ?
Le savez-vous, je suis orphelin d’hier.
Ils ont tué le soleil.

Je cherche des gitanes de flamenco
et l'ombre du platane aux  oiseaux,
et vous, hirondelles de mon enfance,
défroissez les cœurs, les amitiés, les rêves anémiques,
inventez des mots nouveaux qui parlent de retour,
des syllabes d'oiseaux qui soient solfège d’infini.

Et toi, ami des Temps perdus,
où es-tu sur ces chemins sans retour
où j'effrite ce qu'il me reste d’espoir ?

JMS

 

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L'arbre millénaire

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Vieil arbre, toi que l'on dit de paix,
si tu pouvais parler,
nous dirais-tu le bonheur ou le sang versé ?
Certains silences sont les tombeaux du tumulte,
devrait-on en exhumer les rires,
les cris, les larmes et les renoncements ?
Nous raconterais-tu l'histoire brute,
hors corrections et manipulations,
loin des culpabilités ?
J'en reste aussi perplexe que curieux
et j’écouterais, en me bouchant les oreilles !

                   Photo Armanda Dos Santos - Ayurvedic Lab

 

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La mort

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

 

(L’homme de Bel-Abbès)

 

La mort,

c'est ce chat qui m'attend

dans une rue de Sidi-Bel-Abbès

pour me dire que les fleurs étranglées

ont écrit des zéros

 

La mort,

c'est cette belle vitriolée

par l'Amour, par le Temps,

par les crèves et les chemins de détresse

jouant aux dames derrière le carreau

 

La mort,

c'est se revoir sur un banc au collège

chez les marchands de mensonge

avec son copain qu'est devenu un autre

 

La mort,

c'est ce marchand d'étoiles

sorti d'un manège

qui joue de la déchirure mémoire

et de la gomme à songes

 

La mort,

c'est quand on n'est même plus un autre.

 

La mort,

c'est ce chat qui m'attend

dans une rue de Sidi-Bel-Abbès

 

JMS

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Je passe comme un chagrin de temps qui court

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)


 Souvenir d'un juillet 62

À Hossine, ce vieil ami que j’aimais comme un père

Retiens ma vie
m’avait dit ce chat griffé par le cancer.
Tourne tourne le poignard bleu.
J’ai laissé sa vie
sur le cri désâmé d’une seringue assassine
j’ai oublié mes larmes sur la table d’un vétérinaire.
Tourne tourne la lueur trouble de son dernier regard.
Tourne tourne le poignard de l'impuissance.
Partent partent les pages
partent les larmes.
Et moi qui passe
comme un chagrin de temps qui court.
Je suis un homme de demain
je serai un enfant d’hier.
Résonne la Question :
Est-il mot plus signifiant que : pourquoi ?
Retiens mon nom,
avait-il semblé dire
déjà sous un ciel d’ailleurs.
Déjà, un vieil ami m’avait dit :
Retiens mon nom.
Tournent tournent les décennies.
Tourne tourne le poignard bleu.
Là-bas, dans l’enlisement des jours s’effacent les noms
comme un deuil en partance et la mort entre nous.
Au temps de l’enfance et du sang
sur un trottoir d’adieu la vérité cherchait ses mots
et clamait ses promesses.
Dans les fausses notes d’un temps égorgeur
la prière et le crime rognaient le même verbe.
Partent les pages, partent les larmes.
Tourne tourne la lueur trouble de son dernier regard.
Tourne tourne le poignard de l’impuissance.
Et moi je pars
comme un chagrin d’antan épuisé de remords
sous le cri désâmé des minutes assassines.
Quand tonne la Question
je reste un gamin d’hier.
Est-il mot plus insignifiant que : toujours ?
Je vais comme un chagrin de vent mauvais
je bruisse en rumeur d’oublis insoumis.
Dans l'enfance que je porte, mijote un enfant chauve.
Et Toi, quelle est Ta langue ?
Ne parles-Tu que le silence ?
Je Te regarde sur la seconde qui part.
Tu me flingues
comme une marée de rires sur cœur à marée basse.
Partent les pages, partent les larmes.
Tourne tourne le poignard de l’impuissance.
Tourne tourne la lueur trouble
des derniers regards.
Je pars comme un éléphant fou
quand la mort barytonne à la pointe du jour.
Mère, où es-tu, qui me laisses grandir
vieillir, m’assagir, m’assoupir ?
Poucet qui égrène les jours
je pars mes rêves à la main
vieil enfant qui court dans la maison de l’Ogre
j’écoute tonner l’oxymore.
Est-il mot plus signifiant que : jamais ?
Partent les pages partent les larmes.
Jamais triomphe toujours de toujours.
Tourne tourne le poignard de l’impuissance.
Tourne tourne la lueur trouble de nos regards.
Et moi qui passe
comme un chagrin de temps qui court.
Le cheval d'enfance n’ira pas plus loin.

JMS in "Cheval fou" et in "Chemin de pluie et d'étoiles"  TOME 1 aux Éditions Chemins de Plume

 

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Où le cœur ouvre son regard, tu es

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

                                                                                                         À E.B
Tu venais d'une Provence laborieuse,
des couleurs de ciel, de blé et de coquelicots
plein les yeux, plein la tête, plein le cœur.
La lumière, tu l’extirpais de la chevelure d’un pinceau,
tu nous l'offrais comme un sang paisible.
L'été, tu le mariais à une silhouette de femme,
toujours la même.
L’ombre, tu la peuplais de fleurs,
de violonistes et d'odeur de café.
Tu dressais la vie sur une toile,
parmi ce qui est et sera.

Aujourd’hui, dans cette nef de bois en route vers l’infini,
tu ne pars pas, tu es,
tu restes partout où le cœur ouvre son regard.
La route vers l'immense ne ferme pas l’invisible,
ceux qui t'aiment te regardent
Dans ce présent plus large que l’ailleurs,
tu es là.

JMS

 

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