L’immigré de l’intérieur
L’immigré de l’intérieur
Camarade,
Courons,
de froid en nuit,
de trottoirs en poubelles
La ville m’a chassé
j’ai migré
mauvais côté du rire
côté mal espoir
j’ai migré
vers les banlieues sans travail
Là où, à l’arrache rêves,
Là où la nuit tue ses enfants
Là où l’on a faim, froid et peur
J’ai migré
loin d’opulence
et des terres promises
entre des tours de béton
et les jardins de nulle part,
loin de bien-être
Je suis l’immigré de l’intérieur
Chez vous,
là où les vanités se chiffrent
à prix Dior
et les nippes se signent,
Fauchon fournit vos tables
Loin de nous
vous surfez sur le Web
Nous sommes une réalité virtuelle
Camarade,
j’ai faim, j’ai froid, j’ai peur
Courons
La mort et la violence
sont à nos trousses
En marge de la vie,
rongeons nos ongles
comme l’on dépèce l’espérance
jusqu’à la cornée du rêve
Un coin de soleil et de trottoir
pour nos vacances,
du déchet pour nos tables
Encore vivant, mon frère,
Là où le béton tue le ciel
je respire
là où la pauvreté
et la nuit désossent la peur
Je suis encore vivant,
vivant parmi le peuple des cartons
Je suis citoyen de la rue
exclu et sans droits
sans amour
sans ambassadeurs
je suis immigré de l’intérieur
Camarade,
Courons,
de froid en nuit,
de trottoirs en poubelles
La mort et la violence
sont à nos trousses
Encore vivant, mon frère
En centre ville
la misère ne s’exhibe pas
Nous n’avons
que la légitimité du dérisoire
Dans nos lits cartons,
oublions nos vies
La mort est une ivresse
JMS - In "À l’ombre des réverbères" - Éditions Chemins de Plume