Des enfants et des hommes sont morts
Des enfants, des hommes sont morts et c’est un drame.
Cependant, je suis irrité par le besoin que certains ont de désacraliser les enfants et les victimes, je suis blessé par le besoin que certains ont de laisser penser que les enfants morts ailleurs méritent que l’on efface les enfants assassinés et les morts de Toulouse.
Devrait-on penser qu’après tout ce n’étaient "que des soldats" et "que des Juifs" ?
Certains médias semblent s'en faire écho.
Mais la mort, où qu’elle soit, est toujours irrémédiable et injuste quand elle peut être évitée.
Oui, à quelques heures de chez nous, des enfants mêlés à une guerre, meurent prisonniers d’un engrenage où tirs de missiles et représailles s’enchaînent.
Dieu pardonnera-t-il aux parents d’exposer leurs enfants pour en faire des martyrs ?
Aux récurrences de l’insupportable, je hurle à l’imposture des dieux qui opposent les peuples. Je griffe du papier et m’insurge pour tous les enfants d’ici et d’ailleurs à qui l’on a volé le futur, à qui on a pris tout ce qui devait leur advenir.
Oui, moi l’athée, je pleure sur tous les enfants qui meurent de l’indifférence d’une société de consommation et de profit qui laisse les enfants d’Afrique mourir de misère et de famines que l’on pourrait éviter par le simple sacrifice d’une seule journée du budget mondial des dépenses des armées. Je pleure sur l’avidité des puissants qui refusent d’offrir l’eau potable aux déshérités, je pleure sur les gouvernants d’ici et les corrompus d’ailleurs qui regardent sans rougir les enfants au ventre ballonné aller à leur mort. Je pleure sur l’aveuglement des présidents qui font négoce d’armes et oublient la plus élémentaire morale.
Oui, chaque jour, je suis triste à en pleurer, pas besoin du drame de Toulouse pour que mon verbe et mon encre s’insurgent.
Mais un peu de décence. Ici, en France, des enfants ont été arrachés à leurs jeux, à la vie, à leurs familles. En cette circonstance, je demande aujourd’hui que les langues au venin sirupeux se taisent, qu’elles laissent ceux qui ont des larmes s’adonner à leur chagrin. Je demande qu’ils rengainent leurs justifications. Il faut que chacun sachent que choisir une enfant dans une cour d’école, l’attraper par les cheveux, mettre un pistolet sur sa tempe et tirer une balle dans la tête de la fillette en pleurs, n’est pas une bavure, ni un dégât collatéral. C’est le paroxysme d’une haine paranoïaque inculquée et que je ne veux pas voir excusée. C’est le paroxysme d’une haine qu’il faut soigner.
À chacun d’entre nous, je demande de rester homme, je ne veux voir ni la vengeance ni la mort reproduite. Je veux que chacun d’entre nous déterre au plus profond de lui-même l’humanité avec laquelle l’on construit le verbe aimer. Je veux que les enfants redeviennent enfants tous pareils aux miens. Je veux que l’école ne laisse plus d’enfants à la dérive et en proie aux idéologies criminelles.
Je veux que chacun sache que l’autre n’est pas notre simple prochain mais notre identique.
Je n’ai pas de prochains je n’ai que des pareils. Il nous faut réapprendre le mot frère.