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Mon oiseau

Publié le par Cheval fou (Sananès)

 Je n’étais rien

Et ils m’ont appelé "oiseau"

 

J’ai été moineau

Et ils m’ont apprivoisé

 

Autour de mes rêves

ils ont mis leurs idées.

Avec les morceaux de ma liberté cassée,

une cage,

ils ont dressé.

 

Et toi ?

Toi, petite,

tu n’étais rien,

Ils t’ont appelée "fille",

Ils t’ont donné une couleur et des mots

pour balafrer l’incognito

 

Le mot est un traître

qui dénonce la chose et le geste

pour l’assujettir à leurs fantasmes

quand ils manient l’impératif.

Et comme ils m’ont coupé les ailes,

ma fille,

si tu n’y prends pas garde,

ils te donneront des idées barbelées

de tabous, de devoirs et d’horaires

 

Peut-être te rappelleras-tu alors

le temps où tu n’étais rien

et où tu aimais tout le monde.

JMS - In "Cheval fou - D'amour et de colère" - Editions Chemins de Plume - 12 Euros

Publié dans Cheval fou

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Jean-Marc La Frenière

Publié le par Cheval fou

Un feu me hante

Le dernier recueil de Jean-Marc La Frenière

est paru

AUX ÉDITIONS D'ART LE SABORD

167, rue Laviolette, C.P. 1925, Trois-Rivières (Québec), Canada, G9A 5M6
www.lesabord.qc.ca
art@lesabord.qc.ca


Distribution au Canada: Prologue inc.
prologue@prologue.ca

 

Publié dans Ils disent

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Mon chien sait :

Publié le par Cheval fou (Sananès)

Mon chien mène l'enquête

JMS - "Mon chien mène l'enquête" - Éditions Chemins de Plume - 10 €
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Monsieur le Président

Publié le par Cheval fou

Monsieur le Président

 

J’aurais tant aimé, Monsieur le Président, que vous soyez le proche de tous les Français, de ceux qui, drapeau et cœur à la main, au temps des dimanches fériés, couraient les défilés pour vous voir passer.

 

Je ne vais plus aux défilés, je bois des matins tristes et froids, je revisite l’hiver.

Chaque jour je mesure la distance qui nous sépare.

Je suis homme du petit peuple. Les miens ont froid et se nourrissent aux rayons premiers prix. Les miens cherchent un travail que le libéralisme déporte si loin de chez nous que nous habitons la peur des lendemains. Chaque jour je mesure la distance.

 

Entre la France de Léon Blum et la vôtre, il y a cette frontière dressée entre l’altruisme et le libéralisme, entre la fraternité, le droit, et le crime économique.

Chez nous on s’accroche au travail, comme le chercheur d’or à un filon, on résiste, on marche, on crève jusqu’au suicide. Les temps ont changé, le capitalisme à visage humain, celui de mon père, est mort. Ils ont inventé le cynisme économique. Sous votre règne, le loto est devenu l’Amérique du nouveau pauvre, l’ersatz du dernier espoir. L’avenir est devenu un mirage. Vous érigez un droit des puissants qui nie le droit des travailleurs. La haute finance est devenue Raison d’État. Vous asservissez votre peuple. De chez vous, là-haut, vous orchestrez la déréglementation. La France du Capital Carnassier est celle que vous aimez, alors qu’il conviendrait d’aimer les Français (tous).

 

J’en conviens Monsieur Le Président, ce n’est pas de votre faute. On ne peut que peu de choses contre l’éducation, il est peut-être trop tard pour vous mais, de grâce, cessez de tuer l’école ! C’est là que se formaient l’intelligence, le sens du respect, le patriotisme citoyen, et le culte de la morale ; ce n’était pas sur les stades!

Monsieur Le Président, je vous en conjure, cessez d’aider les affairistes, les spéculateurs en Bourse et les opportunistes de tous genres. Cessez de demander aux travailleurs d’en faire plus et plus alors même que votre doctrine économique les prive du droit au travail ; cessez de les soumettre. Cessez d’aligner les salaires sur les seuils de la misère, de demander aux travailleurs de ne plus être rémunérés pour le travail accompli car, l’incivisme libéral achète en Chine. Cessez de saigner les petits. Nous savons bien que la France reste un pays riche, son PIB en témoigne. Vous savez bien que la France ne souffre pas d’une simple mauvaise répartition des richesses mais de leur captation par la minorité que vous cautionnez. Soyez humble Monsieur le Président quand certains de ceux que vous administrez meurent de faim. Cessez d’être un contre-exemple, d’exhiber des montres qui coûtent des années de salaire ! J’aurais tant aimé, Monsieur Le Président, que vous soyez proche des miens et de ceux qui affrontent l’hiver en fouillant les poubelles.

 

Sans être moraliste je crois, Monsieur Le Président, que dépouiller les plus faibles est un crime. Fermer une usine et jeter à la rue ceux qui l’ont fait prospérer, pour aller exploiter ailleurs d’autres travailleurs, est une atrocité coupable. Mais condamne-t-on pour ces crimes économiques ? Non ! Chez nous 10 000 foyers précarisés font un Capitaine d’industrie. Chez nous, on spolie les petites gens de leur droit à la santé, leur droit à l’égalité, à l’éducation et aux projets d’avenir.

Chez nous, Monsieur, il n’y a pas de fils de… chez nous les gens "d’en bas", l’idéal est maigre : survivre est un programme.

Est-ce la guerre ? Oui, c’est une guerre induite, sournoise, une guerre économique que vous livrez pour les vôtres, ceux du Medef et des gens "d’en haut". Combien d’hommes dépouillés de leur futur dans un seul bouclier fiscal, dans un salaire de PDG, dans un parachute doré, dans un licenciement boursier ?

Pourtant les Français, nos pères, depuis des générations, se sont battus, sont morts et ont travaillé pour l’avenir de leurs enfants, de leurs petits-enfants et pour un Futur Meilleur.

Pourtant les Français, nos pères, depuis des générations, dans ce pays, ont payé les structures dont vous nous spoliez ! Vous orchestrez la privatisation de leur richesse. Vous incluez la santé dans un projet de rentabilité mais si les soins ont un coût, la vie n’a pas de prix, chaque jour le démantèlement tue. Chaque jour votre nouvelle économie jette à la rue nos concitoyens.

La Poste, l’eau, l’électricité, le gaz, la TV, bientôt l’enseignement, la santé… pour ces coups portés, vos amis vous aiment ! Mais nous aussi, nous vous aimerions, et même à moindre coût, Monsieur le Président ! Nous vous aimerions pour une simple augmentation du SMIC, des retraites, des remboursements de soins…

Mais pourquoi donc suis-je si bête ?

La richesse captée par le nouveau capitalisme doit être exonérée !

De subventions en pillages, la spéculation fait des royaumes. Le travail est devenu une valeur de sous-développé. La haute finance et le monopoly boursier jouent la mondialisation. Le libéralisme est un mécanisme cynique qui fabrique des armes et prétend prôner la paix, c’est une machine à asservir l’homme mais qui prétend servir l’humanité. Le libéralisme n’a pas de loi, pas de patrie, il est citoyen des paradis fiscaux.

 

Je suis triste Monsieur le Président, la distance entre la France fraternelle de mes parents, celle dont j’ai rêvé et le capitalisme cannibale que vous gérez, sépare les droits du peuple laborieux de ceux des spéculateurs, bâtit un univers où le droit de vivre digne ploie sous l’inquiétude du devenir. Quand les lois du marché portent atteinte aux peuples et ne profitent qu’à des minorités, elles sont iniques. Aujourd’hui, vous faites de nous des immigrés de l’intérieur, des exclus en devenir.

Je vous en conjure, Monsieur le Président, la gouvernance n’est pas marketing, vous êtes Président de tous les français. Les sondages donnent le pouvoir de dire ce qui plaira, mais endormir n’est pas soigner !

L’homme a valeur par son état d’homme, par sa capacité à faire de son mieux, et non pas par sa capacité à spéculer et à exploiter (écraser) son prochain.

 

Monsieur le Président, je ne vais plus au défilé, je bois des matins tristes et froids avec les miens et beaucoup d'autres. J’aurais tant aimé, Monsieur le Président, que vous soyez le proche de tous les français qui, les dimanches fériés, couraient les défilés pour vous voir passer, drapeau et cœur à la main.

Je ne vais plus aux défilés, je bois des matins tristes et froids, je revisite l’hiver.

Publié dans Coups de gueule

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Mon chien dit :

Publié le par Cheval fou (Sananès)

JMS - "Mon chien mène l'enquête" - Éditions Chemins de Plume - 10 €
 
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Adieu Mozart

Publié le par Cheval fou (Sananès)

Adieu Mozart

 Dans la mémoire écaillée de l'homme, Elsa Belle frissonnait au bord de la méditerranée. C’était à Djerba juste avant l’attentat.

Il avait dit : Mona Lisa est un fantôme dérisoire dans la mémoire de tout homme qui connaît ton sourire.

Sur le sable les vagues semblaient rythmer les battements des cœurs.

Ensuite, il y avait eu un bébé, une maison, des amis, un chat et un chien de petite taille qui faisait le beau pour un carré de sucre… enfin il y avait eu tout ce que l’on peut mettre sous un projet de vie et d’amour inscrit au profond de l’espoir.

 

L’espoir, l’homme y pensait, et là, à cet instant, il se demandait quelle en était la formule : était-ce de croire au futur, de croire aux hommes ou de croire que la bêtise est moins puissante que l’intelligence ?

L’homme se perdait en mille formulations octogonales de l’espoir. Pourtant le jour était jaune.

L’homme ne s’appelait plus, il n’avait plus de nom, il était une image perdue dans un désespérant no man’s land sur les rivières du temps. Le passé était mort. Un vent jaune collait aux vitres de la maison, inquiétant comme ce vide compact où même les solitudes dispersées avaient disparu.

Depuis longtemps les sirènes s’étaient tues. Le nuage jaune était resté là, sur la ville. Les doigts usés, l’homme avait renoncé à appeler les secours. Toutes les voix amies figurant dans son agenda étaient restées silencieuses. Elsa Belle qui, en public détestait ce surnom affectueux, elle non plus, n’avait pas répondu. Inutile de se demander si l’enfant, leur enfant était avec elle, ou s’il était resté emmuré dans un jeu d’écolier. Inutile de se demander si les devoirs étaient faits, il n’y aurait plus d’école.

Rien, plus rien, qu’un vide absolu à poser sur l’insupportable réalité. 

Qu’y a-t-il après l’espoir ?

Ce carré blanc sur l’écran d’une télévision ? L’absence des bruits coutumiers, de ces phrases insipides que l’on répète avec agacement : dépêche-toi, tu vas être en retard, n’oublie pas ton goûter ?

Tous ces mots dans la tête de l’homme reprenaient leur musique, partition inachevée. Il n’acceptait rien, il était simplement en panne de désir, une question qui ne voulait pas de réponse.

Il était celui qui pense à l’homme après l’espoir.

Ivre de colère, lui qui n’avait jamais prié, maudissait les savants, les militaires et les politiques. Ceux qui avaient créé la mort propre, celle qui détruit la vie mais laisse intact la matière inerte et les biens matériels.

Seul dans l’univers, il ne se sentait plus homme, il était cette chose pathétique qu’il avait vue en photo : ce désespoir en habit d’homme, ce sourire comme une balafre sur le visage sans visage d'une ombre, yeux collés à la mort, photographiée aux barbelés d’un camp d’extermination. Le sourire de l’ombre, ressemblait au sien. Comme cette ombre, il s’accrochait au devoir de respirer pour aller plus loin, pour savoir si l’ignominie avait une frontière. Mozart allait disparaître avec lui. Mozart allait mourir du silence du monde. Une douleur étrange oppressait son cœur, son ventre et l’essence même de sa pensée. Encore et encore, frénétiquement, il recommença à composer des numéros pris au hasard des annuaires, des numéros de plus en plus distants. À la lettre D, il avait trouvé le nom Dieu, monsieur Li Dieu "Importation de kimonos". Une résurgence d’humour l’avait incité à laisser un message : si monsieur Dieu père ou fils, pouvaient me rappeler, j’en serais très honoré… puis il avait donné son numéro de téléphone. Bien sûr, il n’attendait plus rien. Les seules voix qui répondaient encore étaient des voix de répondeurs orphelins. L’homme s’étonnait : pourquoi, ne pas s’asseoir et être le dernier à avoir écouté Mozart, à savoir ce que mille siècles d’évolution et d’intelligence avaient créé, ce que cinquante ans d’imbécillité avaient détruit  ?

Il se demandait quelle était cette rage de vivre qui le poussait à vouloir croire que, quelque part encore, la vie continuerait, alors même qu’il avait franchi toutes les latitudes de l’in-espoir. Son rictus s’élargit lorsqu’il pensa que ces voix magnétiques lui survivraient, qu’inutiles elles traverseraient le temps.

Comme elles, les mondes et tout ce qui était, tout ce qui avait été, n’auraient été que mirage, un éphémère inutile n'ayant  trouvé ni sa raison d’être, ni sa raison de disparaître.

Des millions d’années que se posait la question du Grand Mystère : "d’où vient-on, où va-t-on ?", et la question allait disparaître sans réponse. 

Pourquoi la musique, pourquoi la poésie et toutes les questions sur tout ce qui fait le sens de la vie. Tout ce que la philosophie avait enseigné devenait dérisoire.

L’homme écoutait Mozart, le buvait avec avidité, conscient que nul après lui, jamais, ne saurait ce que la beauté peut être. L’homme mesurait l’ironie. Il fonctionnait maintenant comme ces automates costumés que l’on envoyait en mission avec un projet de médaille posthume pour le devoir accompli. C’est à lui que revenait l’ultime questionnement et l’ultime non réponse.

La voix de l’homme, s’il avait encore une voix, était devenue rauque avant de s’enrayer dans un étrange discours sur la raison.

Hâtivement il avait ramassé tout ce qu’il avait pu sauver. Parmi l’inventaire inutile des richesses humaines, il y avait ce manuscrit qu’il avait volé - si l’on peut dire cela quand il s’agit de récupérer dans une ville déserte un des trésors de l’humanité - il l’avait mis au mur de son bunker, comme un vulgaire poster, sous le centre de recherche géo spatial.

Assis à même le sol il regardait le dessin de Vinci et écoutait Mozart. Un tressaillement précéda ce qui aurait dû être un soupir, mais qui, immanquablement, se transmutait en un juron laconique : les cons !

Il parlait à Léonard comme l’on parle à un vieil ami. Le disque tournait : écoute, disait-il, écoute, ils ont tué Mozart, il ont tué Lorca. D’un regard circulaire il mesurait le désastre, partout le long des murs, des livres empilés comme des langues arrachées se préparaient au silence de l’humanité.

L’homme avait vidé son âme, avait vidé son cœur, une seule chose maintenant comptait : mettre à l’abri ce qu’il pouvait. Il pensa à Malraux qui, parlant du nazisme, avait dit : "ils ont donné des leçons à l’enfer", puis il s’insurgea contre son infidèle mémoire. Il ne savait pas restituer la forme démoniaquement belle de cette affirmation.

Il tentait maintenant un inventaire de sa mémoire, courait d’un livre à l’autre, l’ouvrait, lisait quelques lignes pour Léonard, jetait encore un S.O.S. téléphonique, puis encore creusait ses souvenirs, essayait d’en extraire une phrase, un vers ou une raison de vivre. Ses mots butaient dans la confusion des sens. Il se contentait de l’approximatif du souvenir. Mais à quoi bon le souvenir, à quoi bon, quand l’enfer prend sa dernière leçon ?

L’homme fonctionnait maintenant comme le dernier soldat d’une guerre qui meurt sans projet de médaille. Il s’était agrippé à l’impossible et à l’inaccomplissable devoir. Mozart, Verlaine, Neruda allaient vraiment mourir. Tous les combats pour la Conscience avaient été vains.

Il pensa en riant que demander à un poisson d’escalader l’Everest n’aurait pas été plus désespéré que sa mission.

Un disque de Mozart entre les mains, l’homme se coucha sur une mémoire écaillée, Elsa Belle frissonnait au bord de la méditerranée et c’était à Djerba avant l’attentat.

L’électrophone tournait.

Mozart mourait.

SF et Fantasy - JMS (à paraître)

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