Mémoire, Mémoire

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Mémoire, Mémoire

Grince, cette petite voix

qui parfois s'enraye dans des remontées d'absence

qui ouvrent des abîmes où même le chagrin n'a plus pied.

 

Un couteau à la main, j'avance,

et s'il le fallait, je poinçonnerais le ciel

comme un vieux ticket de métro

quand les soleils déboulent au pied de la montagne.

 

Mémoire, Mémoire, tu te perds aux effractions du rêve.

Des entailles de nuit déchirent des étoiles de mer noyées en des lueurs perdues.

Ciel, Ciel, je t'entends pleurer,

tant de soleils se sont couchés pour ouvrir des crépuscules inutiles.

Mémoire, mémoire de poinçonneur perdu Porte des Lilas, mémoires d'affamés.

 

Mémoire, parfois tu voudrais refaire le chemin

mais la route s'efface comme un sommeil que l'aigu d'un mot persécute.

 

Je cherche les apôtres du savoir, le clergé des bien-pensants,

tous ceux que l'on aurait dû pendre par les pieds aux phares de l'espérance

quand ils dégrafaient leurs paletots pour montrer leur chemin des merveilles,

violeurs aux amours décapitées,

anges déchus aux sabots cloués à des nuages aux pestilences inoubliées.

 

Je cherche les pickpockets, les voleurs de lune, de rire,

et tous ceux aux deux mains jamais tendues, que l'on aurait dû couper,

les de-droite, les de-gauche, les j'achète-je-vends,

les cartographes du futur, les affameurs, les commandeurs.

 

Mémoire, mémoire, regarde-les trouer les horizons tous ongles sortis,

encore prêts à gratter et encore gratter pour voler ce qu'il reste de conscience.

 

Mémoire, mémoire, je vois ton âme

et tes rêves d'enfant saigner pour des billets de banques et une faim inextinguible.

À mesure que je m'enfonce dans ce vide sidéral,

les oiseaux d'altitude s'effondrent sous les cris d'un démoniaque silence.

Plus haut que les cimes, je regarde et n'aperçois qu'un ciel immense

et si vide qu'il se cherche aux tables de baccara.

L'armée de Dieu est habillée en bandits manchots

pendant que je joue à "tu vies-tu meurs",

Toi, tu regardes vers le bas, sur une piste jonchée de rêves échoués

où quelques traces de pauvres pieds nus sur la neige

maculent l'abrupt d'une pente.

 

Je marche sur des espoirs savonnés,

pour saisir avec des mains d'enfant ce qui reste

de ce qui n'est plus depuis longtemps.

 

Mémoire, Mémoire, ils ont tout pris

mais, encore, je cherche le bleu

et l'encre des mots à poser sur des cœurs de sourds.

jms29/03/2020

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