Il n'est pas d'heure chez les moineaux
ça baigne chez les poissons
ça danse dans les basses-cours
court le vieux fermier
court le couteau à la main
Je ne suis pas dans mon assiette
fait pas bonheur chez les perdreaux
je cours comme un bélier
j'ai peur du vieux fermier
je compte mes abatis
Des cris de mouettes ivres fouettent les baleines
je ne veux pas chanter
la litanie des vieux bergers
Je suis fou à lier
je veux danser rire aimer
Pas d'heure chez les moineaux
ma vie n'est pas d'équerre
elle est de courbes et de tangentes
j'ai pris la mauvaise voie
plus aucun soleil n'habite mon trou
Du plomb pour les perdreaux
c'est sûr
ma vie n'est pas d'équerre
De haut et de bas
elle court comme un torrent
elle coule en encre vive
elle est de pleins et de déliés
elle court à plein récit
Bélier fou
dans un monde cannibale
je caresserai le verbe aimer
comme une eau vive
à plein récit
Jusqu’au dernier récif.
JMS - In "Plus frère que frère" - Editions Chemins de Plume - 12 Euros
Ne pars pas
J’ai le cœur en hiver
L’oiseau cherche son chemin
Ne pars pas
J’ai le cœur à l’envers
Le monde a perdu l’endroit
Pas maintenant
J’ai le stylo blessé
Un oursin sur ma voix
Je meurs de guerres et de tempêtes
Face aux armes
Le juste n’a pas de droits
Je meurs une radio allumée
Le monde court de travers
Ne pars pas
J’ai le cœur en hiver
L’effroi glace mon sang
Comme une bouffée de mort
J’aspire la radio
Partout guerre et tempête
Le froid gicle en moi
Ne pars pas
Pas maintenant
Je meurs de nouveaux désespoirs
J’ai le stylo blessé
J’ai des rêves d’encre rouge
Va mon fils,
Ne m’attends pas
Ne m’attends plus
Va et marche devant
Aux quatre vents
Je t’ai légué la mort
J’ai cassé la pendule
Et si mon sang se fige
Et s’il n’y a plus d’étoile
Et si l’effroi me glace
J’ai voulu le droit chemin
Marche devant, mon fils
Je t’ai laissé mes cendres
Marche, ne m’attends pas
Ne m’attends plus
Marche et va tout droit
Moi, je ne sais plus rêver
Marche, je n’irai pas plus loin.
JMS - In "Plus frère que frère" - Editions Chemins de Plume - 12 Euros
Faites hurler le silence plus fort que la rumeur.
J'ai rangé mes rêves sous un songe triste perdu
dans les atrophies de l'espoir.
Laissez courir la douleur
nul ne l'arrêtera.
Ici on vit on meurt
on acclame les éventreurs
on piétine les vérités.
Aux inventaires du charnier
on compte à charge et à décharge
mais la mort ?
La mort court parmi les femmes et les enfants,
au nom de Dieu, on fabrique des couteaux, des armes, des larmes.
J'ai perdu l'enfance du rêve.
Les psaumes de la vengeance
partout percutent le sang.
Les douleurs et les larmes sont vaines.
Faites hurler le silence plus fort que la rumeur
j'ai rangé mes rêves.
Substituez des croyances à l’ignorance et vous aurez créé une religion. Donnez-lui du pouvoir et elle programmera la mort de la liberté, du droit de réfléchir, de douter et de savoir. Armez ses serviteurs et ils institueront la dictature, le nationalisme et la guerre. Ils vous diront que la terre est plate, que les femmes n'ont pas de droits, que l'homme fut créé il y a huit mille ans, et que douter est un blasphème. Des hommes qui n'ont lu qu'un livre, qui haïssent les encyclopédies mais ont l'intelligence du pouvoir et de la haine, au nom de leur croyance tueront l'école, la tolérance, la laïcité, armeront l'inquisition, la djihad et la guerre. Au nom de celui qu'ils nomment le Très Haut ils tueront Sa création, assassineront la conscience, la bonté et le respect.
Dans l'équilatéral des Univers,
à l'embouchure d'un instant d'Éternité,
l'Œil
regardait l'homnimal.
Monceau de doutes
jetés sur le bitume des destinées
à l'heure du déjà trop tard quand le temps se noue autour du cou,
bipède fragile invité au jardin des fous
hésitant entre la valse du loup et le chant du grillon,
il allait, la conscience déjà révulsée par une laideur
qu'il ne saurait jamais réparer.
De rêves et de blessures
sa pensée s'ouvrait au monde,
envisageait les millénaires qui tisseraient l'avenir,
les automnes étonnés, les hivers rigoureux
et les attentes maigres.
Farouches
dans la concomitance des impératives nécessités,
le bien et le mal
crépitaient déjà dans les clartés obscures
d'une danse aux endiablures paradisiaques.
Il le savait,
avant même que d'être dans l'ombilical du fatal,
le besoin et la nécessité du bonheur
seraient sa force et sa blessure
quand ailleurs, dans l'antre de la question,
le rêve insensé de l'impossible pureté
heurterait un désespoir aux dimensions du vide.
Partout,
aussi sûr que le printemps se brise
quand le canon flétrit la plume,
la préservation du bonheur
forgerait l'égoïsme des démons.
Partout,
dans l'ignorance de l'arc-en-ciel,
le devoir de partager enfanterait ses révoltes,
terrible équation
où aucune vie ne devrait se bâtir sur le doute.
Partout,
entre l'ambition d'avoir
et celle de s’offrir,
la conscience serait en lui, un acte de foi
une part de ciel et d'Immense.
Partout,
l'homnimal de chair et d'âme,
traqueur de silences et pourvoyeur de mots,
vermisseau posé à même l'asphalte
parcourant la courbure des firmaments,
creuserait la question :
L'homme devait-il vivre
et restreindre l'égoïsme pour sauver le monde ?
Parmi les multitudes, saurait-il
combien de héros de l'abnégation résisteraient,
ou seraient victimes des infanticides de l'espoir ?
Combien de quêteurs d'infini et de lanceurs d'espoirs
iraient au bout de leurs rêves,
en des temps où quand l'éducation
ferait de la résignation un devoir,
et où douter des croyances d'une société
serait un nécessaire acte de rébellion ?
De tes yeux d'enfant tu me regardes, me scrutes,
une masse de jours, des certitudes s'affichent
dépassent les senteurs du jour,
tu connais l'allaitement du rêve,
tu juges et fréquentes encore le passé vindicatif,
face à toi, j'arpente mes 78 kg,
j'ai cessé de doubler, j'affronte l'humiliation des jours,
je me suis mis au maigre
j'enrégime mes kilos et les rebours du temps,
je compte les pieds et les alexandrins,
j'ai renoncé au carré de l'exigence,
la pensée courbe s'éreinte en compromis,
il n'y a pas de retour
l'enclume des heures ferme mes décennies,
seul le silence pardonne aux mots que l'on arrache à l'espoir,
l'airain des statuaires oubliées me ressemble.
Tu me regardes, me scrutes,
mais sais-tu qu'hier j'apprivoisais des colombes,
lançais des promesses à l'abondance des joies ?
Aux multitudes de l'homme,
je dévisageais la foule pour n'en voir que des visages
et des ayants droit au bonheur,
j'habitais un palais où je combattais les monstres
sans même en connaître les formes tant ils étaient faits d'incognito,
d'inconvenances fleuries, et d'apparences.
À l'explosion des illusions, je guettais aux portes de châteaux
aux hautes murailles bardées des épines du désir, de la couardise, de l'égoïsme.
Petit loup au seuil de l'avenir, tu me regardes,
Qui est-il ? te demandes-tu,
un vieux chat qui ne sait plus jouer
un farceur qui vit de rires migrateurs,
du regard d'un oiseau, de l'odeur d'une fleur,
de son passage dans tes yeux ?
De bric et de broc,
je ne suis pas si transparent que j'en ai l'air,
j'ai une dent de silex qui écule la tendresse,
l'os d'un cœur griffé d'une morsure intérieure.
À regarder en arrière, ma raison se trouble,
je ne suis qu'un récit de voyage
dans cette cosmographie du céleste et de l'imaginaire
où la nuit m'éclaire et le jour me disperse.
Mon image se dissout, se perd dans le flou,
j'écris au subjectif présent,
je cherche mes traces mais ma marque s'efface,
je ne sais plus où poser mon cri.
Est-ce le petit jour, où l'ombre qui vient ?
J'énumère les noms, les heures effacées,
les nuages, la pluie et les chats perdus.
Quand vient la vingt-cinquième heure, j'habite mes ombres mais les insomnies nous réveillent.
La mémoire est cathédrale endormie,
mon 'pas de rêve' ne se résout pas,
j'avance sur un chemin d'illusions.
JMS
(Un moi qui ne me ressemble plus, et un pays disparu,
mais qui toujours s'agitent au palais des mémoires)
Ces derniers jours, outre ma solitude, j'ai affronté un monstre, un surdimensionné qui aurait même impressionné Atlas s'il avait osé s'y mesurer. Oui, défiant la raison, oubliant mes limites, j'attaquais une armoire à glace du genre haute et musclée : une 4 portes, venue du siècle dernier, suffisamment énorme pour supporter 4 super miroirs teintés d'un voile sombre. Chacun d'eux semblait enfermer une profondeur obscure emplie de soleils engloutis. Mon profil de lutteur désespéré s'y reflétait, devenait spectral en y mimant mes mouvements. Regardant ces vitrages fumés, je les avais souvent soupçonnés d'être la porte d'un monde inquiétant où se perdait l'écho de mille oublis. Ne leur avais-je pas moi-même abandonné quelques rêves et quelques angoisses ? Je ne saurais le dire et je leur rends grâce de ne pas m'avoir suffisamment invité à m'aventurer dans cet envers de décor. Moi qui ne suis courageux qu'à mi-temps, je n'avais eu nulle envie d'y croiser Dracula ou un hiver astral empli de météorites dont l'un d'eux, le plus froid, devait être éclairé par La Petite fille aux allumettes. C'est sûr, mes larmes en auraient pu noyer les flammes, nous livrant à des ténèbres emplies de hurlements de loups perdus. Je ne dis pas cela pour vous effrayer mais seulement pour vous laisser entrevoir les dimensions impressionnantes de ce meuble aussi vaste que capable d'emprisonner mon passé et celui de ses précédents propriétaires. Dans ce combat, les bougres furent-ils contre moi ou attendaient-ils que je les libère ? À trop nous fréquenter, les miroirs finissent par nous enfermer en eux parmi de vieilles images qui ne nous ressemblent plus.
Quel combat ! Terrible meuble, après trois jours, encore son squelette résistait ! Faut dire qu'avant que j'en hérite, il avait eu fière allure en des pièces cossues. Hélas, des multitudes de jours et de nuits ne nous avaient pas arrangés. Mes maladresses et les déménagements avaient blessé, usé, ma belle armoire. Oui, maintenant elle prenait trop de place, il fallait bien que je me batte contre elle, que je la sorte de ma vie. Je m'y adonnais de mon mieux.
Le combat fut terrible. Ses portes de quarante kilos chacune, son toit en quadruple épaisseur de bois, se cramponnaient à la vie au point de peser des tonnes. Bien trop lourd pour moi, petit bonhomme fatigué qui pour toute haltère-(ego) d'entraînement à l'effort, n'avait qu'un stylo ! Trois jours, j'ai mis à la combattre, elle en mit autant à résister, le plus bravement possible, avant de se résoudre à redevenir planches et que, sans gloriole, je me déclare vainqueur de ce terrible combat, moi le petit homme de paille qui la mit à terre dans un coin de mon jardin, non comme une relique du passé, mais comme un objet lâchement abandonné, avec néanmoins une certaine tristesse. Mais les objets ont une vie, le savez-vous ? Je l'ai entendue gémir la vieille armoire me rappelant qu'elle m'avait accompagné avant de squatter ma vie et ma chambre trop petite pour nous deux.
Et voilà ! Le combat avait pris fin. Nous ne vivrons plus ensemble. Les hommes sont infidèles.
Fringante, déjà sa remplaçante était là. Petite princesse Ikéa, elle s'impatientait, emmitouflée dans ses cartons comme en une robe de mariée. Je ne savais pas que l'apprivoiser serait une autre terrible épreuve ! Voulant fuir les miroirs obscurs de la première, j'avais voulu la remplacer par une armoire blanche lumineuse, une Suédoise du XXIe siècle ! Innocent, je ne savais rien de toutes ses malices ! Celle-ci était une piégeuse acharnée à me contrarier ! Quatre jours passèrent : le premier pour lire un impressionnant contrat de mariage de quarante pages mentionnant l'inventaire de ses vices cachés, et les trois autres où elle faillit triompher de moi. Mais je suis têtu, je suis arrivé à la cabrer contre un mur, sa couronne et mes doigts pincés dans des secrets de tiroirs !
Enfin une nouvelle coexistence commence, faudra se séduire, se faire les yeux doux, se méfier, s'apprivoiser. Peut-être me domptera-t-elle, m'incitera-t-elle à plus d'aptitude au rangement ? Ma vie pourra-t-elle être différente ? Y trouverai-je autant de chaussettes et de gants droits que de pieds et de mains gauches ? En attendant de le savoir, je nourris une nouvelle espérance.
Perdu dans l'opium des craquelures de l'absence,
je dérive dans les parenthèses du moi.
Je suis la frontière de mon nom,
j'arrime les vieilles palpitations de la Question,
je me cherche dans l'oblique des transparences,
je respire jusqu'aux déchirures du rire.
Des clowns se noient dans le jardin des larmes
là où, dans les eaux croupies, Monet faisait ses emplettes,
l'ombre du vacarme est un oubli qui m'efface.
Au crépuscule, pas besoin d'amulette, là-bas une gifle me réveillera,
mais l'instant court,
les mots coagulent, se désagrègent,
se font bruit, clameur, débordent.
J'ai peur des phrases brusquées, des onomatopées de la déraison,
le cri est noir,
s'y agitent les lieux communs d'un patrimoine cosmique.
Je viens du futur,
la mort, le bonheur, le futur, c'est où ?
Autour de moi la vie est une feuille d'automne
ciselée par les ailes d'un vent qui l'emporte.
L'errance des mots plein ciel, des gazouillis d'enfance,
enfonce des chemins de frayeurs tracées,
j'écris mes cicatrices et le doute
sur la peau, parchemin en quête d'avenir.
Les rides se maquillent et le rire cabre ses larmes,
j'avance à reculons dans le brouhaha,
je suis d'ailleurs,
je suis la frontière du vent, de la pluie, d'autrui.
Chacun porte sa douleur,
l'amour est une douceur,
vivre est un programme.
Aller plus loin, aller plus loin, aller plus loin,
écrire, écrire, écrire,
et dire l'amour, la joie, l'espérance.
La musique dépassera l'hiver.
L'âge me gagne. Sur la vie qui me reste, sous le temps qui joue, coule la cascade des rires, le goût du sel et des peurs, coulent encore des rivières de verbes, d'espoirs et d'envies.
Dans l'envers "du rajeunir", vivre n'est plus un devoir, mais une envie d'aimer, de voir, et de dire. J'écoute, je scrute, mais qu'en est-il du silence quand tant de visages, de regards, d'amis d'encre vive, s'agitent, griffent, ouvrent les voix du non-oubli sur les vertiges du jour ?
Où suis-je dans ce no man's land des mémoires où l'enfance n'en finit pas de sombrer. Inlassable, je suis un cueilleur de mirages, de noms, de phrases et d'échos. Que reste-t-il des mots, des poèmes que je ne sais oublier, des trahisons que je voudrais effacées ?
Un chemin d'ombre me mène à ma mère, à mon père, à mes amis, à mes douleurs.
Je suis en berne de rêves mais je veux reconstruire le passé, vous voir chanter dans les clameurs d'autre temps. J'ai des bonheurs égarés, je veux revoir les enfants, le temps des aurores où, au pied d'arbres de noël, devant quelques mystérieux emballages, nous attendions que les parents s'éveillent. Mais quand l'avenir s'emballe, le passé n'est-il pas toujours qu'une poignée de vent vide, une question qui ne veut pas de réponse ?
Qui sait ce que demain réserve ? Déjà, les frayeurs dansent, n'en est-il pas toujours ainsi ?
J'ai mal aux affections, aux amours, aux amis disparus, et aux promesses. J'ai peur de la larme sur les joues de qui j'aime, j'ai peur des lendemains quand le siècle se gâte, j'ai mal de ce que je n'ai pas su faire. Pourquoi mon père, n'ai-je pas été le miracle que tu attendais ? Au pays d'avant, le temps arrime l'enfance des exils. Les bruits d'une école et d'une guerre, l'épine d'un regard, parlent encore plus fort que la raison. Il n'y a pas de fleurs dans ma mémoire mais de l'amour et des regrets. Que me manquait-il mon père qui adoucisse ton regard ? Un chemin d'ombre me mène à toi, y trouverai-je la lueur d'une approbation, l'expression d'une tendresse, des bras ouverts ? Le temps perdu mène ses enquêtes. Où étais-tu quand je te cherchais ? C'est bête, je vis ici, et toi en allé, ma mémoire s'évente aux marelles du souvenir, j'apprends à vivre loin des mots que tu n'as pas dits. Je suis d'ailleurs et d'ici. Je vis. J'écris pour nous retrouver, lis-tu mes courriers ?