L'heure était grave, on ne s'entendait plus
Le téléphone avait sonné, sonné, et résonné
comme le cri inachevé d’un bandit manchot à l’heure de la marée
quand la mer se lève si haut que l'eau, les crabes et les bateaux ivres, gâtent ses rêves.
"Au secours" aurait-il voulu dire !
Et voilà que la rumeur m'accuse :
a) De ne pas répondre au téléphone
b) De ne jamais répondre au téléphone !
Devrais-je me justifier ?
Devrais-je dire :
que la table est dans la cuisine,
Et que le portable joue du vibreur dans la chambre ?
Qu'il ne parle pas aux sourds dingues
Que le sourd déjeune à 14 heures
Que l'amour est sourd à la raison
Que l'oreille est si faible qu'elle ploie sous la culpabilité
Que le silence est trop fort
Que le son n'est pas un passe-muraille
Que les mouches rêvent trop haut quand on les met au pied du mur
Que les murs n'ont qu'un pied
Que mes pieds sont analphabètes
Que la poésie ne compte plus ses pieds
Que les écraser la rend inaudible
Qu'à cloche-pied mes vers boitent
Que parfois la minute piétine sous de trop lointains cocotiers
Que l'absence est un chagrin qui inonde mes oreilles
Que le chahut n'est pas raisonnable
Que le froid masque la chaleur des mots de cœur
Que la sonnerie muette de ce téléphone, même mal raccroché, me parle d'elle
Que penser à elle efface le bruit.
Devrais-je lui dire :
a) Que l'arbre est trop vieux pour entendre siffler le train
b) Que je ne suis qu'un vieux tronc
trop dur de la feuille pour être vraiment honnête.
JMS