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Une semaine de cent ans

Publié le par la freniere

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Lettre ouverte de Julos Beaucarne

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

À écouter et à lire

Claude Nougaro - Lettre ouverte  de Julos Beaucarne

http://www.youtube.com/watch?v=sghdhJBUe3s

Amis bien aimés,

Ma loulou est partie pour le pays de l'envers du décor. Un homme lui a donné neuf coups de poignards dans sa peau douce. C'est la société qui est malade. Il nous faut la remettre d'aplomb et d'équerre, par l'amour, et l'amitié, et la persuasion.

C'est l'histoire de mon petit amour à moi, arrêté sur le seuil de ses 33 ans. Ne perdons pas courage, ni vous ni moi, je vais continuer ma vie et mes voyages avec ce poids à porter en plus et mes 2 chéris qui lui ressemblent.

Sans vous commander, je vous demande d'aimer plus que jamais ceux qui vous sont proches. Le monde est une triste boutique, les cœurs purs doivent se mettre ensemble pour l'embellir, il faut reboiser l'âme humaine. Je resterai sur le pont, je resterai un jardinier, je cultiverai mes plantes de langage. A travers mes dires, vous retrouverez ma bien-aimée ; il n'est de vrai que l'amitié et l'amour. Je suis maintenant très loin au fond du panier des tristesses. On doit manger chacun, dit-on, un sac de charbon pour aller en paradis. Ah ! Comme j'aimerais qu'il y ait un paradis, comme ce serait doux les retrouvailles.

En attendant, à vous autres, mes amis de l'ici-bas, face à ce qui m'arrive, je prends la liberté, moi qui ne suis qu'un histrion, qu'un batteur de planches, qu'un comédien qui fait du rêve avec du vent, je prends la liberté de vous écrire pour vous dire ce à quoi je pense aujourd'hui : Je pense de toutes mes forces qu'il faut s'aimer à tort et à travers.

Julos - nuit du 2 au 3 février 1975 - Ecrit après l’assassinat de sa femme par leur jardinier. (Texte dit par Claude Nougaro dans son album "Femmes et famines")

Publié dans Ils disent

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Victor Jara

Publié le par Cheval fou (Sananès)

056_victor_jara

Écouter Victor Jara :

http://www.youtube.com/watch?v=en8yqVxuT-U&feature=player_embedded

 

À Victor Jara

À Victor Jara
 
Nu pieds
le vieux paysan, dos courbé, travaillait
Déjà la terre était grise
Comme un sang séché

Nus pieds
Comme le sont les travailleurs sans terre
Un enfant regardait
 
Chante, chante paysan
Le sel de tes yeux n’abreuvera pas le champ
Chante, chante
L’été encore voûtera ton dos
Chante, chante paysan
La terre grise déjà t’attend  
 
Dansait, dansait
L’enfant qui ne savait pourquoi
Le soleil brûlait
L’enfant qui ne savait pourquoi
Le maïs mourait
 
Dansait, dansait
Le fils qui demandait :
Père, qui veux-tu que je sois ?
Quand mon temps viendra
Que faudra-t-il que je fasse ?

 
La parole rude, la parole rude
Le vieil homme avait déclaré :
Va plus loin mon fils
Quelle que soit ta taille
Tu porteras la vie sur tes épaules
Quelle que soit ta taille
Ta dimension d’homme tu chercheras

 
La parole rude, la parole rude
Le dos courbé, le dos courbé
Le vieil homme avait déclaré :
Va plus loin mon fils
Ici tout le sel de mes yeux
N’abreuvera pas le champ
Ici la terre est grise comme un sang séché

 
Victor était parti une guitare à la main
Avec des mots
Qui résonnaient dans le matin
Victor était parti avec ses camarades
Et la chanson des jours meilleurs
 
Chante, chante camarade
 
Les doigts coupés, il a chanté
Le sel de ses yeux n’a pas abreuvé le stade
Au Chili, la terre était grise
Comme un sang séché
 
Chante, chante camarade
Tu portais ta vie sur les épaules
Quelle que soit ta taille
Tu avais trouvé ta dimension 
Chante, chante camarade,
Ta dimension tu as trouvée.

JMS - in "Et leurs enfants pareils aux miens"  

     
À Victor Jara
traduit par Cristina Castello

Desnudos pies
el viejo paisano, espalda encorvada, trabajaba
Ya la tierra era gris
Como sangre secada
Desnudos pies
Como los trabajadores sin tierra
Un niño miraba

Canta, canta campesino
La sal de tus ojos no beberá el campo
Canta, canta
El verano aún combará tu espalda
La tierra gris ya te espera

Bailaba, bailaba
El niño que no sabía por qué
El sol quemaba
El niño que no sabía por qué
El maíz moría

Bailaba, bailaba
El hijo que preguntaba:
Padre, ¿qué quieres tú que yo sea?
Cuando mi tiempo vendrá
¿Qué hará falta que haga?

La palabra ruda, la palabra ruda
El viejo hombre había declarado:
Ve más lejos hijo mío
Cualquiera sea tu talla
Llevarás la vida sobre tus hombros
Cualquiera sea tu talla
Tu dimensión de hombre buscarás

La palabra ruda, la palabra ruda
La espalda encorvada, la palabra encorvada
El viejo hombre había declarado
Ve más lejos hijo mío
Aquí toda la sal de mis ojos
No beberá el campo
Aquí la tierra es gris como sangre secada

Canta, canta camarada

Víctor había partido, una guitarra en la mano
Con palabras
Que resonaban en la mañana
Víctor había partido con sus camaradas
Y con la canción de sus días mejores

Canta, canta camarada

Los dedos cortados, él cantó
La sal de sus ojos no bebió el estadio
En Chile, la tierra era gris
Como sangre secada

Canta, canta camarada

Víctor había partido con una guitarra en la mano
Con palabras
Que resonaban en la mañana
Víctor había partido con sus camaradas
Y con la canción de sus días mejores

Canta, canta camarada

Los dedos cortados, cantó
La sal de tus ojos no abrevó el estadio
En Chile la tierra era gris
Como sangre secada

Canta, canta camarada
Llevabas la vida sobre tus hombros
Cualquiera sea tu talla
Habías encontrado tu dimensión
Canta, canta camarada,
Tu dimensión has encontrado.

 

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S'en vont (mes amis)

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

À toi qui part où s'en vont mes amis

S'en vont
s'en vont, emportant de nous mille choses
aux transparences concrètes et indicibles.

S'en vont
laissant de nous le mirage d'un temps à jamais orphelin
de maux inutiles et de mots de rien
de quotidiens de rires et de larmes envolés.

S'en vont
nous laissant seuls dans la traversée de l'inattendu voyage
seuls dans l'attente de tout et de rien,
s'en vont
quand, à la table du jour,
le seigneur des leurres dresse l'addition du néant.

S'en vont
comme tu es parti
et comme je pars, mon ami.

Il est des temps
 où tous allons,
où mes amis s'en vont
emportant de nous des morceaux de vie,
tous s'en vont
emportant des morceaux de nous.

Partez,
partez comme je pars mes amis.

Pourtant, plus loin que les heures,
vous êtes là,
pourtant, plus loin que les heures
je resterai là
les doigts agrippés
à ce qui reste de nous,
à tout ce qu'il nous faut encore regarder,
encore et encore aimer,
car le précieux est fragile
aussi fragile que la clairière aux mots perdus
où les étoiles reposent.
Et même s'il ne reste d'elles
que lumière d'astres disparus,
quelque part au centre de moi,
elles sont là,
comme le cri d'un papillon qui défierait l'oubli
pour éclairer l'éternité du noir.

 

jms-lettre à Pascal

Publié dans Textes de JMS

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Ile Eniger

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Vivant

(Pour mon ami P. qui vient de partir pour les étoiles et pour mon amie D. qui souffre)

Les rêves ne sont pas sur-humains, ils ne voyagent parfois qu'à hauteur d'homme. Un vélo tombe, les pieds dans ses rayons, sa chaîne saute ; une route dérape l'indifférence autour ; un pont bancal s'élance sur l'abîme ; une pierre d'achoppement pleure sa pierre d'angle ; des affiches mentent, vendent leurs viandes sur étals ; des promesses se maquillent aux chromes de mensonges. Quelque part un ami s'en va sans bruit. Lassitude lassitude, douleurs. On pourrait croire que les murs sont trop hauts, que l'univers trahit. On pourrait croire que le jour se ferme. Mais les bras de nuit enlacent des étoiles, une piste d'envol imagine un bonheur autre. Ce qui ne finit pas. Ce qui ne vieillit pas. L'hiver toujours porte un printemps. Et le soleil, chaque soir mort, remonte chaque matin, éblouissant. Vivant.

Ile Eniger - Solaire - (à paraître

http://insula.over-blog.net/

 

Publié dans Ils disent

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Jean-Marc La Frenière

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Peut-être

Peut-être que le sable sortira des vitres et servira de plage.
Peut-être que la mer s’échappera des colliers.
Peut-être que le vent remplacera le pétrole.
Peut-être que les chevaux henniront dans les bottes pour retrouver l’avoine.
Peut-être que la ligne d’horizon libérera les collines et les jettera au vent.
Peut-être que le baiser des abeilles redonnera du miel aux ruches désertées.
Peut-être que le temps s’enfuira des horaires pour rejoindre le rêve.
Peut-être que les enfants oublieront la règle de trois, la guerre de Troyes
et les trois petits cochons pour dessiner le ciel.
Peut-être que les hommes sortiront des usines, des banques et des églises
pour retrouver la source.
Peut-être que les fillettes d’Afrique pourront jouer à la corde sans sauter sur une mine.
Peut-être que les crayons de couleur remplaceront les seringues aux mains du
désespoir.
Peut-être que les trains s’envoleront des rails en convois de pollen.
Peut-être que les chiffres feront la courte échelle aux alphabets rebelles.
Peut-être que les balles ne viendront plus crever les ballons des enfants
et que les cerfs-volants remplaceront les missiles.
Peut-être que les aveugles enseigneront aux autres à voir avec les mains.
Peut-être que les mains serviront aux caresses et qu’on pourra s’aimer
sans compter la monnaie.
Peut-être que l’amour réchauffera la terre et les nuages qui ont froid.

Jean-Marc La Frenière

http://lafreniere.over-blog.net/

Publié dans Ils disent

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La mort sera plus douce

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

 

À cris retroussés

il explore l’oubli et la mort

 

ll est ailleurs du monde

ailleurs du bonheur

 

Vivre en marge est un exil

 

Là-bas, en rêve arraché,

il traverse la désillusion d’être

Il est l’homme détroussé du désir

 

Il n’est plus lui

Il est

celui qu’il ne voulait pas être

 

Père,

si tu me voyais,

moi,

qui marche à côté de ma vie

en royaume survie

 

Père,

si tu me voyais,

moi,

qui porte cette honte

 

Père,

ne pleure pas

 

Je n’ai pas été qui tu voulais

La vie m’a trahi

 

Je marche en oubli désir

Un coup de rouge, un coup de blues,

La mort sera plus douce

 

In "À l'ombre des réverbères"

Éditions Chemins de plume (2004)

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La photo retrouvée

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Passager d'un regard

à l'arrêt

sur une image en papier glacé

je te regarde

indélébile fantôme

toi

en noir et blanc

ta silhouette reste là, figée.

 

L'image est un muet qui hurle.

 

L'instant n'arrête pas le cri.

 

Passager de l'instant

je te regarde

posé sur ce coin de rue

où tu tends la main.

 

Tu es parti

et le silence

est venu, qui a noyé l'absence.

 

Ta douleur de vivre a-t-elle disparu ?

Si longtemps que ton envie d'être

et de vouloir être s'était tarie…

 

Cette déchirure de désespérance

ton cri

ce silence où sont-ils dans l'agitation du jour ?

 

Photo prise il y a une quinzaine d'années lors de l'écriture d'un recueil "À l'ombre des réverbères", sur l'exclusion des SDF. À Nice, à cette époque la misère ne se montrait pas, en plein été, la mairie de la ville les kidnappait pour les abandonner sur une colline à une quinzaine de kilomètres de leur lieu de vie !

Bien que les photos aient été prises avec le consentement de chacun des acteurs de mes textes, il m'a semblé que la douleur d'être un habitant de coin de rue et d'abris en carton n'est en rien un spectacle, et je les ai, pour la publication de ce livre, remplacées par des dessins.

En quinze ans, le temps a passé, a grignoté la vie, nombre de ces SDF ont déjà disparu. Je les croyais en partance pour cette autre nuit où partent mes mémoires et voici qu'hier, au hasard d'une liasse de photos retrouvées, tous sont revenus là, à encore fouetter ma mémoire avec leurs regards pareils à des mains en attente d'autres mains, avec leurs  mots et leurs yeux si tristes où se noient un flot de vague à l'âme, des regrets et des frayeurs.  

Comme une épine, la requête inquiète de cet homme reste là : "Ne me dénoncez pas, ne me faites pas de mal". Trop à la marge du pays des hommes, à genoux aux portes de l'opulence, son droit de vivre ne lui semblait pas entièrement légitime.

Cette rencontre, comme celles d'autres passagers de ce recueil, réveille une douleur qui me percute quand je revois ces images.

JMS

 

 

 

Publié dans Textes de JMS

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