Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

textes de jms

Le dernier Chaos

Publié le par Cheval fou (Sananès)

Quand la nuit s’entrouvrit, des corps de rêves déchirés comme les bulles d’un vieux bonheur s’échappèrent du champagne pour aller si haut dans les jardins où l’on rit à chaudes larmes que seul resta le cauchemar.

Je ne mange plus de chocolat, je ne regarde plus le lilas, j’ai fermé mes cahiers de rire, mes cahiers d’écrire, mes cahiers d’espoir. J’écoute à Radio la Vie, une comptine pleine d’entrain : "Marche avec le mangeur d'âme, marche avec le banquier, marche avec l’entrepreneur, écoute le président…". Il est tard pour rêver et la nuit s’entrouvre. Il est tard dans le monde, l’avidité a fait ses lois et la nuit monte. J’entends s’évaporer le corps des rêves. À mes pieds, seul reste le cauchemar posé sur la plainte aiguë du jour. Des  cris d’enfants interrogent l’avenir. La terre gémit d’un curieux bonheur, c’est un bonheur de porte qui grince, un bonheur carnassier, puissant, souriant et repu. Plus rien ne va et cela comble la horde des banquiers, la horde des multinationales, la horde des présidents...

L’opulence du plaisir, l’opulence de la richesse, ricochent sur la patinoire des luxures. La pute et l’or se côtoient et l’une et l’autre en demandent plus encore. Une clique cannibale, affamée de terre, de béton, de devises, d’ivresses et de pouvoir, proclame que c’est l’heure du carnage. Les mangeurs d’âme passent à table. L’auberge s’appelle "La demeure du chaos", on y enterre des amours apocryphes et un ange au sang de grenade ; on y oublie un vent aux odeurs de jasmin.

Face aux mangeurs d'âmes, rien, sinon un ange hypothétique et de pauvres bougres qui vendent leur âme et gémissent leurs pathétiques jérémiades pour du travail, pour le pain et pour le droit d’aller à demain. Au menu, on brade des âmes de travailleurs, de fonctionnaires, de chômeurs, de petits commerçants, de bergers. On damne, on condamne dames et enfants.  Âme après âme, sans ramdam, on mange des âmes noires, des âmes blanches : dix fois dix âmes pour le banquier, dix fois cent âmes pour l’entrepreneur, dix fois mille âmes pour une multinationale, des millions d’âmes pour la bourse. Il faut asservir, manger goulu, tuer des âmes et ne pas laisser traîner de corps et de paroles libres sur la voie publique. Mille malheureux pour un qui damne. Le salarié sauce "subprime" ou la salade crédit à risques, vous connaissez ? Monsieur le président nous fera bien une guerre ? 

Face à eux l’ange hypothétique n’a pas d’armes, il distille la raison, boit d’étranges liqueurs et rit sous son blanc manteau, rit de toutes ses larmes et d’une mémoire de plomb et d’épines.

C’est une heure d’horloge éventrée, il est cinq heures. C’est un temps à pleurer. Sur le fil du rasoir, je me souviens de mon ultime visite au rêve, un vendredi où les danseuses de l’impossible jonglant avec le bonheur, avaient brisé les diagonales de ciel. Une pluie de musiques jamais cartographiées avaient alors froissé d’infernales images et des rires d’enfants soldats.

Ce jour-là à 5 heures au Grand Théâtre, devant une chorégraphie d’hommes écartelés, les mangeurs d'âmes ont bousculé les tabous, expurgé les dictionnaires, banni les mots de l’amour, les mots de la fraternité, les mots du droit au travail, les mots simples, les mots vrais du partage et ceux de l’égalité. Ce jour-là à cinq heures, ils ont chanté l’impératif et les mots du pouvoir, érigeant un ordre soumis à la force et à l’ambition. Ce jour-là à cinq heures, ils ont créé un monde où les âmes n’auraient plus leur place et les ont remplacées par des monuments qu'ils ont appelés Wall Street, Cac 40, Nasdaq, Dow Jones -NYSE, Euronext…

Depuis, l’ange hypothétique est vaincu. La horde des mangeurs d'âmes festoie.

Je reste nu dans les déserts du rire, il est tout juste 5 heures. Je ne mange plus de chocolat.

JMS

*****

- Bourse : Par ordre d'importance le New York Stock Exchange (NYSE) et le Nasdaq, (le NYSE a racheté Euronext qui rassemblait les bourses de Paris, Bruxelles, Amsterdam et Lisbonne). Viennent ensuite Tokyo et Londres.
- Firme multinationale : " firme en mesure d'élaborer une stratégie qui s'appuie sur les différences socio-économiques entre différents  pays.

Publié dans Textes de JMS

Partager cet article
Repost0

Rouges compagnons

Publié le par Cheval fou (Sananès)

Aux Républicains Espagnols

 Rouges compagnons

Nos larmes claquaient

dans un ciel en furie

Nous n’étions pas en Normandie

 

Elle dégaina

mille silences de plomb

sur les miradors du crime

 

A larmes de fiel

sirupeuses

Sainte Mère l’Eglise

fusillait

de Madrid à Treblinka

Toute l’armada était là

 

Quand le vert de gris et la soutane

orchestrent la mort,

le noir est ma douleur

le rouge est ma couleur

 

Vous alliez

pas cadencé,

idées cadenassées

chantant avec entrain

 

Tueurs,

vous étiez criminels sur ordre

 

A pas de loi,

vous refaisiez l’Histoire

 

Anges zélés,

vous étiez la mort

Le rouge est ma couleur

 

Quand le noir porte mes deuils

Même trahi,

le rouge est ma couleur

 

Nous n’étions pas en Normandie

et

Grand-mère pleurait

 

Jean-Michel Sananes - In "Accident de conscience" - Editions Chemins de Plume

Publié dans Textes de JMS

Partager cet article
Repost0

Lettre à des fleurs d'aubes pâles

Publié le par Cheval fou (Sananès)

Ne suis-je venu

que pour broder

la tendresse d'infinis regrets ?

 

Ne suis-je venu

que pour découper

le vent en maigres nuages

qui, en de vagues vagues à larmes,

vont mourir aux creux de tes yeux ?

 

Devrai-je jusqu'à la fin

réajuster toutes mes idées

en petits cubes méthodiquement rangés ?

 

Devrai-je apprendre un jour

que Pierrot a déserté l'astre doré ?

 

Devrai-je apprendre un jour

que la nuit n'est que la tombe des étoiles ?

 

Devrai-je apprendre un jour

que leur cœur d'aube pâle

ne rayonne plus que d'illusions ?

Jean-Michel Sananès - "Cheval fou" - Éditions Chemins de Plume

Publié dans Textes de JMS

Partager cet article
Repost0

Délire de jour d'anniversaire

Publié le par Cheval fou (Sananès)

Cheval fou vu par Slobodan

Chaque jour chaque nuit                                          
Ce tic ce tac
Ce réveil qui pleure
Cette pendule qui compte


À la fenêtre de l'âge passe le tic
Passe le tac
Est-ce affaire de tic-tac
Ou problème de tac-tic ?
Le chemin ailleurs m'emporte
Le vent toque à ma porte


Si je n'avais pas de tocs
Si je n'avais pas de tics
Je répondrais du tac au tac
Mais je ne m'entends ni en tics ni en tocs
Je suis sourd je n'entends ni le tic ni le tac


Je chante je pleure je ris
Pourtant les jours tournent dare dare
Docteur chrono a les dents longues
Quel manque de tact
Il me mange
Je suis patraque
Le temps me donne le trac
Partout il y a un hic
Partout un tac qui m'efface
J'ai un ticket avec la mort
Décidé
J'achèterai des neurones
Des "je veux", des "je peux" et des "je ferai"
J'achèterai des cheveux  et du temps et de l'éternité
Peut-être est-ce une tactique
Mais c'est esthétique
Je reste à l'article de la vie
C'est automatique
Entre tic et tac
Je décortique le temps 
Le trouve poétique
Rendez-vous dans mille ans
Il y a dix mille ans que je m'attends.

JMS - In "Derniers délires avant inventaire" - Editions Chemins de Plume - 12 Euros

Publié dans Textes de JMS

Partager cet article
Repost0

Andalouse

Publié le par Cheval fou (Sananès)

(Souvenir d’ailleurs, en 1520, en pays d’Inquisition

quand l’amour ne sauvait pas du bûcher)

 

Elle fleurissait d’espérances

et glissait dans la vie

sans faire d’ombre aux papillons

 

Elle maîtrisa d’inexplicables sourires

dictés par l’intuition

 

Happée par l’impalpable moment

elle le vit enfin

l’inconnu de onze heures

 

Trop tard

les soldats le tenaient

c’était l’heure du destin

 

Il la blessa

de la largeur d’un regard

il la déchira

d’une coudée de bonheur décliné

entre un chemin pailleté

qui se voulait boulevard des anges perdus

et un monceau glacé de rêves andalous

 

Pleure Andalouse

ton nom est entaché de tant de sang

 

Je parcours le passé

à la recherche de mes ancêtres

 

Je ne trouve que douleurs

 

Le sang des miens est à Tolède

 

Pleure Andalouse

les tiens sont matamores

pleure Andalouse

les tiens me veulent mort

demain ils me brûleront.

 

Quand on a vingt ans le monde est démesuré

 

Plus grande est ma douleur

car mon amour est ténèbres.

* matamoros (espagnol) :  tue arabes

JMS - in "Cheval fou"- Editions Chemins de Plume

Publié dans Textes de JMS

Partager cet article
Repost0

À l’enterrement de la conscience

Publié le par Cheval fou (Sananès)

À l’enterrement de la conscience

Il y a des chiffres en jachère au portefeuille de l’espoir
de l’eau dans le silence, du bruit dans les ténèbres
Je sors sans moi car mes rêves sont vides
Quand je m’appelle je ne suis plus moi.

Les enfants s’habillent de psaumes

et de bombes pour ne pas affronter le jour
Ils meurent de haines inculquées
Je vis hors de moi tant la colère est grande
Il n’y a plus de rêve dans mes rêves.

"Demain dès l’aube", j’irai par les chemins…
Mais où est le chemin, où sont les matins ?
Sur des rêves évidés on jette la prière et le couteau
comme l’essence sur le feu
On fusille les vérités, on sert des doctrines aveugles
On vend les armes et l’amitié
Il n’y a plus de rêve dans mes rêves.

C’est un matin d’égorgeurs
Une nuit de réalités frelatées
Il y a du silence dans mon silence
Il y a des mots et des morts qui crient la résignation
mais le Pouvoir en veut plus
Quand je reviendrai en moi
Quand je ne serai plus hors de moi
mes rêves seront rouges comme du sang
comme des ivresses de psychopathes
J’aurais rongé mon frein
J’aurai rangé mes rêves.

Pourtant "demain dès l’aube"
comme un vieux fou sorti des millénaires désuets
"j'irai par la forêt", j’irai par les chemins…
Encore, j’irai chercher le rêve.

JMS

 

 

Publié dans Textes de JMS

Partager cet article
Repost0

À Jacques Danois

Publié le par Cheval fou (Sananès)

  "Ma cicatrice la plus douloureuse est le silence de Dieu

dans le regard des adolescents nés sans espérance"

Jacques Maricq, dit  Jacques Danois

L’ami parti le 20-9-2008  

 

À Jacques Danois

Vieux baroudeur

tu es parti en rêve inconnu 

là-bas la question n’a plus de sens

là-bas tu parcours la réponse

 

toi seul sais si nous nous reverrons

si nous gagnerons le combat des frères

 

ici un peu de toi et du précieux des hommes

dans ma mémoire une place vide

et, à jamais, un quelque chose de toi.

JMS

Publié dans Textes de JMS

Partager cet article
Repost0

Tu te crois d'ailleurs

Publié le par Cheval fou (Sananès)

Tu te crois d'ailleurs
Tu voudrais être pierre
Tu voudrais être eau ou carré de vent
Tu voudrais être l'aigle cosmique
qui regarde l'éternité droit dans les yeux
Celui qui regarde tourner la planète bleue
Ne jamais perdre la boule

Mais non, la vie te pend au nez
Tu te retrouves à vivre chez les hommes
à voir, à pleurer la terre
à comprendre que
rien n'existe dans l'absolu, rien n'est sacré
à apprendre que
les repas les plus copieux sont de larmes et de sueur

Tu te retrouves à être homme
à boire l'air de tes enfants
à avancer de guerres en larmes
de sciences en pollutions
de famines en déforestations

Tu te retrouves marin absurde
et tu tues la mer
et tu manges ton navire

Tu voulais être aigle cosmique
et regarder l'éternité droit dans les yeux
regarder tourner la planète bleue
ne jamais perdre la boule
Mais maintenant tu sais, la mort te pend au nez
Tu sais que tu te coucheras dans le regret des rêves perdus

Si tu te réveilles
Alors tu crieras : "Eh Toi, es-Tu là ?"
Et le silence sifflera.

JMS - In : "Derniers délires avant inventaire" - Editions Chemins de Plume - 12 Euros

Publié dans Textes de JMS

Partager cet article
Repost0

Où sont les fées, où sont les anges ?

Publié le par Cheval fou (Sananès)

Où sont les idoles
les promesses, les prophètes ?

Dans des draps de larmes
les enfants vont mains tendues aux dieux assassins

Où sont les fées, où sont les anges ?

Les poètes vont nus
dans un monde où les marchands de papier
froissent, écrasent, déchirent le chant des mots

L'événementiel s’est fait spectacle

Je vais nu
comme un cri fracassé  sur des tessons de glace
je crie
j’éructe des larmes de silence minéral
des papiers que nul ne lira
je lance des mots et des mains désarmées
aux indifférences systémiques
consciencieuses, absurdes

Inutile combat
les larmes trébuchent sur des symphonies autistes
et des rêves de dollars incendiaires
je grince des douleurs et des hurlements invisibles

Le monde est un spectacle

Les oiseaux s’éreintent aux sarcasmes des marteaux piqueurs
Neandertal regarde la régression
les poètes livrent leurs oraisons muettes
je suis nu

Où sont les fées, où sont les anges ?

JMS

 

Publié dans Textes de JMS

Partager cet article
Repost0

Le vieux fusil

Publié le par Cheval fou

.../... 

Quand j’étais jeune, un vieux fusil sur le mur, pendait. Des photos, sur la commode, agitaient la mémoire de Grand-père. Il mâchonnait du gris. Il disait : «dans la guerre qu’anges et démons se livrent, chacun croit que l’autre incarne le mal.  Rien de tout cela n’est vrai, ce n’est qu’un jeu de miroirs inversés. Personne ne connaît rien à Dieu. Dieu, c’est la somme des douleurs et des joies de l’univers. Le bilan est mauvais. Combien de larmes pour un ventre satisfait ou un rire de bébé. Il faut être bête comme un homme pour croire qu’il connaît la création et les desseins du Créateur. Dieu ne tient pas plus dans la tête d’une alouette que dans celle d’un homme».

Grand-père parlait de son expérience. Il aimait à répéter : “j’ai vu grandir la fleur, et l’oiseau l’a mangée, j’ai vu voler l’oiseau et le chasseur a tiré. J’ai vu grandir la peur, et personne jamais ne l’a arrêtée”.

Parfois, quand le vin avait un peu trop coulé, Grand-père allait plus loin, jusqu’au point 17 de sa jeunesse. Il avait été soldat, là-bas, en France.

Pour Grand-père il n’y avait pas d’ennemi, seulement un regard différent sur l’autre. “L’autre coté du miroir ment toujours”, disait-il.

Quand j’étais enfant, Grand-père nous apprenait la vie. Moi Manuel, je jouais, nous ne connaissions pas la Guardia, le futur se dessinait dans les contours d’une école aux toits rouges.

JMS - Extrait de : "Le jardin des diagonales" (roman à paraître)

Publié dans Textes de JMS

Partager cet article
Repost0

<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 > >>