L'âge me gagne.

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

L'âge me gagne. Sur la vie qui me reste, sous le temps qui joue, coule la cascade des rires, le goût du sel et des peurs, coulent encore des rivières de verbes, d'espoirs et d'envies.
Dans l'envers "du rajeunir", vivre n'est plus un devoir, mais une envie d'aimer, de voir, et de dire. J'écoute, je scrute, mais qu'en est-il du silence quand tant de visages, de regards, d'amis d'encre vive, s'agitent, griffent, ouvrent les voix du non-oubli sur les vertiges du jour ?
Où suis-je dans ce no man's land des mémoires où l'enfance n'en finit pas de sombrer. Inlassable, je suis un cueilleur de mirages, de noms, de phrases et d'échos. Que reste-t-il des mots, des poèmes que je ne sais oublier, des trahisons que je voudrais effacées ?
Un chemin d'ombre me mène à ma mère, à mon père, à mes amis, à mes douleurs.
Je suis en berne de rêves mais je veux reconstruire le passé, vous voir chanter dans les clameurs d'autre temps. J'ai des bonheurs égarés, je veux revoir les enfants, le temps des aurores où, au pied d'arbres de noël, devant quelques mystérieux emballages, nous attendions que les parents s'éveillent. Mais quand l'avenir s'emballe, le passé n'est-il pas toujours qu'une poignée de vent vide, une question qui ne veut pas de réponse ?
Qui sait ce que demain réserve ? Déjà, les frayeurs dansent, n'en est-il pas toujours ainsi ?
J'ai mal aux affections, aux amours, aux amis disparus, et aux promesses. J'ai peur de la larme sur les joues de qui j'aime, j'ai peur des lendemains quand le siècle se gâte, j'ai mal de ce que je n'ai pas su faire. Pourquoi mon père, n'ai-je pas été le miracle que tu attendais ? Au pays d'avant, le temps arrime l'enfance des exils. Les bruits d'une école et d'une guerre, l'épine d'un regard, parlent encore plus fort que la raison. Il n'y a pas de fleurs dans ma mémoire mais de l'amour et des regrets. Que me manquait-il mon père qui adoucisse ton regard ? Un chemin d'ombre me mène à toi, y trouverai-je la lueur d'une approbation, l'expression d'une tendresse, des bras ouverts ? Le temps perdu mène ses enquêtes. Où étais-tu quand je te cherchais ? C'est bête, je vis ici, et toi en allé, ma mémoire s'évente aux marelles du souvenir, j'apprends à vivre loin des mots que tu n'as pas dits. Je suis d'ailleurs et d'ici. Je vis. J'écris pour nous retrouver, lis-tu mes courriers ?

JMS-Janvier 23

Publié dans Textes de JMS

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