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L’arbre de mon jardin

Publié le par Cheval fou (Sananès)

 

 

maison-d-oiseaux-contrastee.jpg

Ses mains avides de ciel
je l’entends pleurer
l’arbre de mon jardin.


Je l’entends

brasser des mots bruissants de joie

bras ouverts aux oiseaux

 

il-compagnonait--avec-chien---oiseaux.jpg

Je l’entends ce frère pacifique
qui d’hiver en printemps
compagnonnait l’enfance des hommes
et, en transparente affection, embrassait
les amoureux les chiens et les oiseaux.


Frère pacifique
j’entends trembler les porteurs de ciel.
La ville est en guerre
on désarbre, on arrache, on désâme
on rentabilise l’espace.

Sans-l-arbre-pigeons-deplaces.jpg

Mon arbre n’est plus.
Seul reste l’espace silencieux du regard
une nostalgie orpheline
perdue dans l’enfance des arbres
et les billions de regards que l’homme efface.

JMS

Photos PB

 

 

Publié dans JMS - A paraître

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L'arbre à rêves

Publié le par Cheval fou (Sananès)

L-arbre-dans-le-ciel-AVEC-2TOILE-ET-CONTRASTE-LIGHT.jpg

© Photo PBS - illustration JMS

Un conte de Jean-Michel Sananès

     Je viens du lointain pays d’un arbre. L’arbre immense abritait des millions de printemps et de feuilles. Chacune était la maison d’une joie, d’un rêve, d’un hibou, d’une famille. Chaque fleur abritait des jours de fête, des rêves de futur, des projets de bonheur. Chaque branche se couvrait de bourgeons aux couleurs vives de l’espoir. Ses branches s’enfonçaient dans le ciel comme l’amour des mères dans les jardins de l’enfance. L'arbre portait des fruits de couleurs et de goûts différents. Immense comme la vie, l’arbre à feuilles émeraude se nourrissait du gazouillis des moineaux, du roucoulement des colombes, des rires d’enfants, et de l’attente des matins nouveaux. Son feuillage bruissait comme le chant des consciences quand les hommes sont en paix. Partout sa sève coulait comme une eau pure irrigant les grands horizons et les prairies du ciel.

         L’arbre grand habitait si près de nous qu’il en était devenu aussi invisible que l’enfance avant que le temps ne l’efface. Trop occupés à nos jeux, à bâtir nos royaumes, nous l’avons négligé, ignoré. Nous l’avons oublié, égaré, perdu dans la grisaille des vieilles mémoires et dans les lointains du temps. Seuls quelques vieux nostalgiques en parlaient encore. Certains d’entre nous l’appelaient l’Arbre de Vie, et d’autres encore l’appelaient l’Arbre à Rêves. En ce pays de l'Arbre, comme à travers les millénaires, les enfants et les fées avaient toujours su que sans rêves et sans espoirs, la vie n’est pas la Vie. Et les poètes savaient que l’on ne peut aller à demain sans ouvrir ses rêves

         Pourtant, le monde avait oublié l’arbre, nul ne l'avait soigné. Le vent de l’habitude s’était installé comme l’indifférence sur un amour oublié. Si bien qu’un jour, comme un enfant abandonné au crépuscule des consciences, un jour, l’arbre renonça à faire printemps. Ses feuilles ne firent plus de rêves, de rires, de joies. Celles à hiboux, à familles comme les fleurs à projets, à bonheur, les bourgeons à futur et les branches à germes d'espoir, tout s’était mis à jaunir. Depuis que les hommes avaient oublié l’arbre à feuilles émeraude, à rêves, à vie, à bonheur pour courir après le temps, depuis qu’ils avaient cessé de le regarder, depuis qu’ils ne prenaient plus le temps d’aimer, depuis qu’ils mangeaient ses fruits sans le soigner, sans le remercier, sans même lui parler, depuis qu'ils se perdaient à compter, depuis qu’ils avaient oublié que ses branches étaient la maison du monde, l’arbre grand était devenu un arbre triste qui appelait l’automne, le tonnerre, les nuages. Son feuillage n’abritait plus de rêves, plus de futur.

         Les hiboux, les familles, les fleurs à projets, celles à bonheur, les maisons du rire, maintenant se cachaient au plus lointain des cœurs, se terraient, apeurés, sous le manteau des guerres. Des épines, une à une, remplaçaient ses feuilles mourantes. La sécheresse partout engloutissait les couleurs de l’espoir. L’arbre à rêves n’était plus. Un arbre à larmes prenait sa place.

         Les fées du rire, des lucioles, des tendresses, les phoques et ours polaires, depuis longtemps, s’alarmaient. Ils savaient que l’indifférence est une petite mort qui, chaque jour un peu plus, blessait l’arbre. Une culture barbare avait conduit les hommes à accumuler à leur seul profit tout ce que l’arbre avait jusque-là prodigué, aux hiboux, aux familles, aux oiseaux, aux fleurs, aux jours de fête, aux rêves de futur, à la diversité, et aux millions de printemps. Les hommes avaient accumulé égoïstement tant et tant de feuilles vert émeraude qu'ils avaient dévasté l’arbre et celui-ci n’en finissait pas de dépérir. La violence, l’apparence, la possession, avaient remplacé l’amour. Les hommes croyaient pouvoir stocker le rêve. Les beaux jours de l’arbre de Vie étaient loin. Les hommes ne savaient plus que le plaisir de partager et de donner était essentiel. L'arbre à rêves allait en mourir. Les fous de justice, plus lucides que les démons de l’intelligence, savaient que le désastre arriverait et jamais ils n’avaient cessé d’affirmer que le rêve est l’oxygène de l’homme. Ils n’avaient jamais cessé de prédire que lorsque les feuilles de l’arbre seraient mortes, l’hiver de l’homme engloutirait la vie, toutes les vies. Et qu’alors viendrait l’heure du désert.

         Mais les hommes ne voulaient rien changer, ils voulaient de plus en plus de petites feuilles vertes. Comme des oiseaux à tête de crocodile, ils mangeaient l’espoir et le futur, se gavaient de chiffres, remplissaient sans cesse les besaces de l’avidité et se paraient d’apparences. Comme de grands rapaces, ils se pavanaient sur les restes de l’Arbre. Ils pillaient, brûlaient les graines du dernier espoir. À coup de haches ils élaguaient le futur.

         Il y a longtemps, je voulais des enfants, du ciel et des chansons sous l’Arbre à Rêves. Il y a longtemps, j’ai habité au pays d’un arbre vert. L’Arbre savait que les enfants sont les graines de l’espoir, l’Arbre savait que les enfants sans rêves n’ont pas de futur. Il y a longtemps j’ai pris mon silence et mes mots pour implorer les fées et les démons, les dieux parjures et les présidents. D’un bouquet de mots simples, je voulais affirmer que chacun de nous peut aimer plus grand que lui. Je voulais clamer que ce qui blesse la terre, le rêve, l’utopie, blesse l’enfance et tue l'Arbre de Vie.

         Encore aujourd'hui, je veux dire : amis, en chacun de nous sommeille une petite graine d’amour à faire germer pour que l’Arbre à Rêves refleurisse.

 Jean-Michel Sananès – 24 décembre 2010

 

Publié dans JMS - A paraître

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11 novembre

Publié le par Cheval fou (Sananès)

Poste des Cascades

Souvenir 1914-15

essai

Sur cette photo "Le Poste des Cascades"

 


Un petit coin de France que mon Zouave de Grand-père
Et ses amis étaient venus défendre
 
Combien d’entre eux sont revenus ?
 
***
C’était un temps où l’on partait fleur au fusil
C’était un temps
Où pour un pays
 L’on pouvait encore mourir d’amour
 
Combien de peur, de froid, d’attente
Entre l’enfance emportée, le vieil oued
Et l’apprentissage du désespoir
 
Combien de vies
Pour que le retour vienne
 
Grand-père était parti
Sans savoir les tranchées, la misère
Les symphonies du glas
 
Parti, sans se retourner
À l’épaule
 Une maigre besace
Du tabac à priser
Une identité française et des airs d’opéra
 
Au loin, un amour l’attendait
Sur le grand bateau
Il avait chanté la Marseillaise et la chanson des Africains
Au Nord, Verdun l’attendait
 
Il est revenu
À l’épaule
Une maigre besace
Un désespoir furieux
Et la triste joie des survivants
Rien d’autre que la boue et du sang
 
Il savait
Plus rien ne serait comme avant
 
Il savait
La candeur à jamais perdue
L’addition des années, les amis disparus
 
Il savait
Sur les cartes d’État Major
la vie
les hommes
ne pèsent pas lourd
 
Il savait
Chaque tombe
est un clou dans le cœur des vivants.

 

JMS

 

 

 

Publié dans JMS - A paraître

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Albert CAMUS

Publié le par Cheval fou (Sananès)

tombe-de-Camus.jpg

Cet homme a modifié ma vie. J’avais 20 ans. Il a modifié deux fois ma vie de manière irréversible.

D'abord par la lecture de "La chute ". Ce livre est resté ma cicatrice la plus douce depuis qu'il m’a pénétré d'une phrase récurrente qui s’impose à moi chaque fois que la question de faire ou de laisser faire se pose : "Les plongeons rentrés laissent parfois d'étranges courbatures". Cette phrase ressurgit des abîmes de ma mémoire et ses mots, comme un fer rouge sur ma conscience, dénoncent, guident, me rappellent que, quel que soit le naufrage et même si on l'ignore, le récif du remord à jamais restera là, entre le miroir et moi, entre ma nuit et mon sommeil.

Puis, la lecture de "Caligula " fut ma cicatrice la plus douloureuse. Elle m’a irrémédiablement appris que les hommes appartiennent à leur vécu, que la vie les forge, que la vie en fait des anges, des moutons ou des loups. On ne choisit pas toujours d’être assassin, la vie, ses blessures et ses cadeaux, font de nous les armes du malheur ou de l’amour.

Camus, mon frère, mon ancien, mon maître, celui qui parlait trop simple, trop humain pour que le gratin prétentieux de l’intelligentsia l’accepte en son sein, repose là dans ce petit coin du Luberon, à Lourmarin, en Provence, dans un pays de soleil et de Mistral, près d’une femme, son épouse.

Qui voudrait le kidnapper, lui offrir le lustre d’un monument pédant, le faste des fiers de la médaille !?

Qui voudrait commettre ce crime ?

De grâce, Monsieur, laissez mon frère, mon ancien, mon maître reposer dans ce coin tranquille de Provence, chez lui.

Laissez-le avec les cigales, lui sait que les cigales, aussi, sont d’ici.

 

  La-tombe-d-Albert-Camus-contraste-sur-madame.jpg

Lettre à Albert Camus

Tu es parti sans partir
tu es mort sans mourir
ta voix est là
dans la ténèbre des vivants
elle éclaire le chemin

J’habite chez les gris
les orphelins de la conscience
dans la jachère des idées

Au côté de mes pères
tu es un essentiel

qui éclaire ma voie
 

Tu es parti hier
il y a longtemps
parti sans partir
sans emporter ton ombre
sans emporter ton cri
tu précèdes mon pas
tu enfantes mes mots
 

Je traverse le jour
Il est toujours hier

Je vais
dans un silence habité
tu es là
 
Il y a longtemps
tu n’es jamais parti.
 
JMS
.
 
 

 

Publié dans JMS - A paraître

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