Poème à mon enfance
Sur les berges d'un mot, j'accoste des continents,
là-bas déferlent des tempêtes de vagues à l’âme,
j'y esquive des rires défunts,
des saveurs archaïques,
de vieux cumulus dans un azur inégalé,
il y a du varech et des chansons d’enfance,
hé, maman, es-tu là ?
Là-bas bruissaient la colère et le verbe aimer,
l'ombre et la lumière,
ta voix y était chanson,
Mère, je ne sais où tu es.
Entre hier et jamais plus,
mon passé frissonne
tous, je vous entends palpiter
dans l'éclatement des pendules.
Là-bas, sur mon bureau,
une carte d’Europe portait le nom de mes amis,
des adresses, et le drapeau de leurs pays.
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Le savez-vous, l'Histoire a arraché vos noms
et tant de rires oubliés sur une terre qui tuait ses enfants.
Toi, mon ami d'Alger et toi le Yougoslave,
où êtes-vous ?
Je viens d'un pays qui n'existe plus,
mes rêves apatrides cherchent leur royaume,
où suis-je dans les errances du vent ?
Dans cet entre-temps où chutent les décennies,
je cherche un territoire,
un lieu d'accueil pour tous ceux
qui encore chuchotent en moi,
et pour tous ces jours qui s'appelaient tendresse.
De mon cœur et ma tête, ne reste-t-il rien ?
Le savez-vous, je suis orphelin d’hier.
Ils ont tué le soleil.
Je cherche des gitanes de flamenco
et l'ombre du platane aux oiseaux,
et vous, hirondelles de mon enfance,
défroissez les cœurs, les amitiés, les rêves anémiques,
inventez des mots nouveaux qui parlent de retour,
des syllabes d'oiseaux qui soient solfège d’infini.
Et toi, ami des Temps perdus,
où es-tu sur ces chemins sans retour
où j'effrite ce qu'il me reste d’espoir ?
JMS