Ile Eniger

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Il a poussé son chevalet dans une coin de l'atelier. Ses mains ne voleront plus sur une toile. Il a perdu ses couleurs, les noms de ceux qu'il aime. La lumière ne sera plus peinte. Il est l'exil. Une pierre ferme l'horizon. La cisaille mord l'attache du fruit. S'affaisse l'inutile prière. Quelque chose se tait qui étouffe le cri. Comment nommer l'innomable douleur, l'impossible secours, l'inéluctable peine ? Il fait froid partout ce soir. Une pluie glaciale déménage l'automne, sillons roux sur la terre gercée. Je pense aux bêtes loin des terriers, aux gens seuls, aux pas trempés sur les pavés de rues indifférentes. Je pense à ce qui s'efface. Ce qui disparaît. Ce qui n'attend plus. Je pense à ce qui fuit entre les doigts. Il manque tellement ce temps d'insouciance verte à croquer en riant.

 

Ile Eniger - Solaire - (à paraître)

http://insula.over-blog.net/
 

 

Parfois, l'on reçoit certains textes et ils nous submergent comme des bouffées de larmes à consommer sur place. Parfois il nous faut avaler chaque mot et rester muet comme un enfant perdu dans la nuit.

 

Ce texte d'Ile Eniger m'a ému, tout autant que la lettre de Julos Beaucarne écrite quand un dément déroba la vie de sa "Loulou" : On doit manger chacun, dit-on, un sac de charbon pour aller en paradis. Ah ! Comme j'aimerais qu'il y ait un paradis…

 

"Comme j'aimerais", moi aussi, "qu'il y ait un paradis" !

Espérance ou questionnement devant ce néant peut-être habité où se scellent les destins. Cette question est depuis toujours arrimée à mon écriture : la douleur est-elle le prix du voyage ?

 

 Ce texte d'Ile Eniger renferme la question, le cri, le rire. Le bonheur et les années espoirs n’existaient-ils donc que pour s'effacer ?

 

Voir partir,  c’est être un enfant aux doigts de plume, impuissant devant la montagne à soulever. "Ah ! Comme j'aimerais qu'il y ait un paradis".

JMS

Publié dans Ils disent

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article