Migrant ?

Publié le par Cheval fou (Sananes)

D’où je viens
il pleuvait du crime et de la grenaille
des rires d’enfants écrasés à même le sol
des larmes et de la peur
plus hautes que les cieux

Laissé mes rêves
laissé mes parents


Parti
parti loin des fanatismes
des kalachnikovs barbares
qui psalmodient leurs haines du vivant
 
Je suis parti chercher le pain
je suis parti sauver mes enfants

Je suis là
à frapper aux portes des suffisances étrangères
à fouiller les poubelles
à remercier pour les restes d’un gâteau jeté

 
J’ai faim plus haut que ma honte
pourquoi faut-il toujours que l’opulence
trouve un malin plaisir à l’humiliation des faibles ?

 
Aux tables des cafés une odeur de sucre et de désespoir
aussi grande que ma misère
porte les ailes noires d’un corbeau-révolte
 
J’appelle
je marche
je marche vers ma faim
 
Vers ceux qui encore savent tendre une main
vers d’autres cieux
vers ceux qui avaient écrit sur l’ocre des terres
des mots de pierres, de briques, de chaux
et des frontons de marbre
 
Je vais vers ceux
qui écrivaient le chant des portes ouvertes sur le ciel
vers ceux qui, de trois petites notes au cœur de l’espérance
de trois petites notes sans tambour ni trompettes
de trois petites notes sans préjugés ni  fusils
de trois mots : Liberté Égalité Fraternité

avaient cru embellir l’avenir
et allumer la flamme d’une conscience nouvelle
 
D’où je viens
il pleuvait du crime et de la grenaille
du viol et des femmes écrasées à même le sol
des larmes et de la peur plus hautes que les cieux

Parti sur les chemins
parti chercher le pain
parti sauver mes enfants

Je suis là
je marche
je vais vers cette Marianne
venue d’un temps où l’âme de la France
vivait de mémoires grandioses

Où es-tu
Abbé Grégoire ?
Et toi Abbé Pierre ?

 

Où êtes-vous ?
 
Regardez vos fils
ils ont fermé leurs portes
jusqu’à l’encoignure des regards


Regardez-les
ils ont fermé leurs cœurs
sont devenus experts en indifférence
 
Pleurez mes pères !
Pleurez mes frères !
Vos fils sont devenus traders
ogres nourris aux bonus et au sang des exclus
 
Aux frontières nous quémandons la vie
 
Les oreilles sourdes
survivent aux années noires
 
Je suis là
mains tendues
si loin de mes rêves
si loin de mes parents
pour sauver mes enfants
 
Là bas, ils tuent, ils  violent, ils décapitent
je suis las
je suis là
à frapper aux portes des suffisances étrangères
à fouiller les poubelles
 
Aux tables des cafés, une odeur de sucre
enterre des temps oubliés
j’ai faim plus haut que ma honte
mon désespoir plus haut que ma faim
 
Savez-vous mes frères
Savez-vous mes pères
ils m’appellent migrant

Mais, qui fuit la mort
n’est-il pas un réfugié ?

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L
Ce poème est magnifique. J'aurais aimé qu'il n'existe pas car il est trop vrai, ce n'est pas un poème inventé il est la traduction poétique de la vérité.
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C
Merci de votre lecture, Lutin, hélas, trop souvent mes poèmes crachent des cris des larmes du sang