Au passage du désir.

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

J'écoute le bruissement de la feuille dans les mains du vent. Je parcours les sommeils du verbe. Le silence crisse dans l'imagination. Les syllabes s'étiolent comme des arbres sans racines quand le mot joue l'abstraction. Au monde des ombres, je ne suis qu'une odeur qui se heurte aux inquiétudes du jour, une phrase qui voudrait dire l'infini. Dire l'infini, car sinon, à quoi bon parler, désirer, ou vouloir aller plus loin. La page se perd quand l'envie de faire oublie de servir les besoins de l'âme et cesse de décrypter le profil de l'immédiat.

Dans la fragilité de l'instant, l'émotion voyage en intérieur, je n'invente pas la beauté, je la lis dans l'épaisseur du moment. La poésie n'est en rien un désir, c'est une impulsion qui résonne aux besoins de l'âme, elle ne doit trahir ni la beauté, ni la joie, ni la douleur. Le sang des mots se noie quand l'esthétique caresse le ronron de l'apparence pour y jeter ses ersatz de miel.

Je voudrais écrire avec des mots d'arbre, des virgules de paille et des musiques de vent, être le visage du chevreuil loin de la visière du fusil, le premier cri du nouveau-né. N'être que le désir de ne plus désirer pour, enfin, et seulement, vivre. Vivre libre de moi, mêlé aux heures du jour, plus haut que l'inconscient du désir. Être dans les regards de la vie.

À l'heure ou l'automne s'éveille, j'aimerais qu'un oiseau se pose sur moi, comme bénédiction sur l'épaule de l'enfant. Qu'un battement d'ailes me traverse. J'aimerais, tous mes sens à l'écoute de cette symphonie de silence agité qui se nomme le vivant, aller à la traversée du chant cosmique sans rien abîmer au passage du désir.

Jean-Michel Sananès

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