Délire : Le rêve d'où je viens

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

On n'est jamais tranquille chez soi. Pas plus tard que cette nuit, un personnage, un homme venu d'un autre monde, a pénétré mes rêves. Fait incompréhensible, cet individu, d'aspect parfaitement humain, s'est introduit dans ma réalité. Aucun onirisme dans cette inquiétante hallucination, ce trouble-sommeil est l'archétype des grands cauchemars des chasseurs d'aliens, tant rien ne le différencie du plus banal des mortels.

Il est là, mon falsificateur, ne doutant de rien alors qu'interloqué je le regarde, il s'est installé dans ma cuisine. Il range, éponge à la main il fait le ménage. Évidemment, j'en suis convaincu, c'est un intrus, il n'appartient ni à mon univers, ni à mon imagination. Je le sais, tout cela ne se peut pas ! Me voilà donc bien obligé de constater que je cauchemarde et je me demande comment j'ai pu créer la vision d'un être aussi parfait ! Avec ses deux jambes, ses yeux clairs et expressifs, il marche, sourit, parle, me parle, travaille, s'affaire sans que jamais je ne l'aie invité à entrer ni dans mon rêve ni dans ma réalité ! De surcroît il ment, je le sais puisqu'il prétend avoir été envoyé par ma pharmacienne pour m'aider, ce qui est impossible, elle ne sait pas que je suis bordélique ! Deviendrais-je fou ? Où ai-je été chercher ce personnage ? De quelle chimie ou alchimie céleste, de quel ciel, terre ou univers, moi qui ne bois pas d'absinthe, de quel abysse, me parvient ce mirage ?

Moi qui suis généralement raisonnable et qui ne suis pas né de la dernière pluie, moi qui me connais depuis tant de décennies, je le sais bien que les vues de l'esprit, réalités et chimères, sont si aléatoires que, parfois, je crains de n'être que l'écho d'une idée saugrenue, un immatériel, un virtuel qui n'existe pas vraiment !

Est-il possible que mon moi, mon surmoi, celui que tout le monde croit que je suis, et moi-même, se soient laissés berner ? Ne vivrais-je donc que dans mon imaginaire ? Dans cette autre réalité, serais-je un ami de l'intrus venu nettoyer ma cuisine, un ami de ce fouille-partout qui me reproche de ne pas avoir de webcam sur mon ordinateur ? La question se pose, si cet individu n'existe pas, moi, suis-je vraiment là ? Devrais-je me  pincer ? Devrais-je gifler le premier venu, écraser le nez de mon voisin, pour m'assurer, par leurs cris, qu'eux sont bien réels et vivants ? Et, faisant cela, devrais-je espérer qu'ils réagissent brutalement pour enfin être convaincu que nous partageons la même réalité ? Une furieuse envie de me réveiller, de tuer mon hallucination, de manger une tablette de chocolat, et de me rendormir, m'agite.

La situation est désarmante ! Et je me demande si mon Léo, mon chat est vraiment parti vers l'ailleurs, ou si, juste lassé d'exister, il n'a pas fermé l'étrangeté de son rêve pour disparaître ? Toutes ces questions en suspension me font mal, si mal que je me cherche, suis-je réel parmi le vivant, ou seulement un vers fou dans la tête d'un poète, un verbe qui court à la poursuite d'une phrase ?

L'absence de la permanence des êtres et des choses m'inquiète, finalement, je voudrais être un arbre sans crainte et sans tourment, qui regarde la mer du haut de la colline, et attend les oiseaux sans jamais se poser d'autres questions que de savoir si demain il pleuvra ou pas.

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