quand les haines fleuronnent au sommet de la bêtise
Un temps de rien
C’est un temps de rien, un temps de tout. Un cri de baleine perdu dans des nuits d’océan la présence indistincte d’un oiseau blessé et le jour qui vient sur la pointe des rêves.
C’est un bleu perdu dans le chandail des brumes une fête qui se joue dans le cri d’un amour et Verlaine qui s’éloigne sur la pointe des pieds.
C’est une nostalgie qui cherche ses mémoires au royaume des vivants un cliquetis d’aiguilles qui cherche sa route au rebours d’une montre arrêtée et la chaussure de Rimbaud à l’orphelinat des amputés.
C’est Soutine et Chagall cherchant leurs pinceaux l’encre du rêve et celle du cauchemar à l’heure où le jour se dissout et la nuit qui tombe sur le rire des enfants.
Ce sont les mains de Grand-Père s’approchant du poêle Apollinaire et Max Jacob mourant loin de la Ruche et cette muraille de mots qui entrave le silence.
C’est un temps de tout, un temps de rien le jour qui passe sur le visage d’un ange et la nuit qui se lève sur un visage de femme.
C’est une nostalgie qui croise la brume un chien qui court comme on efface les siècles et la mémoire qui se cherche au royaume des morts.
JMS - Extrait de "Dieu, le silence et moi" aux Éditions Chemins de Plume
On a des frères, on a des sœurs, et des amis que l'on croit éternels On a des chansons, des bruits, des rires de cours d’école Des odeurs de quatre heures au chocolat L'émerveillement d'un premier Noël Des goûts de fête Et des années mêlées à nos années
On a ces peurs au ventre des jours d’examen Tous ces vieux rhumes et ces matins chagrins où l'on appelait maman Ce vieux grand-père qui ronronnait dans son fauteuil Un journal sur ses genoux mais les yeux fixés sur sa grande guerre On a leurs voix et leurs rengaines, les ritournelles d'un temps d’ailleurs Le souvenir amer de ces 'braves gens' qui ne nous aimaient pas On a toutes ces misères et les galères où l'on regardait l'avenir de travers
On a ces temps d'espoir et la voix de Léonard qui nous chantait Suzanne Et celle qui nous emmenait faire un tour avant de nous faire verser des larmes On a les mots qui partent sans un adieu et des visages que l'on gomme d'un agenda On a ses joies, on a ses peines, et le pas cassé à chercher sa voie
On a des frères, on a des sœurs et des amis que l'on croyait éternels On a des chansons, des bruits, des rires de cours d’école Et des partis sans laisser d’adresse Qui surnagent d'un naufrage mémoire où les amitiés s’oublient On a des regrets et des amours qui ne veulent pas mourir On a grand-père et ses cachous, cloué au lit, qui nous disait "Reviens me voir"
On a le temps qui va, Léonard et les heures qui partent Loin des odeurs de quatre heures au chocolat On a des petits enfants à qui l'on dit : "Reviens me voir…".
Ma mère est là Fragile poussin toujours à la recherche d'un père.
Elle a peur Elle le crie : "J'ai peur, j'ai peur". Où doit-elle aller toute seule Sans une main qui la guide Sur ce territoire inconnu Où l'être doit rejoindre son silence Où l'on doit abandonner ce qu'il reste d'attachement en nous ?
Ma fille, mes fils, ne coupez pas ce fil "J'ai peur, j'ai peur". Sa tête, sa pauvre tête Où la mémoire des faits s'est éteinte Elle la montre, la supplie de revenir Comme un train de bagages, de mots et d'images.
Ses mains se tendent à la recherche d'une poignée de doigts Où s'agrippent les dernières tendresses Son cœur qui nous cherche est encore là Elle a peur notre mère
Je viens d'ouvrir un document vierge Dois-je le souiller ? L’habiller ? Le refermer ? Trois mots sont tombés de mon clavier, qui plombent mon moral. La page est comme moi, ni blanche ni noire. Seulement froissée.
A triturer le verbe, les mots fusent. Je ne se suis plus l'enfant du cri, d'un soleil ou d'un printemps, je suis l'enfant d'un mensonge. L'héritage ombilical est mort de ses blessures. Ne me nommez plus, la raison a destitué mes certitudes. Faut-il vraiment que nous ayons des noms ? Faut-il vraiment que nous ayons connu les utopies du sang et de la patrie pour apprendre un jour que nous ne sommes là que pour apprendre la solitude ? Faut-il toujours se chercher pour renaître aux vérités du babillage d'un stylo sur le blanc d'un papier ? Je creuse la vérité comme un amant trahi, ne me nommez plus, je m'appelais Michel. Je viens d'un temps qui m'a tant éparpillé que je stagne là, aujourd’hui, à fouiller la mémoire des guerres. Je ne parcours plus la route de vieux parents qui s'y seraient perdus. Je m'égare dans cette déchirure du verbe qui sépare le passé du futur. Où suis-je dans tout cela ? J'attends que la peur s'efface et que des bulles de bonheur ouvrent la route. J'attends de trouver mon pas de chien errant en course vers des joies passagères. J'ai peur des voitures, des faux serments, des traquenards citadins et du vent d'automne qui apporte l’hiver. J'ai peur de ne plus voir, de ne plus savoir voir, et de perdre la saveur du rire. On m'a tant dit que le temps est l'épine dorsale de cette blessure du néant que l'on appelle la vie, que je creuse l'ironie de l'espoir et du chagrin jusqu'à ce lieu où la raison déraille. Je n'ai pas de temps à perdre. Je suis fragile comme une mémoire en partance ou un oubli en marche, je me regarde au miroir de l'inconscience. Je ne suis plus l'écho de qui j'étais. J'ai faim. J’ai faim et je veux me goinfrer d'amour, je veux vous regarder, je veux nous regarder plus fort car nous n'avons d'autre vie, d'autre nation, d'autre lieu d’être, que les yeux et les cœurs de ceux qui croient nous regarder vivre. Je m'appelais Michel. Je me ressemble, je nous ressemble, je vous ressemble. J'irai partout avec nous et nous nous appellerons de tous les noms de la tendresse.
Il y a longtemps, j'avais ouvert m'a vie sur une utopie démesurée et vierge. Qu'en restera-t-il quand l'ombre viendra ? Les mots, l'amour, la passion, auront-ils su triompher des trahisons, des chagrins, des abandons ? Aurai-je à jamais compris que l'être n'est qu'un frisson de joie sur une douleur qui marche ?
Des mots sont tombés de mon clavier. La page est comme moi, ni blanche ni noire. Seulement froissée comme un chagrin de soleil sous la pluie.
Festival du Livre de Mouans-Sartoux 2016 Vendredi 7 octobre à 15 heures 30 je serai l'invité du podium littérature (Bât : A)
Dans le cadre la présentation de mon essai :
La Crise ? Complot ou incompétence ?
- Il est temps de comprendre que cette prétendue crise est organisée par ceux qui en tirent sciemment profit. Il est temps de se donner les moyens d'entrevoir les nécessaires changements pour un retour à un monde meilleur et équitable.
Je mesure l’odeur de l’herbe, la larme de sève à mes chaussures, la goutte de sang à la blessure du monde. La vie est une béance plus grande que l’univers. J’avance, l’œil sur l’horizon, l’horizon sous les étoiles ; j’avance l’œil moins grand que l’infini ; je tutoie le vent et l’arbre. Des miettes de mes ancêtres s’y promènent, s’y reposent, se marient à l’écorce des arbres, à l’écorce du vent et au parchemin de mes rêves. J’avance l’œil sur l’horizon et je bois le soleil, et je bois la plaine. J’arpente un chant d’oiseau, un rêve de givre et de futur, un rêve de passé. Où es-tu ? Qui es-tu ? Toi dans l’ombre de mes pas : un arbre qui me regarde, un oiseau plus haut que le ciel, une étoile perdue dans les années lumière. Une larme de sève à mes chaussures, j’avance à ma rencontre.
Quand je sauve une abeille tombée à l’eau, un oiseau prisonnier des griffes de mon chat, le petit homme raisonnable, celui qui se croit si grand qu’il pense que la terre n’est pas assez grande, qu’il faut coloniser l’espace, le petit homme raisonnable rit. Il croit que certaines vies sont infimes. Je ne suis pas raisonnable, toutes ces vies me sont indispensables comme l’enfance, comme le rire. Toutes vont à mes côtés comme une partie de moi. Je suis un fils du ciel et du vent. Inlassablement, je scrute à la recherche de l’ancêtre, l’ancêtre homme, l’ancêtre brindille, l’ancêtre poisson, l’ancêtre amibe. Je cherche l’ancêtre du rêve, le premier frisson de la goutte d’eau.
L’homme raisonnable n’en a que faire, il règne dans une jungle de marchands de papier, de marchands d’hommes, de marchands de vies, de marchands de biens. Il règne sur les territoires de la monnaie.
Je parcours la vie en indigène. Je suis d’un ailleurs de paix si incompréhensible aux hommes raisonnables que leurs cartographes s’y perdent. Dans mon monde, j’habite avec des abeilles, des chats et du ciel, aucune place pour les marchands de terre, aucune médaille pour les spéculateurs de l’opulence. La terre, même captive, même soumise, même arrachée à la nature, violée, lapidée, empoisonnée de chimie, reste et restera un morceau d’univers indigène. Ma Terre pleure quand vous la détruisez, elle est mon manteau, ma parure, ma vie, mon tombeau.
Mesurez-vous l’odeur de l’herbe, le chant de l’oiseau, la douleur de l’arbre, quand vous abattez la forêt, quand vous goudronnez ?
Vous parcourez la vie à la hussarde. Vous évaluez l’oiseau, l’arbre et le chant, en poids, en profit. La bête n’est plus la bête, dans votre regard elle devient viande. La forêt n’est plus la forêt, dans votre regard elle est stères, mètres cubes, charpentes, charbon, copeaux. L’homme n’est plus homme, dans votre regard, il est bras, sueur, consommateur et machine exploitable. Vous oubliez que le chant, l’odeur et l’horizon, sont ma richesse.
Vous en tirez vanité. Le reste n’est que dégâts collatéraux.
J’avance l’œil sur l’horizon, l’horizon sous les étoiles. J’avance l’œil moins grand que l’infini. Je tutoie le vent. J’attends que l’arbre me parle. J’attends que cesse le tumulte.
La vie est une béance plus grande que l’univers.
Je suis frère de l’herbe et du sang.
JMS - In "Plus frère que frère" - Editions Chemins de Plume - 13.50 Euros (réimpression)
Parution de mes deux nouveaux ouvrages aux Editions Chemins de Plume pour le Salon du Livre de Mouans-Sartoux les 7, 8 et 9 octobre 2016, en dédicace au Bt A
Si mon permis d'être
un jour ou demain
m'ouvrait un autre là-bas
que j'y arrive en me pinçant le cœur et l’âme
Si mon permis d’être
fermait mon ici
qu'il y ait un là-bas
je voudrais être
parmi ceux qui m’aiment et que j'aime
aux côtés de tous ceux qui ont eu
la conscience plus forte que la foi
le cœur plus large que l’ego
le doute plus grand que les certitudes
je voudrais être
avec les pêcheurs qui ont donné du pain aux oiseaux
les enfants qui ont pleuré pour un bonnet d'âne ou une gifle imméritée
ceux qui ont mendié et volé pour manger
et avec tous ceux qui les ont aimés et qui connaissent les routes du pardon
Si mon permis d'être
un jour ou demain, m'ouvrait un autre là-bas
je voudrais être
parmi ceux qui ont voyagé dans la détresse des hommes
ceux qui savent que les peuples martyrs doivent réapprendre à chanter
ceux qui se sont fait voler des larmes et des enfants à la guerre
Et tous ceux qui gardent encore un cri contre l'injustice
Si jamais mon permis de vivre s'épuisait
je voudrais être
parmi mes chats, et ceux qui m’aiment et que j'aime
ne jamais oublier leurs voix, leurs couleurs
leurs pleurs, leurs rires
leurs images
L'été s'est arrêté aux fenêtres
De minces filets de lumière déchirent l’ombre
L'heure ralentit
Venues de l'ailleurs du vent
De vieilles inquiétudes et de vieilles joies s'attardent
Venue de l'ailleurs du vent
Ma mère est là
Dans un pathétique tête à tête
Où la vie passe à contrejour
L’espoir et le néant
Orchestrent les métamorphoses de l’invisible
Sa main dans ma main
Ma mère s'agrippe à des heures incertaines
Encore une fois un oiseau s'est posé entre mes doigts
Son regard émiette des images et des odeurs écornées
Déconnectées de l’espérance
Une moisson de souvenirs joue la jachère
Ses rêves ont tant pâli
Qu’ils émergent d'un silence d’iceberg
Ses joues sont froides
Nos cœurs se glacent
Remonte un temps ancien
Où déjà mon père avait accosté ma main
Avant que son regard ne se dissolve
Dans un crépuscule de regrets
Et d'insipides espoirs
Ma mère est là
Et son cœur cogne
Elle a peur et me demande de la suivre
Que répondre à ce projet d'éternité à deux ?
Que dire à une main qui désarrime sa force et se cramponne ?
Que dire au désarroi
Et à cette ombre où grince la permanence des douleurs ?
J'ai peur
J'ai peur des tumultes inoubliés
Une petite fille n'en finit pas de chercher un père
J'ai peur
J’ai peur de ses peurs
J'ai peur de ma peur
Reste, ne me lâche pas, me dit-elle
Main dans ma main
Ses mots muets me claquent aux yeux
Plus forts que la prière
Que t'a-t-on volé ma mère ?
Qui éteint la lumière ?
Et les cieux !
Où sont-ils, si près, si loin de ce lit ?
Ma mère murmure
Ses mots s’évadent
Un pâle sourire griffe mon âme
Ravive des temps que je ne saurai oublier
N'aie peur de rien, ma mère
Où que tu ailles
Un jour j’irai
Le présent n'a pas de cage.