Quand la nuit s’entrouvrit, des corps de rêves déchirés comme les bulles d’un vieux bonheur s’échappèrent du champagne pour aller si haut dans les jardins où l’on rit à chaudes larmes que seul resta le cauchemar.
Je ne mange plus de chocolat, je ne regarde plus le lilas, j’ai fermé mes cahiers de rire, mes cahiers d’écrire, mes cahiers d’espoir. J’écoute à Radio la Vie, une comptine pleine d’entrain : "Marche avec le mangeur d'âme, marche avec le banquier, marche avec l’entrepreneur, écoute le président…". Il est tard pour rêver et la nuit s’entrouvre. Il est tard dans le monde, l’avidité a fait ses lois et la nuit monte. J’entends s’évaporer le corps des rêves. À mes pieds, seul reste le cauchemar posé sur la plainte aiguë du jour. Des cris d’enfants interrogent l’avenir. La terre gémit d’un curieux bonheur, c’est un bonheur de porte qui grince, un bonheur carnassier, puissant, souriant et repu. Plus rien ne va et cela comble la horde des banquiers, la horde des multinationales, la horde des présidents...
L’opulence du plaisir, l’opulence de la richesse, ricochent sur la patinoire des luxures. La pute et l’or se côtoient et l’une et l’autre en demandent plus encore. Une clique cannibale, affamée de terre, de béton, de devises, d’ivresses et de pouvoir, proclame que c’est l’heure du carnage. Les mangeurs d’âme passent à table. L’auberge s’appelle "La demeure du chaos", on y enterre des amours apocryphes et un ange au sang de grenade ; on y oublie un vent aux odeurs de jasmin.
Face aux mangeurs d'âmes, rien, sinon un ange hypothétique et de pauvres bougres qui vendent leur âme et gémissent leurs pathétiques jérémiades pour du travail, pour le pain et pour le droit d’aller à demain. Au menu, on brade des âmes de travailleurs, de fonctionnaires, de chômeurs, de petits commerçants, de bergers. On damne, on condamne dames et enfants. Âme après âme, sans ramdam, on mange des âmes noires, des âmes blanches : dix fois dix âmes pour le banquier, dix fois cent âmes pour l’entrepreneur, dix fois mille âmes pour une multinationale, des millions d’âmes pour la bourse. Il faut asservir, manger goulu, tuer des âmes et ne pas laisser traîner de corps et de paroles libres sur la voie publique. Mille malheureux pour un qui damne. Le salarié sauce "subprime" ou la salade crédit à risques, vous connaissez ? Monsieur le président nous fera bien une guerre ?
Face à eux l’ange hypothétique n’a pas d’armes, il distille la raison, boit d’étranges liqueurs et rit sous son blanc manteau, rit de toutes ses larmes et d’une mémoire de plomb et d’épines.
C’est une heure d’horloge éventrée, il est cinq heures. C’est un temps à pleurer. Sur le fil du rasoir, je me souviens de mon ultime visite au rêve, un vendredi où les danseuses de l’impossible jonglant avec le bonheur, avaient brisé les diagonales de ciel. Une pluie de musiques jamais cartographiées avaient alors froissé d’infernales images et des rires d’enfants soldats.
Ce jour-là à 5 heures au Grand Théâtre, devant une chorégraphie d’hommes écartelés, les mangeurs d'âmes ont bousculé les tabous, expurgé les dictionnaires, banni les mots de l’amour, les mots de la fraternité, les mots du droit au travail, les mots simples, les mots vrais du partage et ceux de l’égalité. Ce jour-là à cinq heures, ils ont chanté l’impératif et les mots du pouvoir, érigeant un ordre soumis à la force et à l’ambition. Ce jour-là à cinq heures, ils ont créé un monde où les âmes n’auraient plus leur place et les ont remplacées par des monuments qu'ils ont appelés Wall Street, Cac 40, Nasdaq,DowJones -NYSE, Euronext…
Depuis, l’ange hypothétique est vaincu. La horde des mangeurs d'âmes festoie.
Je reste nu dans les déserts du rire, il est tout juste 5 heures. Je ne mange plus de chocolat.
JMS (16/04/2009)
*****
- Bourse : Par ordre d'importance le New York Stock Exchange (NYSE) et le Nasdaq, (le NYSE a racheté Euronext qui rassemblait les bourses de Paris, Bruxelles, Amsterdam et Lisbonne). Viennent ensuite Tokyo et Londres. - Firme multinationale : " firme en mesure d'élaborer une stratégie qui s'appuie sur les différences socio-économiques entre différents pays.
Parfois l'heure grince comme une question, reviennent de vieux poèmes, et tu demandes si le crépuscule des heures te laissera achever ton cri. J'ai tant de choses à dire, à faire et aimer avant que ne vienne la nuit, et pourtant... Me revient "Amis, un jour je partirai" ce poème écrit dans un lit d’hôpital.
Amis, un jour je partirai dans le silence des mots inécoutés.
Je partirai avec tout ce que je n’ai pas fait, pas dit, pas écrit.
Je partirai comme une encre effacée.
Je m’en irai loin, loin de vous et des miens.
Parmi les enfants du néant.
Dans les immensités de l’in-savoir.
Amis, peut-être nous sommes-nous déjà rencontrés.
Dans un monde ailleurs.
Au profond des réalités incontournables.
Peut-être même avons-nous échangé quelques mots,
une phrase ou un poème en ce langage des cœurs
que nul n’enseigne alors même qu’il est indispensable.
Amis, peut-être avons-nous bousculé la raison.
Jeté des pavés dans la mare aux certitudes.
Peut-être avons-nous cartographié quelques-uns des hiéroglyphes du Mystère.
Peut-être même que du haut de nos cultures,
nous les avons brutalisés parce que pour les approcher,
il nous aurait fallu être nus de culture et de savoir.
Il nous aurait fallu les décrypter loin des bibles et des guides de savoir-vivre.
Il aurait fallu tant et si peu de choses pour que le regard soit autre.
Pour que l’autre soit un prochain.
Pour que l’indifférence n’obstrue plus le paradis.
Il aurait fallu refaire la matrice et désinventer le crime.
Il aurait fallu plus de rêves que de réalisme, plus d’amour que d’argent.
Vous le saviez amis, et pourtant, peut-être ne nous sommes-nous jamais rencontrés.
Où allez-vous, ou courez-vous amis ?
D’où venons-nous amis ?
Tant de temps que je vais ma route,
que je parcours l’agitation désespérée de milliards d’hommes
qui se cherchent à la parade dans une course effrénée aux images
sans jamais regarder en arrière, sans jamais voir en eux.
Si la vie n’était ce virtuel où les contraintes empêchent de vivre,
peut-être aurions-nous pu nous rencontrer amis.
Un jour, peut-être, nous rencontrerons-nous plus loin que nos états d’âme,
cabotant ou dérivant vers des continents de fraternité.
Peut-être traverserons-nous ensemble les fleuves de la vie et de la mort.
Peut-être partirai-je sans que nos vies se soient croisées.
Peut-être partirai-je sans avoir usé la Question.
Peut-être qu’à la traversée du siècle,
j’aurais dû cesser de chercher un sens au voyage et partir sans boussole,
ne plus user mes mots et mes cris à pleurer sur l’abdication de la beauté.
Peut-être aurais-je dû comprendre que la sagesse est dans l’acceptation
et ne jamais croire que l’acceptation est un renoncement.
Peut-être aurais-du bâillonner les cris de ma conscience.
Ne plus arpenter le rêve et l’amour.
Ne plus vouloir en habiller ceux que j’aime.
À la croisée des jours, j’ai voyagé, tendu la main,
appelé, lancé des bouteilles aux étoiles, à la toile et aux quatre univers.
Peut-être me suis-je trop nourri de tendresses d'enfants.
Peut-être ai-je trop traversé la larme et le rire.
Peut-être ai-je trop oublié mes certitudes.
Amis, je vous ai cherchés en ce royaume de chair et de sang
où mon rire se noie dans la marée des jours perdus.
Si dans cet ici, Dieu n'a jamais occupé plus de place que mon chat,
ne Lui en tenez pas rigueur, peut-être aurait-Il pu être, aussi, mon ami.
Les êtres de l’absence ne portent-ils pas plus de rêves
que les cyniques terroirs du visible ?
Amis, quand viendra l'instant,
je partirai riche d'amour et plein de ceux qui ont donné sens à ma vie.
Je partirai dans le silence des mots inécoutés.
Du fond de ma vieille peau d'enfance froissée,
je suis prêt.
Qu’ai-je fait de toi, mon cri ?
T’ai-je tordu, emprisonné dans le silence ?
As-tu défendu ?
T’es-tu défendu ?
As-tu servi la vérité ?
La peur t’a-t-elle fermé ?
As-tu hésité jusqu’à en perdre ta route ?
Eh, mon cri !
As-tu servi la paix, la justice,
As-tu parlé humblement,
As-tu défendu le rire et la vie ?
De quoi avais-tu si peur
Pour bâillonner l’indignation
Et même l’aveu d’aimer ?
En mesurais-tu les conséquences ?
Mesurais-tu tes engagements ?
N’étais-tu qu’une pudeur
Pour ceux que tu aimais ?
Eh, mon cri !
Mon cri de silence coupable,
Mon cri-supplique perdu
Dans l’immensité des désarrois,
Qui es-tu, mon cri ?
Où vas-tu ?
Toi qui sais qu’à trop parler
Parfois le vent t’évente
Sans jamais empêcher l’histoire
De faire son chemin.
Eh, mon cri !
As-tu repris le chant de l’oiseau ?
As-tu repris la voix de l’enfant blessé ?
As-tu parlé au nom de ces noces de sang
Qui hurlent dans mes mémoires cosmiques ?
As-tu parlé du vent sur le champ de blé,
De l’oiseau posé sur le chemin
Devant la moissonneuse-batteuse ?
Qu’as-tu fait, mon cri ?
As-tu porté la voix des sages ?
N'as-tu jamais oublié
Le rire des enfants ?
Mon cri,
te souviens-tu
De cette cuisine,
Et du soleil du matin
Quand maman préparait le repas ?
Que fais-tu, mon cri,
Quand ma mémoire s’endort
Et que je crois n’avoir rien à dire ?
Eh, mon cri,
Te souviendras-tu encore de nous,
Des aurores de la sidération,
Du chant de l’espoir ?
Eh, mon cri,
Ne laisse jamais
Le silence nous enterrer,
Sois vrai,
Hurle, chante et vibre,
Car nous portons le monde.
Que reste-t-il de l’insolence des vérités,
de la droiture nue,
du regard franc dans le miroir
quand l’heure te demande ce qu’il reste de toi ?
Que reste-t-il de la subtilité quand meurt le dictionnaire ?
Que reste-t-il de la tendresse, du verbe aimer,
quand un smiley suffit à les dire ?
La vie sautille de non-sens en excès,
on a tué l’arc-en-ciel,
ne restent que le noir et le blanc.
Une langue iconique se substitue
aux déclinaisons du verbe,
La simplification appauvrit la réflexion,
L’esprit dort d’un sommeil toxique.
Qui réveillera la Question ?
Le chant d’une grenouille,
la musique d’une cigale,
la lumière d’une luciole,
sont plus utiles
à l’immensité de la vie
que l’œuvre charognarde
de ceux qui s’enrichissent
en dévastant les forêts,
en triant les espèces,
en s'agitant
au rythme cynique du cours de la bourse.
Quand l’herbe pleure sous le pas d’un homme,
c’est un peu de moi que l’on écrase,
et c’est la vie entière que l’on assassine.
Chaque graine
qu’on supprime
est une parcelle d’infini qu’on efface,
un rêve qu’on piétine,
un regard vers les étoiles qu’on oblitère.
Tout a une âme,
l'esquisse de cette pensée qui se fera poème,
les odeurs, les mots, les chansons, la couleur des rires,
les pierres, le chemin, l'instant, le visible, l'invisible,
le vivant et le passé en sont imprégnés.
Les âmes sentent
le printemps et ses espérances, la vie,
la colère, le désespoir, l'envie, la mort,
elles sont en cet enfant qui pleure et me froisse le cœur,
en l'image de l'odieux posée sur un écran TV,
en l'image-soleil d'une fleur qui réveille la saison.
Il me suffit de lire Prévert pour y trouver mon âme d'enfant,
Ferré pour y entendre vibrer le cri des misères,
La Frenière pour sentir le frisson de l'herbe,
Ile Eniger pour percevoir l'exactitude du cri
Tristan Cabral pour l'exigence d'espoir
Mireille Barbieri pour respirer le souffle de la Provence,
entrer dans un tableau de Slobodan pour aller plus haut que le rêve.
Tout a une âme,
L'arbre qui gémit au coup de la hache,
la fleur qui saigne sous le pas.
Elle est dans regard de qui côtoie la conscience.
Laissez-moi fuir les belles phrases,
me tenir loin de l'envie qui se fait convoitise,
loin de ceux qui font chanter la haine et la guerre.
Toutes les âmes n'ont pas la même taille,
je sais l'immensité de celle du moineau,
de celle effrayée de l'animal aux portes de l'abattoir,
et la monstrueuse, qui oriente le couteau et le fusil.
Perdu dans l'infini,
je suis parcelle de l'âme originelle
celle de terre et d'eau
venue d'un temps géologique
où la poussière flirtait avec la vie.
Je suis celui qui écoute et creuse encore l'espoir
dans les parfums d'un printemps qui vient,
celui qui pleure au jardin des âmes
quand, là-bas, le canon résonne.
Je suis celui qui, dans la transcendance du jour,
cherche l'âme du verbe Aimer.
Tout a une âme,
l'esquisse de cette pensée qui se fera poème,
les odeurs, les mots, les chansons, la couleur des rires,
les pierres, le chemin, l'instant, le visible, l'invisible,
le vivant et le passé en sont imprégnés.
Les âmes sentent
le printemps et ses espérances, la vie,
la colère, le désespoir, l'envie, la mort,
elles sont en cet enfant qui pleure et me froisse le cœur,
en l'image de l'odieux posée sur un écran TV,
en l'image-soleil d'une fleur qui réveille la saison.
Il me suffit de lire Prévert pour y trouver mon âme d'enfant,
Ferré pour y entendre vibrer le cri des misères,
La Frenière pour sentir le frisson de l'herbe,
Ile Eniger pour percevoir l'exactitude du cri
Tristan Cabral pour l'exigence d'espoir
Mireille Barbieri pour respirer le souffle de la Provence,
entrer dans un tableau de Slobodan pour aller plus haut que le rêve.
Tout a une âme,
L'arbre qui gémit au coup de la hache,
la fleur qui saigne sous le pas.
Elle est dans regard de qui côtoie la conscience.
Laissez-moi fuir les belles phrases,
me tenir loin de l'envie qui se fait convoitise,
loin de ceux qui font chanter la haine et la guerre.
Toutes les âmes n'ont pas la même taille,
je sais l'immensité de celle du moineau,
de celle effrayée de l'animal aux portes de l'abattoir,
et la monstrueuse, qui oriente le couteau et le fusil.
Perdu dans l'infini,
je suis parcelle de l'âme originelle
celle de terre et d'eau
venue d'un temps géologique
où la poussière flirtait avec la vie.
Je suis celui qui écoute et creuse encore l'espoir
dans les parfums d'un printemps qui vient,
celui qui pleure au jardin des âmes
quand, là-bas, le canon résonne.
Je suis celui qui, dans la transcendance du jour,
cherche l'âme du verbe Aimer.
Mon chat ne paresse pas dans l’ombre de l’été, il l’habite, il en parle.
Dans l’ombre dont il parle, il y a des valises de clinquant, des rivières de paillettes, il y a des taureaux tête baissée et du rouge dans l’arène, il y a des désirs carnassiers, des bravos, des t’es beau, des m’as-tu vu, des pendules qui courent, des ambitions et des coups de cœur qui jouent et toute la clique des agitations inutiles…
Dans l’ombre dont il parle, il y a le clique et la claque des flonflons du bal et toujours quelqu’un qu’on oublie, un rêve en jachère et une lumière qui se perd, celle qui brille si haut que l’on ne peut la voir que les yeux fermés, il y a le scintillement d’un rubis que les paillettes éclipsent, le frisson d’un ange qui meurt dans une odeur de frites, il y a la lumière du sens, il y a celui qui la cherche et se perd à l’appel des sunlights.
Dans l’ombre dont il parle,il y a la boussole du jour que l’on perd à trop courir.
Mon chat sait qu’il faut creuser l’ombre, jeter les faux-semblants et les jeux de miroir pour trouver la lumière du vrai, s’appeler par son prénom, devenir soi-même et habiter ses rêves.
Mon chat sait la mort de l’étoile et l’ombre du soleil cannibale.