Êtes-vous poètes, vous qui savez si bien flatter l'émotion
quand vous jouez du mensonge et de la surenchère
pour caresser vos haines ?
Laissez-moi pleurer, avec Mahmoud Abbas,
sur ces enfants palestiniens et ces femmes
que certains transforment en boucliers humains.
Laissez-moi maudire ceux qui, de quelque bord qu'ils soient,
ne font pas un pas vers la paix,
ceux qui, de la peur de l'autre, forgent leur impérialisme,
ceux qui, de demi-vérités, font des mensonges entiers.
Je sais l'internationale des peurs et ses intégrismes,
je sais Juifs et Palestiniens
aux jeux des apparences et grands mensonges,
je sais ceux qui jouent de la larme et du verbe pour préparer le sang,
ceux qui usent de la traîtrise des mots
pour appeler le crime, la vengeance et la mort,
je sais cette doctrine qui refuse le droit de vie à l'infidèle,
je sais aussi qu'aucune paix, aucun amour n'est possible
tant qu'une idéologie programme un holocauste.
Poètes, qui chantez si bien
la misère et la haine,
demandez-leur de ranger les drapeaux, Dieu et l'épée,
demandez-leur d'épargner leurs enfants,
d'épargner tous les enfants.
Laissez-moi vous parler des femmes de paix et des familles
qui traversent les frontières pour partager leurs larmes.
poètes, nous avons mieux à faire que de chanter la haine,
que de faire rimer des suffisances idéologiques
qui se nourrissent de martyrs
dont le prix du sang se négocie en revenus.
Je sais ceux des deux camps pour qui la vie
n'a d'autre prix que celui de leur ambition.
Il est si facile de jouer de la larme et du chagrin
pour tisser la haine.
Si facile de chanter avec ceux qui réclament des trêves
pour ne jamais parler de paix.
Si facile d'oublier l'exécution
de ceux qui ont tendu la main à leur ennemi.
Si facile de psalmodier avec ceux qui professent la mort
du Juif, du Chrétien, de l'Athée, du Zoroastrien.
Si facile de se pavaner en jeux d'écriture
plutôt que de parler de réconciliation et de partage
alors qu'il conviendrait de s'insurger
contre cette charte qui, de Gaza à Damas,
réclame le meurtre des dissemblables.
Poètes qui parfois si bien dégainez la rime,
sachez que si Mein Kampf avait été écrit en vers
il ne serait pas moins Mein Kampf
et qu'un crime aussi bien rimé soit-il
n'en est pas moins un crime.
Poètes, cessez de jouer
du passionnel contre l'évidence du devoir de fraternité.
Poètes perdus dans ce nouveau pétainisme
où, de tous bords venus, chacun, de son mieux,
fomente sa croisade contre la laïcité,
la République, et le même droit pour tous,
arrêtez les internationales des lâchetés
et ces silences grandioses
quand meurent assassinés les Ouigours
les Kurdes, les Yazidis et les Chrétiens d'Orient.
Je sais où est mon désespoir
quand un dictateur vaut mieux
qu'une république qui cautionne le crime religieux.
je sais le choix entre le pire et l'inacceptable,
je ne me veux ni de l'un ni de l'autre.
Sur le chemin, loin des sponsors de haine,
laissez-moi chanter la justice,
car je sais où habite ma douleur.
Mon seul intégrisme est l'amour de l'Humain,
mon unique devoir est de lutter pour la Paix.
Laissez-moi, avec des mots sans rancœur,
aimer l'humain et ses utopies.
Poètes, levez-vous avec moi
contre tous les bonimenteurs nationalistes.
Nous ne sommes pas là pour guerroyer, chanter le crime
et devenir promoteurs de haine,
nous sommes là pour l'humain,
pour défendre les visages multiples de la vérité,
pour chercher des chemins où tous
connaîtront le droit de vivre, de respirer et d'espérer.
Et même armé de l'évidence du droit
n'oublions pas que l'homme, face à nous,
est un humain à qui tendre la main.
jms