Tardive et amicale réponse à André Chenet que je remercie vivement pour ses mots et l'intelligence de l'article où il parle de mon texte "Je suis la frontière".
"Mourir pour des idées "? dis-tu. Oui, mourir sourire aux lèvres, une fleur ou une révolution dans la tête comme le fit Fortino Samano, j'aurais pu. Oui, j'y ai pensé par désespoir ou par colère, enfin disons dans la colère du désespoir. Depuis, si les passagers de la misère m'ont appris que toute révolte est légitime, les révolutions m'ont aussi appris que les révolutionnaires deviennent trop souvent pires que ceux qu'ils exècrent. Le vieux cheval que je suis, sait maintenant que la vengeance et la réciprocité haineuse nous rendent semblables à nos ennemis.
Aujourd'hui, si mon corps n'ignore pas mon âge, je n'en ai pas moins décidé de révoquer l'idée qu'il y a un temps pour la résignation et qu'il est de bon ton de croire que la sagesse seule est une posture acceptable. Contre toute idée reçue, il nous faut apprendre à exister jusqu'à la mort. Il nous faut vivre et nous battre pour des idées, cela m'est suffisant. Je crois que le mot vaut tous les fusils du monde. Mais soyons réalistes, cette attitude vaut seulement si la censure ne l'assassine pas et si, au travers de nos approches identitaires, nous-mêmes, par la lecture que l'on en fait, ne truquons pas l'information. C'est là le thème de mon prochain essai qui s'appellera "Nouveaux paramètres de la Conscience" (si j'arrive à l'achever !).
Dire l'amour ne suffit pas, il n'y a pas les autres et nous, il n'y a que des échos de nous-mêmes qui, comme nous, souffrent et aiment, même si, comme nous, ils peuvent être pervertis par ces identités cultuelles et culturelles qu'inconsciemment la plupart d'entre nous porte comme un drapeau et dont il est si difficile de se défaire. Voir en l'autre, l'Arabe, le Juif, le Rom, le Coco, ouvre l'irrationalité du regard, le préjugé subjectif subliminal. Apprendre à s'extraire de la catégorisation devrait être le programme premier de toute culture non pervertie par cette autosatisfaction qui fabrique des clowns, maîtres ou esclaves. La condition première du véritable regard sur l'autre, réside en la construction d'un altruisme nouveau qui ne soit pas seulement nourri de pitié, de compassion ou de jugement. Je n'ai pas de haine pour ceux qui ont massacré, torturé, tué les peuples et les nations du monde, mais je condamne ceux qui pour conforter leur hégémonie, leur ont enseigné la haine de l'autre et qui encore aujourd'hui s'acharnent ; les suprémacismes n'ont pas disparu ! Restons vigilants, réalistes et prudents.
Moi, le vieux cheval, je sais que je n'aurai pas assez d'une vie pour dire que l'autre, s'il n'est pas mon identique, n'en est pas moins mon frère, et que tous nos regards doivent réapprendre la tendresse dont se nourrit l'amour. André, comme tu le dis, nous devons sauver ce Titanic sur lequel nous sommes tous embarqués.
JMS
André Chenet publié dans la Voix des Autres le 13/01/2023
Un poème d'une importance capitale de Jean-Michel Sananès! A travers le poète passent toutes les frontières, immatérielles, qui nous empêchent de sortir de nous-mêmes, qui nous divisent, et parfois même nous brisent. Toute guerre n'est que le tampon officiel de la dictature impitoyable des forts contre les faibles désarmés, spoliés des lois naturelles et du bien commun... La justice se prostitue en procès innocentant, ou presque, les criminels à grande échelle internationale. “Le cri est noir” quand toute la mise en scène des pouvoirs absolus ne permet plus de respirer au grand vent du large, éradique jusqu'au droit imprescriptible de rêver. Les macchabées prospèrent, banques et industries d'armement, gouvernements vendus, actionnaires assassins protégés par la police des mœurs financières dévoyée depuis si longtemps. Mourir pour des idées ?
Il n'y a plus que des idéologies bâtardes se faisant passer pour du savoir-faire pragmatique, des certitudes certifiées par des médias croupions au casino de la vie détroussée. J'ai connu Jean-Michel bien avant qu'il publie un de mes livres. Nous n'étions pas d'accord sur certains sujets délicats mais au moins, il ne trichait pas et il nous a toujours été possible de nous “ENTENDRE” au-delà de nos divergences superflues. J'aime cet homme et ce poète acharné à lever les tabous qui interdisent les passages évidents d'une vérité à une autre. En tant que “petit éditeur” (Chemin de Plumes), il est de ceux que les croyances stupides ne font pas reculer et à un âge respectable, il nous convie au combat suprême pour que la “douceur de l'amour” triomphe au-delà de toute espérance. A mon avis, la vie n'est pas un programme car nous savons tous les échéances grotesques de ces projections politiques (sociaux-économiques) qui ne devraient être que des outils de mécanicien (ou ingénieurs) permettant de corriger nos défaillances intellectuelles d'êtres humains embarqués à titre de servants (rameurs) ou chefs de navigation dans ce Titanic qu'est devenu la civilisation occidentale entrée ces dernières décennies en phase de décomposition … “Aller plus loin, aller plus loin, aller plus loin,/ écrire, écrire, écrire,/ et dire l'amour, la joie, l'espérance./ La musique dépassera l'hiver” conclut le poète qui revient du futur.
André Chenet