Je te regarde mon âme (2024)
Pleut-il quand la frayeur livre combat ?
Ai-je peur pour toi mon âme perdue dans le regard des autres, dans la fluctuation des haines millénaires, toi qui m'infliges le devoir de pardonner, toi qui me dictes des poèmes que si peu d'humains lisent vraiment, qu'ils notent d'un émoticone en forme de cœur, ou d'un silence où tant d'oiseaux se perdent.
As-tu peur mon âme de ceux qui hurlent avec les chiens quand on se demande si le loup n'a pas les dents moins longues ?
Je te regarde mon âme, et je te voudrais belle, toi qui n'es qu'une âme de traverse-vie, une âme empruntée à l'Immense. Je te regarde, toi qui cherches à te trouver une place à la taille de tes rêves.
Toi qui, comme cela arrive parfois, es trop grande, trop libre, pour vivre emprisonnée dans un esprit d’homme.
Je te regarde, ma vieille âme qui a traversé les Temps, tout connu du cœur des arbres, du rire des oiseaux chanteurs, de la joie de l'épi de blé, du vent capricieux, et des enfances blessées.
Je te regarde à creuse-silences, toi qui as vu des millénaires d'âmes défenestrées de corps fatigués par l'usure. Toi qui fus la compagne de mille fusillés désâmés, toi qui as connu les chiens et le loup, toi mon âme ébréchée par la grisaille des souvenirs, toi mon amputée des mille utopies, ma cabossée, ma mutilée, toi ma vieille compagne d'ossuaires désertés, ma roturière sans papiers, perdue sur tant de chemins d'ennui, ma squatteuse de vie.
Moi, l'égaré des décennies, en ces temps précaires où les dieux se perdent, même si tu es une âme sans foi ni loi au seul crime d'avoir aimé, je t'adopte ma petite âme d'occasion, sans garantie de bonheur, sans même un état d’âme. Je t'adopte, avec cette conscience si lourde à traîner. Je t'adopte et te porte en moi comme une boussole précieuse sur mes chemins d'exil et d'enfance perdue.
Je te regarde et te parle, mon âme, toi qui portes l'inlassable Question. Pourquoi l'agneau, pourquoi le loup, pourquoi la haine ? Je te regarde, toi l'habitante de ma tête nue, sans mensonge, sans fard face à mes vagues à l'âme et à mes doutes traqueurs d'innocence.
Parmi les naufragés d'un temps jonché de destins perdus, moi qui cherche le chemin des mémoires englouties, je te cherche mon âme, dans l'encyclopédie de l’impossible, à frontière de raison. Je te cherche et te dessine, te devine légère, hexagonale comme l’infortune, lourde comme le devoir.
Toi, mon âme à peau d'enfance douce comme l'espérance, et sage comme la raison, je te cherche et peu m'importe tes autres passés, tes errances, tes vagabondages millénaires. Je te chercherais même si tu t'étais vendue au diable et que mille nuées de quidams t’aient con-damnée.
Moi, qui viens du cri et des larmes, je te porte au centre de tout ce qui m'est précieux. Tu es mon chemin, mon âme sœur qui sait le poids des âmes en peine.
Toi qui un jour me quitteras, ne m'oublie pas.