Jean-Marc La Frenière
"Je cherche le passage entre les causes perdues et la beauté des choses."
JMS
Aucune nuit n'est plus large que le rêve
Printemps des Poètes Berlin
Anick Roschi (Allemagne)
La mer étamée, comme un océan de quiétude et de candeur avant la tempête, après la furie des éléments. La mer apaisante, amène, qui reflète enfin les ciels que l'on peut toucher et caresser à satiété, tous les deux...
La mer immobile, où le couchant invite l'Orient et promet la réconciliation des jours grimés, salis, meurtris.
Une mer d'huile, oublieuse, pour invoquer les semailles d'une rencontre et la récolte des songes !
Et puis il y a la mer secrète, qui s'enroule autour d'un rêve bleu et meurt solitaire, cachée...elle égrène la noce des gouttes d'eau, l'harmonie des flots voyageurs, au fil de l'écume féconde et lascive des vagues .
Mais dites-moi, quel est le souffleur de verre, qui est le magicien qui enivre et délie ces volutes de cristal sous un
dais d'azur ou de velours , qui joue avec la beauté et les pensées de ses yeux émeraudes, qui rêve à ciel ouvert l'existence, l'extase palpable de l'instant ?
Une vague s'est élevée, une lame s'est ourlée puis dissoute comme une vague illusion, un vague à l'âme.
A chaque fois, je devine en elle le regard mystérieux et doux de la prairie ondoyée qui me convie et me reçoit, je sens peser alentour la vérité intangible de l'orbe fœtale, de l'ellipse, et dans le cercle fluide et ovale, au terme abscons du voyage de l'eau, je loue la renaissance immuable de toute chose !
Au milieu des perles d'eau précieuses, des larmes de la terre, du sanglot et de la joie silencieuse que la mer toute entière
dissimule et blottit en son sein natal, je contemple le miracle de la création, je redoute aussi le silence et la puissance aveugle des abysses consternées d'histoires.
Mais je vois surtout l'humanité s'abîmer lentement, qui s'éloigne irrémédiablement de notre Mère originelle...
Je suis la vague qui ploie, lourde et lasse, comme parvenue au soir de la vie, à naître encore et toujours, qui danse éperdument la lyre sacrée de la mer, pour que coule en moi, inextinguibles, le verbe et l'esprit de l'eau ...
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CRISTIAN-GEORGES CAMPAGNAC
sur http://emmila.canalblog.com
Quand la nuit s’entrouvrit, des corps de rêves déchirés comme les bulles d’un vieux bonheur s’échappèrent du champagne pour aller si haut dans les jardins où l’on rit à chaudes larmes que seul resta le cauchemar.
Je ne mange plus de chocolat, je ne regarde plus le lilas, j’ai fermé mes cahiers de rire, mes cahiers d’écrire, mes cahiers d’espoir. J’écoute à Radio la Vie, une comptine pleine d’entrain : "Marche avec le mangeur d'âme, marche avec le banquier, marche avec l’entrepreneur, écoute le président…". Il est tard pour rêver et la nuit s’entrouvre. Il est tard dans le monde, l’avidité a fait ses lois et la nuit monte. J’entends s’évaporer le corps des rêves. À mes pieds, seul reste le cauchemar posé sur la plainte aiguë du jour. Des cris d’enfants interrogent l’avenir. La terre gémit d’un curieux bonheur, c’est un bonheur de porte qui grince, un bonheur carnassier, puissant, souriant et repu. Plus rien ne va et cela comble la horde des banquiers, la horde des multinationales, la horde des présidents...
L’opulence du plaisir, l’opulence de la richesse, ricochent sur la patinoire des luxures. La pute et l’or se côtoient et l’une et l’autre en demandent plus encore. Une clique cannibale, affamée de terre, de béton, de devises, d’ivresses et de pouvoir, proclame que c’est l’heure du carnage. Les mangeurs d’âme passent à table. L’auberge s’appelle "La demeure du chaos", on y enterre des amours apocryphes et un ange au sang de grenade ; on y oublie un vent aux odeurs de jasmin.
Face aux mangeurs d'âmes, rien, sinon un ange hypothétique et de pauvres bougres qui vendent leur âme et gémissent leurs pathétiques jérémiades pour du travail, pour le pain et pour le droit d’aller à demain. Au menu, on brade des âmes de travailleurs, de fonctionnaires, de chômeurs, de petits commerçants, de bergers. On damne, on condamne dames et enfants. Âme après âme, sans ramdam, on mange des âmes noires, des âmes blanches : dix fois dix âmes pour le banquier, dix fois cent âmes pour l’entrepreneur, dix fois mille âmes pour une multinationale, des millions d’âmes pour la bourse. Il faut asservir, manger goulu, tuer des âmes et ne pas laisser traîner de corps et de paroles libres sur la voie publique. Mille malheureux pour un qui damne. Le salarié sauce "subprime" ou la salade crédit à risques, vous connaissez ? Monsieur le président nous fera bien une guerre ?
Face à eux l’ange hypothétique n’a pas d’armes, il distille la raison, boit d’étranges liqueurs et rit sous son blanc manteau, rit de toutes ses larmes et d’une mémoire de plomb et d’épines.
C’est une heure d’horloge éventrée, il est cinq heures. C’est un temps à pleurer. Sur le fil du rasoir, je me souviens de mon ultime visite au rêve, un vendredi où les danseuses de l’impossible jonglant avec le bonheur, avaient brisé les diagonales de ciel. Une pluie de musiques jamais cartographiées avaient alors froissé d’infernales images et des rires d’enfants soldats.
Ce jour-là à 5 heures au Grand Théâtre, devant une chorégraphie d’hommes écartelés, les mangeurs d'âmes ont bousculé les tabous, expurgé les dictionnaires, banni les mots de l’amour, les mots de la fraternité, les mots du droit au travail, les mots simples, les mots vrais du partage et ceux de l’égalité. Ce jour-là à cinq heures, ils ont chanté l’impératif et les mots du pouvoir, érigeant un ordre soumis à la force et à l’ambition. Ce jour-là à cinq heures, ils ont créé un monde où les âmes n’auraient plus leur place et les ont remplacées par des monuments qu'ils ont appelés Wall Street, Cac 40, Nasdaq, Dow Jones -NYSE, Euronext…
Depuis, l’ange hypothétique est vaincu. La horde des mangeurs d'âmes festoie.
Je reste nu dans les déserts du rire, il est tout juste 5 heures. Je ne mange plus de chocolat.
JMS
*****
(Réponse à commentaire sur "Rouges compagnons")
Rien de bon ne se construira tant que l’humanisme restera une utopie.
Tant que les dogmes de l’intolérance, de l’éradication physique et mentale de l’autre, que ce soit par la djihad ou toutes autres inquisitions radicales ; tant que toutes les philosophies nazillardes ne seront pas dénoncées, condamnées, combattues ; tant que l’impérialisme économique organisera la captation des richesses au profit de quelques-uns ; tant que l’avidité de certains organisera la précarité et la misère du reste de l’humanité,
nous ne serons pas une civilisation.
Nous serons un agglomérat de cultures hétérogènes et antagonistes ouvertes aux délires religieux les plus fous et aux paranoïas souvent justifiées mais extrêmement périlleuses pour l’humanité.
Le 3ème millénaire est condamné à un humanisme actif et intégral, je veux dire un humanisme qui aura des moyens d’action réels pour protéger les peuples et les citoyens du monde là où ils se trouvent, de même que dans chaque nation, quelle que soit sa culture, il aura pour devoir premier d’éduquer à la fraternité, à la laïcité (*) et au partage.
(*)Fraternité et laïcité sont un pléonasme que je me dois de faire, tant pour certains, le machisme et la suprématie religieuse ou ethnique semblent un droit qui s’opposent aux Droits de l’Homme.
JMS
Si l'air venait à manquer, je gonflerais ma cage
j'aspirerais le ciel, même avec une paille
quand bien-même, il manquerait
je ne fuirais pas, je ne fuirais rien, je ne fuirais plus
en poussant la pierre de mon mythe de Sisyphe
en haut de la montagne
ne remplirais plus ma valise à fantasmes
braderais
la pierre au marchand
offrirais
la valise au mendiant
la souffrance...mais c'est quoi la souffrance
un trou noir qui avale les étoiles, mes étoiles. La lumière, ma lumière
un corps sans la chaleur des mots, un peu de peau froide presque glacée
je donnerai mes souffles, coulerai mes larmes
je dirai mes mots, livrerai mon âme
quand l'air n'y sera plus
je ne fuirai pas, je ne fuirai rien, je ne fuirai plus
j'ouvrirai la terre sans m'y enterrer
pour prendre toute la lumière
http:// les-chemins-de-poussiere.over-blog.com/article-11306039-6.html#anchor
publié avec l'autorisation de l'auteur
Hier un reportage m´a scandalisé. Au Pakistan, un barbu battait longuement une jeune fille avec un énorme nerf de
boeuf. Deux de ses collègues la maintenaient au sol, la tenant l´un par les pieds et l´autre plaquant son visage par terre.
Heureusement un dignitaire religieux s´est indigné : ces punitions corporelles ne doivent pas avoir lieu en public, mais uniquement en intérieur.
Nous voilà rassurés, le Moyen Âge ne doit pas sortir dans la rue !!!
Aux Républicains Espagnols
Rouges compagnons
Nos larmes claquaient
dans un ciel en furie
Nous n’étions pas en Normandie
Elle dégaina
mille silences de plomb
sur les miradors du crime
A larmes de fiel
sirupeuses
Sainte Mère l’Eglise
fusillait
de Madrid à Treblinka
Toute l’armada était là
Quand le vert de gris et la soutane
orchestrent la mort,
le noir est ma douleur
le rouge est ma couleur
Vous alliez
pas cadencé,
idées cadenassées
chantant avec entrain
Tueurs,
vous étiez criminels sur ordre
A pas de loi,
vous refaisiez l’Histoire
Anges zélés,
vous étiez la mort
Le rouge est ma couleur
Quand le noir porte mes deuils
Même trahi,
le rouge est ma couleur
Nous n’étions pas en Normandie
et
Grand-mère pleurait
Jean-Michel Sananes - In "Accident de conscience" - Editions Chemins de Plume
Ne suis-je venu
que pour broder
la tendresse d'infinis regrets ?
Ne suis-je venu
que pour découper
le vent en maigres nuages
qui, en de vagues vagues à larmes,
vont mourir aux creux de tes yeux ?
Devrai-je jusqu'à la fin
réajuster toutes mes idées
en petits cubes méthodiquement rangés ?
Devrai-je apprendre un jour
que Pierrot a déserté l'astre doré ?
Devrai-je apprendre un jour
que la nuit n'est que la tombe des étoiles ?
Devrai-je apprendre un jour
que leur cœur d'aube pâle
ne rayonne plus que d'illusions ?
Jean-Michel Sananès - "Cheval fou" - Éditions Chemins de Plume