Jean-Marc La Frenière
Sur le papier glacé (extrait)
Je retourne dans les bois, creusés d’âge et de mousse. Je préfère être pauvre à mon compte que riche aux dépens des autres, ceux qui se graissent la patte et se remplissent la panse en détruisant la vie. J’ai tout appris par la force des choses. J’ai tout appris du feu, du verger, du lichen. Selon le cours du papier, même les bûcherons finissent par mourir de froid. Par le cantouque et la chouenne, des racines à la cime, je remonte la sève jusqu’à la tête des eaux. Que pourraient le bouleau sans le cèdre, l’érable sans le pin, le rhume des oiseaux sans la gomme d’épinette ? Je dirai donc la sève, l’humus et la colère des forêts, les cétacés enfouis sous la mémoire des glaces, le pollen courbé sur l’épaule du vent. Je lirai dans l’écorce ce que l’encre a tué.
Jean-Marc La Frenière, Prose