La dérive des bonheurs
Tu as laissé
ton nounours
ta peau de bébé
ton avion
et ton cœur d’enfant
pour de l’encre bleue
et une plume
à fixer le savoir
Tu as troqué
ton impatience
ta mémoire crédule
tes sourires lisses
et tous tes rêves à forger
pour un banc d’école
Là, tu as demandé
l’espérance et des certitudes
Tu as demandé
la beauté
le chemin droit des vérités
et tu n’as rien appris des choses de la vie
Tu as jeté
l’encrier
l’encre bleue
le papier
les rêves à forger
ton cœur d’écolier
Tu as pris ta besace
ton grand cœur de vingt ans
ton âme de musicien
tes rêves de justice
Tu es allé chez les marchands de rêves
là, tu as demandé :
Le Bonheur
le petit homme a rigolé
et le gros aussi :
pourquoi pas du bonheur et du pain
des amours et du rêve ?
Enfant déraisonnable
pourquoi ne pas demander la lune
les étoiles ou le ciel ?
Tu as repris ta besace
ton grand cœur de vingt ans
ton âme de musicien
tes rêves de justice
il n’y a rien dans ta besace
rien pour ton cœur grand ouvert
rien pour tes chants d’amour
rien pour tes rêves d’égalité
Te voilà seul et bredouille
Nul
n’engrange plus de rêves d’absolu
Maintenant tu sais
tu sais la vérité :
le bonheur
le pain
le rêve et les amours
ne sont pas à portée de tous
Qui voudrait embrasser le monde
serrer dans des bras fraternels
les enfants de Bangkok, de Nairobi
ou d’ailleurs ?
Qui voudrait serrer dans ses bras
les ouvriers de Lahore, du Bangladesh
ou d’ailleurs ?
Qui voudrait embrasser les déshérités
de Paris, d’ici
ou d’ailleurs ?
Qui, sans laisser sa conscience
pourrait sans pleurer ou hurler
croire que le Bonheur est d’ici !
Il n’est ici-bas
que des bonheurs partiels
toute révolte rentrée est trahison
de par le monde
les hommes vivent et ne sont pas heureux
Seuls certains plaisirs se croient bonheur
la vérité a vocation anarchiste
La vérité est rêve de mutants.