Je te regarde mon âme

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Je te regarde mon âme, et je te voudrais belle, toi qui n'es qu'une âme de traverse-vie, une âme empruntée à l'Immense, toi qui cherches à te trouver une place à la taille de tes rêves.
Toi qui, comme cela arrive parfois, es trop grande, trop libre, pour vivre emprisonnée dans un esprit d’homme.
Je te regarde, ma vieille âme qui as traversé les Temps, tout connu du cœur des arbres, du rire des oiseaux chanteurs, de la joie de l'épi de blé, du vent capricieux, et des enfances blessées.
Je te regarde du fond de mes silences, toi qui as vu des millénaires d'âmes défenestrées de corps fatigués par l'usure. Toi qui fus la compagne de mille fusillés désâmés, toi mon âme ébréchée par la grisaille des souvenirs, toi, mon amputée des mille utopies, mon égarée, ma cabossée, ma mutilée, toi, ma vieille compagne d'ossuaires désertés, ma roturière sans papiers, perdue sur tant de chemins d'ennui, ma squatteuse de vie.
Moi, l'égaré des décennies, en ces temps précaires où les dieux se perdent, même si tu es une âme sans foi ni loi, au seul crime d'avoir aimé, je t'adopte, ma petite âme d'occasion, sans garantie de bonheur, sans même un état d’âme. Je t'adopte, avec cette conscience si lourde à traîner. Je t'adopte, et te porte en moi comme une boussole précieuse sur  mes chemins d'exil et d'enfance perdue.
Je te regarde et te parle, mon âme, toi qui portes l'inlassable Question. Toi, l'habitante de ma tête, nue, sans mensonge, sans fard face à mes vagues à l'âme et à mes doutes traqueurs d'innocence.
Parmi les naufragés d'un Temps jonché de destins perdus, moi qui cherche le chemin des mémoires englouties, je te cherche mon âme, dans l'encyclopédie de l’impossible, à frontière de raison. Je te cherche et te dessine, te devine légère ou hexagonale comme l’infortune, lourde comme le devoir.
Toi, mon âme à peau d'enfance douce comme l'espérance et sage comme la raison, je te cherche et peu m'importe tes autres passés, tes errances, tes vagabondages millénaires.
Je te chercherais même si tu t'étais vendue au diable et que mille nuées de quidams t’aient con-damnée.
Moi, qui viens du cri et des larmes, je te porte au centre de tout ce qui m'est précieux. Tu es mon chemin, mon âme sœur qui sait le poids des âmes en peine.  
Toi qui un jour me quitteras, ne m'oublie pas.

 

 

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