Ou étiez-vous ?
Lettre aux naufrageurs
de droite, de gauche, et aux extrêmes
Où étiez-vous vous qui n’avez rien vu venir ?
Où étiez-vous quand les banlieues ont brûlé ?
Où étiez-vous quand des militaires et des enfants juifs se sont fait assassiner ?
Charlie vous a-t-il réveillés ?
Étaient-ils plus français ou plus républicains que d’autres ?
Où étiez-vous dans ce silence où certains, à l’extrême gauche, ne voyaient dans ces premiers meurtres que l'expression de représailles en solidarité avec les événements de Gaza et de l'intervention française en Afrique ?
Où étiez-vous dans cette indifférence où les mêmes étaient tout juste agacés par le massacre des Coptes et des Chrétiens d’Orient ?
Ou étiez-vous quand, dans une même mouvance, certains affirmaient que les Coptes et les Chrétiens d’Orient payaient les effets de la présence occidentale en Orient ?
Où étiez-vous quand le besoin de justifier l’impensable frisait l’indécence et voulait nous faire oublier que les Coptes et les Chrétiens d’Orient et même les Juifs sont les antiques habitants de l’Orient ?
Où étiez-vous quand une conscience à géométrie variable enfermait la justice et la morale dans le carcan d’idéologies asservies ?
Ne fallait-il pas alors rappeler qu’ici, en République, chaque français a des droits et des devoirs ? Qu’en France, pour quelque raison que ce soit, brûler une voiture, mettre à sac un quartier, que l’on soit Israélite, Musulman, Chrétien ou Athée, de même qu'appeler au meurtre, est un délit ? Ne pas l'affirmer, n'est-ce pas une incitation à des surenchères de violence ?
Votre silence, Messieurs les politiciens, a cautionné toutes les dérives et toutes les fractures que nous subissons.
En République, le droit ne peut exister si on le sectionne en quartiers, en ethnies, ou si l’on épargne les "élites" politiques. Les mêmes sanctions doivent s’appliquer à tous. Messieurs les politiciens, le pacte républicain, ce n’est rien d'autre que cela.
Parce que vous l’avez oublié, vous êtes devenus les naufrageurs et les propagateurs d’une contamination qui frappe les banlieues que vous avez abandonnées.
Le mal, Messieurs les politiciens, réside dans l’incohérence de votre idéologie sociale qui nie l’existence même des problèmes au nom de la non stigmatisation et du laisser-faire, et aussi et surtout, de votre idéologie économique qui refuse de financer de vrais plans de relance dans les quartiers sensibles.
Une société qui minimise le racisme, la délinquance et ses causes, est inapte à traiter les dysfonctionnements. Le mal est pernicieux, il va du petit racisme ordinaire où un étudiant portant un nom à consonance étrangère ne trouve ni stage pour valider une année d’études ni travail à hauteur de ses qualifications. Alors même que nous devrions honorer les étudiants épousant notre culture, ces freins à l’égalité les empêchent de devenir les phares et les moteurs d’une intégration réussie. Ce système nuisible au vivre ensemble est aussi grave que la dissimulation des faits de délinquance.
La vérité, Messieurs les politiciens ne se maquille pas ! Et quand la vérité est choquante on en tire les conséquences.
À l’évidence, il vous fallait ne rien voir pour laisser la France repue se couper de la France d’en bas. En refusant de voir les problèmes, vous avez offert la France à Marine. Vos grands démagogues ont destitué l’école en hiérarchisant les morales et en plaçant la morale laïque au-dessous de la morale religieuse ! Ce faisant, en vous battant pour l’école privée et en donnant à la France d’en haut les moyens de choisir l’école de ses enfants vous avez confirmé ce message. Alors que dans le même temps vous laissiez perdurer le naufrage de l’Éducation Nationale, le grand rêve de certains d’entre vous n’était-il pas de créer des écoles et des universités payantes pour les nantis ? Les autres, ce n’était pas votre problème.
Pourtant le problème est là ! Méthodiquement vous avez éloigné une France de l’autre, vous avez opposé les "bien lotis" de la fonction publique aux sans emplois, aux sous-payés et aux chômeurs. Vous avez morcelé et cassé la France en la scindant. Vous avez opposé la morale religieuse à la liberté des gays. Vous avez bradé les intérêts du peuple en les livrant aux dictats du grand capitalisme. Pour alléger l’impôt que devraient payer les bénéficiaires de la crise, vous avez retiré les surveillants et autres garants de l’autorité dans l’École Laïque. Et parce que la police de proximité jouait au football avec des banlieusards, vous l’avez supprimée.
Messieurs les hommes et femmes politiques, vous portez une lourde responsabilité dans la fracture française. Vous êtes la fracture républicaine qui a occasionné l’abandon de la France d’en bas. La morale égalitaire, vous ne vous en servez que lorsque ça vous arrange. Vous vous offusquez au nom de l’égalité quand on ne veut réserver l’aide qu'aux familles les plus défavorisées mais en matière de disparité de salaire, rien ne vous effraie. C’est par cet égoïsme de caste que vous avez livré les quartiers à des dealers qui se sont armés.
C’est vous qui, en abaissant le niveau de l’éducation et en abandonnant l’étude de certaines matières, dont l’Histoire, avez livré les quartiers et la culture a des fanatiques religieux, et par manque de vision ou par complaisance financière à des institutions financées par des émirats islamiques.
Mais c’est surtout en abandonnant la morale républicaine fondée sur le partage des richesses que vous avez dépossédé la France d’en bas de tout avenir.
La déréglementation dont vous avez fait une norme, celle qui permet de "marchandiser" l’homme, est une abjection. Elle est inique quand elle tend à aligner le salaire d’un travailleur européen sur le salaire mondial le plus bas sans vouloir en faire de même des loyers et autres composantes du train de vie local. Bien sûr, votre dogme de l’austérité ne s’applique qu’aux travailleurs et se garde bien de toucher les spéculateurs et les grands bénéficiaires de la crise. Qu’un homme qui travaille ne puisse pas payer son loyer, manger normalement ou se chauffer, n’est pas pour vous une question morale à considérer quand la Bourse dirige le monde ! La moralisation des profits et de l’économie, voilà ce qui vous semble être un blasphème.
Et c’est bien pour cela que vous avez laissé une économie prédatrice manger la richesse collective. La grande distribution remplace des millions de petits commerçants et leurs millions d’emplois, mais les dommages collatéraux se cotent en bourse.
L’eau, l’électricité, les sociétés pétrolières, les routes, vous les avez offertes au grand capitalisme alors que, depuis des décennies, nos anciens et nous-mêmes, les avions payés avec notre sueur.
Le monde que vous protégez appartient à des actionnaires qui cannibalisent le monde de l’effort, et vous n'y trouvez rien de choquant.
Où est notre avenir Messieurs les naufrageurs ?
Qui peut nous représenter quand une extrême gauche sans programme utilise les problèmes inter-communautaires à des fins électorales ; quand, chez Marine, il y a papa et ses nostalgies du temps de Vichy ; quand la droite défend la mondialisation à tout va et quand les socialistes font du capitalisme à peine déguisé ?
C’est dans ce no man's land du devenir que ceux qui n’ont pas réussi, ou qui ont refusé d’acquérir notre culture, de même que ceux qui chaque jour frappent aux portes fermées de la société, décrochent d’un monde sans humanisme et se retrouvent seuls face à leur incapacité, face à une peur de l’avenir qui, comme toute peur, génère la haine.
Haine de tout ce qu’ils ne deviendront pas et, plus grave, qui les enferme dans la haine d’un futur sans perspective. C’est dans cette incapacité à se projeter dans un futur prometteur que se forge le mépris de soi et que naît une jalousie pathologique de la réussite de l’autre. C’est aussi le moteur d’une identité de destruction.
C’est la collectivisation de ce ressentiment qui, en son temps, a créé le Nazisme : Pas d’avenir, alors jalousons et haïssons ceux qui, par leur culture, s’en sortent ; devenons des surhommes, tuons et asservissons les autres.
Les racines du mal sont là et le problème est grave car c’est la première fois qu’en France, un groupe sectaire se réclamant d’une idéologie religieuse et fanatique se développe et prône le refus des principes du pays accueillant, de ses lois et de son identité. Et même si cette idéologie est minoritaire, il n’en est pas moins vrai que le danger existe. Quelques groupuscules d’extrémistes allemands aux idées similaires n’ont-ils pas fait du national-socialisme un désastre interplanétaire ?
Messieurs les politiques, comment soignerez-vous ce mal sans soigner les esprits et leur blessures, sans soigner le droit à un emploi pour tous, droit que vous avez ôté de la constitution européenne ; comment soignerez-vous la France sans une moralisation du capitalisme ?
JMS
L’Escarghomme (le cri de la coccinelle )
Un horrible cri de coccinelle l’avait saisi et glacé jusqu’à l’intérieur des yeux.
Décontenancé, il tenta de se reprendre.
Il savait bien que ce n’était pas uniquement un cri de coccinelle qu’il entendait.
Que ce n’était pas non plus l'odeur aigre du lait qui tourne qui vrillait ses entrailles.
Il était conscient que c’était autre chose,
comme l’acier du regard de Maria quand elle vous juge.
C’était juste le cri du bonheur quand il se cabre.
Il tremblait. Maria le traitait de "minable".
L’homme se fit escargot mais ne retrouvait pas sa coquille.
Alors, il se boucha les oreilles et décida de reprendre sa route.
Ailleurs l’herbe serait peut-être plus verte.
Je n'étais pas là
Une semaine a passé entre douleur et tristesse
Les victimes ne m’ont pas quitté
Pourtant quelque chose d’autre reste
Informe, moite
Comme le désarroi.
De jeunes hommes
Qui auraient dû devenir des porteurs d’humanité
De promesses d’avenir
Des messagers de générosité
Des hommes
Qui auraient dû un jour fructifier dans les vies de leurs enfants
Ont quitté l’humain pour devenir
Des créatures sanguinaires.
Pourtant
Au fond de leur misère
Ils avaient été des enfants.
Qui était là pour leur tenir la main
Sur un chemin de paix ?
Si être ailleurs du besoin de l’autre porte un nom
Est-il autre qu'indifférence ?
Même si je n’ai pas assisté à cet avortement de l’humain
A la naissance des monstres
Même si je n'ai pas été le seul à les ignorer
Je suis une part de l’indifférence.
Et parce que je n’étais pas là
Parce que nous n’étions pas là
Notre absence a ouvert la porte d’un cauchemar
Où d’autres,
Avec des pensées venues d’un univers de nuits
De têtes coupées et d’obscurantisme
Ont débarqué.
Parce que nous n’étions pas là
Dans un monde désemparé
Où une jeunesse perdue cherchait son destin
Nous les avons laissé éviscérer
Les fondamentaux de la conscience.
Parce que nous n’étions pas là
Sur territoire de rêves impossibles
Nous les avons laissé arracher
Les racines du respect et de l’amour
Celles qui font que l’homme-animal
peut devenir humain
Parce que nous n’étions pas là
Nous les avons laissé oublier
Qu’être un homme, c’est se savoir pareil à tous.
Où étions-nous
Quand d’autres amputaient leur cœurs de l’amour du prochain
Quand d’autres leur faisaient croire que certains crimes sont grands
Quand d’autres tuaient en eux la compassion nécessaire à la fraternité
Quand d’autres en faisaient des monstres ?
Où étais-je ?
Où étions-nous quand nous n'étions pas là ?
Pierre Rabhi - Kaizen Magazine
Il y a 3 ans, Kaizen Magazine est né de la rencontre de Pierre Rabhi, Yvan Saint-Jours et Cyril Dion pour aider tous ceux qui veulent construire un autre monde à trouver pourquoi, comment et avec qui le faire. Aujourd'hui le magazine a 70 000 lecteurs, pour la plupart convaincus. Si nous voulons que Kaizen serve vraiment à changer les choses, nous avons besoin de toucher 10, 100 fois plus de monde. Pour cela et pour continuer cette aventure de journalisme indépendant, le magazine a besoin de lever 60 000 euros. Aidez-nous à diffuser des idées qui peuvent changer le monde !
Merci de tout cœur.
http://www.kisskissbankbanKaizen saison 2k.com/kaizen-saison-2
Jean-Marc La Frenière
Une solitude à cran d'arrêt
Il en faut du temps pour que le fruit devienne du vin, beaucoup moins pour que l'air devienne du vent. L'avoir nous dispense d'exister, le pouvoir d'aimer et le savoir d'apprendre. L'espoir disparaît avec la réponse. J'aime les questions qui restent ouvertes. Toute relation est vaine quand les autres ne perçoivent de nous qu'une image. La vérité se perd derrière les apparences. L'habit n'est pas la peau ni le chapeau une pensée. À moins qu'elle ne serve à se pendre, la cravate ne sert qu'à cacher quelque chose. On porte un collier à défaut d'un cou, une bague à défaut d'un doigt, une robe à défaut d'un corps, un véhicule à défaut de jambes. On rampe à chaque poste de péage. Nous sommes tous égaux devant la pluie. L'homme libre n'a pas besoin de pouvoir, mais qui peut se vanter de l'être. Il est des accommodements que l'on se doit de refuser, l'esclavage et le travail s'il devient un esclavage. Quand on vit pour posséder, c'est l'âme qu'on dilapide. Quitte à vivre pauvrement, je resterai ce bon à rien qui se cherche dans tout.
Dans La freniere : Prose
http://lafreniere.over-blog.net/
Je suis Charlie et les autres
Victor HUGO
Chaque enfant qu’on enseigne
(Écrit par V. Hugo après la visite d’un bagne)
Chaque enfant qu'on enseigne est un homme qu'on gagne.
Quatre vingt-dix voleurs sur cent qui sont au bagne
Ne sont jamais allés à l'école une fois,
Et ne savent pas lire, et signent d'une croix.
C'est dans cette ombre-là qu'ils ont trouvé le crime.
L'ignorance est la nuit qui commence l'abîme.
Où rampe la raison, l'honnêteté périt.
Dieu, le premier auteur de tout ce qu'on écrit,
A mis, sur cette terre où les hommes sont ivres,
Les ailes des esprits dans les pages des livres.
Tout homme ouvrant un livre y trouve une aile, et peut
Planer là-haut où l'âme en liberté se meut.
L'école est sanctuaire autant que la chapelle.
L'alphabet que l'enfant avec son doigt épelle
Contient sous chaque lettre une vertu ; le coeur
S'éclaire doucement à cette humble lueur.
Donc au petit enfant donnez le petit livre.
Marchez, la lampe en main, pour qu'il puisse vous suivre.
La nuit produit l'erreur et l'erreur l'attentat.
Faute d'enseignement, on jette dans l'état
Des hommes animaux, têtes inachevées,
Tristes instincts qui vont les prunelles crevées,
Aveugles effrayants, au regard sépulcral,
Qui marchent à tâtons dans le monde moral.
Allumons les esprits, c'est notre loi première,
Et du suif le plus vil faisons une lumière.
L'intelligence veut être ouverte ici-bas ;
Le germe a droit d'éclore ; et qui ne pense pas
Ne vit pas. Ces voleurs avaient le droit de vivre.
Songeons-y bien, l'école en or change le cuivre,
Tandis que l'ignorance en plomb transforme l'or.
Je dis que ces voleurs possédaient un trésor,
Leur pensée immortelle, auguste et nécessaire ;
Je dis qu'ils ont le droit, du fond de leur misère,
De se tourner vers vous, à qui le jour sourit,
Et de vous demander compte de leur esprit ;
Je dis qu'ils étaient l'homme et qu'on en fit la brute ;
Je dis que je nous blâme et que je plains leur chute ;
Je dis que ce sont eux qui sont les dépouillés ;
Je dis que les forfaits dont ils se sont souillés
Ont pour point de départ ce qui n'est pas leur faute ;
Pouvaient-ils s'éclairer du flambeau qu'on leur ôte ?
Ils sont les malheureux et non les ennemis.
Tu étais autre
Dans les no man's land de l’indifférenceTu étais autre et j’étais étrangerDans l’étrangeté d’une fouleTu n’étais qu’un bruit qui passeUne ombre qui traverse le décorEt pourtantCe jour-là je t’ai entenduEt il n’a suffi que de celaPour que tu deviennes paroleIl n’a suffi que de celaPour que j’apprenne à te voirTu étais rumeurEt je t’ai écoutéUn bruit qui passeEt je suis devenu oreilleTu n’étais qu’une ombreEt tu es devenu visageNous étions étrangersEt nous sommes devenusAmisLe bruit est devenu paroleDepuisTes douleurs sont mes pleursLe pain est devenu notre painDepuis tu saisDepuis je saisQue les hommes devraient prêter leur oreilleEt leur voix à consolerEt leurs mains pour aiderDepuis je saisDepuis tu saisQue tes douleurs seront mes pleursTes peurs et mes peurs seront nos peursDepuis tu sais qu’aucun horizonNe devrait mener ailleurs qu’à l’amitiéDepuis tu saisDepuis je saisQue c’est à ignorer l’autreQue l’on fait les frontières et les guerresDepuis tu sais et depuis je saisQu’être hommeN’est autre que savoir être humainTu n’étais qu’un bruit qui passeDans l’étrangeté d’une fouleTu étais autre et j’étais étrangerTu étais étranger et j’étais autreNous n’étions que bruit qui passe
Et nous nous sommes écoutés.
Ile Eniger
Tu vois
Je ne sais rien tu vois. Ils étaient dans les rues, partout. Ils dénoncaient, se ralliaient, s'embrassaient, se touchaient, chantaient l'hymne national. Ils se voulaient solidaires parce que des balles avaient tué des gens dans les locaux d'un journal que la plupart critiquaient avant. Des gens par millions s'unissaient pour défendre la liberté. Peut-être aussi s'unissaient-ils parce qu'ils avaient peur, parce que l'horreur était arrivée à leurs portes à eux. J'ai pensé ça et j'espérais qu'il y avait autre chose, la ferveur d'un vrai levain pour un pain de partage, mais j'avais ce mal à y croire. Pourtant, moi aussi j'étais bouleversée. Et puis il y avait eu cette soirée qui parlait des disparus, une soirée de variétés comme une remise de prix ou de médailles. Ailleurs, une fillette sautait, une bombe attachée à sa taille. Ailleurs, des monstres détruisaient, massacraient, mettaient en esclavage. Ailleurs, des gens fuyaient leurs pays menaçants et ne trouvaient de place nulle part. Ailleurs, des enfants mourraient de faim, des peuples étaient décimés. Partout la planète mourait sous les profits, les vices, les commerces, les pouvoirs. Et cela durait depuis longtemps. Je me disais que cela aussi aurait mérité que l'on se mobilise, que l'on descende dans les rue et en soi pour que la vie devienne ce pour quoi elle avait été créée : vivante pour tous. Je ne sais rien tu vois. Ils paraissaient si rassemblés tous ces gens dont je doutais du rassemblement, si déterminés quand je doutais de leur détermination. Et quand je disais que je craignais une possible récupération de cet enthousiasme, on trouvait que je ne comprenais pas le bel élan. Alors, je suis allée au fond du jardin. Toute seule devant l'immense ciel muet, je suis devenue ce jour d'hiver qui essayait d'être clair. Ce jour qui ne savait pas comment faire et qui le faisait. Et depuis cette incapacité qui me poussait au silence, j'invoquais l'amour pour qu'il aide. Mais tu vois, quand je regarde à cet endroit, je ne vois rien. Que l'incommensurable pauvreté, la mienne d'abord.
Ile Eniger - Le monastère de l'instant - (à paraître)
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