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Je remonte la rumeur

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Je remonte la rumeur, je descends la rue, c’est une odeur de déjà vu. Je baisse. Faut dire que je ne suis qu’un personnage à la gomme, pas tout à fait fini, tant le cumul des jours, m’écrase, m’efface, me triture, me rature. À l’Est l’horizon décline et le Sud se brouille. Ma feuille de route se grise. J’ai perdu le Nord,  je ne compte plus mes fautes. Depuis des siècles et trois minutes, je suis entré dans le silence. Longtemps, j’ai cherché la lumière, la sortie, le vent, la pluie. La brume fut intense. Faut dire que nul n’est à l’abri des poussées d’ego, des éclats de vie.

Faut dire que je ne compte plus pour grand monde, je ne fais d’ombre à personne, je suis transparent. À reculons, je traverse les orages du siècle, le mal de vivre et l’avenir en berne. Partout les chauves souris cherchent la nuit. J’ai froid, mais le soleil me donne des coups, des coups de chaud, des coups de cœur, des coups de lune.  J’ai-gris, je crains les coups de blues et les coups de gueule. Je me soigne, je me soif et je bois. Je ne suis pas un écrivain digne de ce nom, entre je bois et je dors, je suis une terreur d’encre bleue et de blanc papier. Je dégomme de vieux verbes, je frappe du crayon, j’exhume des rires oubliés, des rhumes de cerveaux. Je tire le verbe à face ou pile, j’efface, je pile je compile, je traque la conscience, je détraque le sens, j’encense la raison, je ficelle des mots, je phrase, je bûche, j’élague, j’arase de la consonne et du chiendent, je m’oripeaux,  je m’horripile, je délire, je lis, je graphite, je hiéroglyphe des alphabets de cris indistincts, je trans-pire de la plume, de la bille, j’efface, je m’efface. Mon crayon ne croque plus rien. Dès le matin, j’ai faim, faim de lire, faim de vivre, faim de dire ; faut dire que je ne suis qu’un perce oreille que personne n’écoute. Je suis un navire aux écoutilles du verbe, j’écoute le vent, la mer, la peur, la frayeur, le rire, la tendresse. Jour nuit plein rêve plein vie, j’écris. Quand je n’ai pas le temps, je cause, je solde, je brade,  je casse, je tracasse, je passe l’arithmétique du mot en profits et pertes, je passe, j’efface !

Je ne suis qu’un mille-pattes qui boite au fil des vers, un ver luisant dans des envers de prose, un univers en quête de lumière. Partout c’est la dérime, partout, c’est la déprime. Je frappe du crayon. Je ne suis qu’un mot unijambiste qui marche en crabe et garde son cap, je ne serai jamais un apprivoiseur de mots roses, un matador de salon, un beau parleur de tea for two. Je ne suis pas digne, je suis transparent, je griffe, et je déprime. Dans les gravats de l’alphabet, dans les poussières du vivre, je suis un dégât collatéral du verbe écrire.

Si au fond d’un vieux cahier, un jour j’enterrais mon âme et qu’un croque en mot  découvre le pot aux roses, je serai la dernière épine.

 

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Article publié depuis Overblog

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Un éditeur à l’honneur JEAN-MICHEL SANANÈS

Chemins de Plume est une maison d’Éditions dont la priorité ne se limite pas qu’à l’élégance du verbe, mais qui se consacre également aux écritures servant l’homme dans sa diversité et appelant à une conscience sans angélisme. Certains de leurs auteurs ont été reconnus dans le domaine littéraire pour l’excellence de leur écriture : Ile Eniger, prix du Livre d’Artiste au Salon d’Automne 2012 à Paris, une écriture au service d’un absolu de l’éthique.  Jean-Marc La Frenière, écrivain québécois publié en France par Chemins de Plume, prix "Nouvelles Voix en Littérature 2010" Canada et "Prix Zénob du public 2011" Québec.  Jean-Michel Sananès (ex-Président de SOS Racisme 06),  1er prix du Printemps des Poètes lors de sa création par Jacques Lang et prix de poésie et nouvelle de la ville de Nice (2000-2001-2002).

 

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Faudra que l’on se rappelle

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Faudra bien que l’on se rappelle
que là-bas,
et pas si loin de nous,
chaque jour,
chaque heure,
un homme, un enfant,
un animal, ou une vie,
meurt de soif
alors qu’ici
chaque verre d’eau
jeté est un crime
qui s’ignore
quand ailleurs
la mort
se nourrit
de la désespérance de l’eau.

JMS
in "Homme, Où vas-tu ?"

Illustrations Photos Philippe Galazzo

Photo Philippe Galazzo

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Comme dit Maxime

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

 

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Les Editions Chemins de Plume au Festival du Livre de Nice 2023

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

 

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Les Poètes au Festival du Livre de Nice 2023

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

 

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Sur le chemin de l'abattoir

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Sur le chemin de l'abattoir - Il y a une beauté dans la bonté et l'honnêteté qui me touchent. Ce sont là les soubassements du monde que je défends et si la bonté est vaine comme le clamait Bob Kaufman quand il disait "Quels sont ces sauvages qui écoutent du jazz quand il y a tant de tueries à entreprendre" et si comme lui, quand on lui parlait, il ne savait si c'était à lui ou à son identité que l'on s'adressait ; si sa parole fut, comme tant d'autres, une de celles qui ont nourri mon cri, j'ai maintenant fermé le temps des colères.

Je sais la désespérance, je l'ai fréquentée jusqu'aux portes du chemin noir, je sais que chaque gorgée d'alcool, chaque shoot, est une lettre adressée à la laideur, mais, je n'irais pas plus large que mon chemin chercher à changer le monde. Et si une seule personne m'entend, les mots n'auront pas été vains.

La vie est une vaste rumeur que j'ai parcourue avec la vigueur des utopistes, mais je n'irai plus arracher les affiches de haine sur les murs. D'ailleurs je ne sais plus où habite la haine quand je vois les fossoyeurs de vérités brandir le drapeau rouge ou noir pour le poser sur le dénigrement de l'autre !

Certes, je pourrais bien parler de l'histoire non émasculée par le devoir de servir une cause contre l'autre, mais que l'on ne me demande pas de juger des apparences et des vérités truquées, adaptées à des consciences estropiées. Si demain un brave enflammé par les certitudes qu'on lui a fourguées au nom d'une 'vérité' venait à m'ouvrir la gorge, ce n'est pas lui que je blâmerais, ce sont les truqueurs de vérités, les marchands de l'Absolu mensonge, ceux qui, au nom de la croix, ont massacré les Indiens, et tant d'autres de mes frères, et saccagé l'Orient ; ceux qui, de la couleur des âmes ont enflammé la vie et le ciel d'une couleur de sang. Je blâmerais, condamnerais ceux qui ont trahi le devoir de fraternité au nom de vérités identitaires ou de subconscients programmés à la haine afin de fractionner l'être humain ; de même je m'opposerais à ceux, et tous leurs apprentis sorciers, qui veulent détruire le monde sans savoir par quoi le remplacer.

Si mon encre reste auprès des Gilets Jaunes et de ceux que l'on dépouille, j'ai quitté mes combats contre les moulins à vent pour m'ouvrir à un plus large regard sur la vie. Et si jamais j'avais encore à dégainer l'encre, je demanderais aux guerriers de certitudes et aux juges partisans, de renoncer à défendre des identités aux dépens d'autres, d'oublier les préjugés inavoués, de se désapprendre plus loin encore que leur enfance, et de retrouver la racine humaine commune et neuve, nue, pour relire le monde.

Jean-Michel Sananès  (Réponse au texte d'André Chenet)

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J’avais dix ans

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Je me souviens
d’un enfant ébahi par la largeur de la vie,
par des millions d’étoiles assiégeant le paquebot
et toisant l’horizon,
d’un enfant debout à la proue du navire,
se sentant une âme de capitaine.
Il partait pour cet ailleurs que l’on nommait la France,
face à l’avenir, un nez de métal déchirait les vagues,
un goût de vent et d’embruns lui cinglait le visage.
La vie prenait saveur d’aventure,
il sentait l’intense
l’étreindre comme la caresse d’une promesse
quand soudain
un cri venant de l’arrière l’interpella,
"Un oiseau" ?
Ce n’était pas l’oiseau
qui annonce que la terre est proche,
non, c’était un passereau cap au Nord,
essayant de rejoindre le continent
et, comme un marin naufragé,
il regardait au loin l’île salvatrice,
il suivait le bateau.
Des heures durant
l’enfant l’a vu lutter,
effrayé par les passagers
et leurs cris d’encouragement.
Jamais il ne se posa sur le bateau.
J’avais dix ans
et mes prières ne l’ont pas sauvé.
Encore, son inutile combat me poursuit.
Inconsciemment,
déjà je savais que l’homme et l’oiseau
ne sont que passagers du jour et de la vie.
J’avais compris que rien
de ce qui souffre ne m’indiffère.

JMS
in "Homme, Où vas-tu ?"
À paraître
Photo Philippe Galazzo

 

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Un arbre qui marche

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Je suis un arbre qui marche
dans ce jardin où la pierre crie sa faim
où les larmes du ciel sont une pluie amère
un venin de chrome et d’oxyde
une banquise qui part
un ours qui meurt
Je suis un arbre qui marche
dans le sur-place de l’impuissance
je suis l'écorché du futur
Toi qui restes
dans le soleil spolié du rire
tu affronteras demain et ses djihads
la pierre a faim
la pierre sait
il n’est d’autre mur que la peur
d’autre barrière que la vanité du savoir
Toi qui restes
dans ce monde tailladé
aux mille frontières, la pierre rit
mur des différences
mur des indifférences
mur de la honte
mur de l’envie mur de solitude
mur barrière
barrière scintillante du dollar opulent
mur barrière muraille
muraille des pouvoirs arrogants
Je suis un arbre qui écoute
la peur serpente
la pierre dresse ses remparts
la pierre n’a pas de cœur
le murmure des oiseaux sages n’y peut rien
Je suis un arbre qui marche
et le monde croise à mes côtés
plus loin que le temps
le silence m’enracine dans l’absurdité du jour
je suis l’arbre qui crie à l’amour
et à la vie
petite, si j’ai peur c’est pour toi.

in “La diagonale du silence” aux Éditions Chemins de Plume

Composition de JMS nuages internet- arbre de Corinne Josseaux-Battavoine

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Comment aimer la vie ?

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Comment aimer la vie, comment se dire homme, se dire Juif, se dire Chrétien ou Musulman, se dire humain, quand l’on ne se reconnaît pas dans le regard de l’autre ?
J’ai vu l’enfant d’ailleurs celui qui s’est cherché sans jamais se trouver sur des routes de bonheur, celui qui, sous des tropiques faméliques, a sautillé entre la faim et les possibles du rêve, celui qui a joué au quitte ou double du "vis ou meurs" ; je l’ai vu au "gagne ou perd", lui qui maintenant, au naufrage du rêve, barbote près d’une barcasse à la dérive. Où est-il ce gamin aux confins de nulle part et du cri bleu de la nuit quand les sirènes du destin l’abandonnent à un bois flottant ?
Ne lui reste que la prière pour demander l’avenir, le cri et le sel pour sa faim, et rien d’autre. En ce terminus de l’espoir, la mer est si profonde, les oreilles et les regards si lointains, qu’aux semailles du rire perdu, un couteau noir lui arrache la colère de vivre. Où est-il, si loin de l’humain, le gamin de nulle part ?

À l’écologie des cœurs a-t-on oublié que la vie est une, qu’elle ne se segmente pas ? Y a-t-il un cœur réservé à la notoriété, à la richesse, aux premiers de cordée, un cœur barricadé derrière une invisible frontière, celle qui sépare les habitants de nulle part, les enfants et chiens des rues, les jardins assoiffés de l’animal de compagnie et de son maître ? Et rien pour l’homme de misère et le monde d’en bas ? De lui, l’adolescent qui se noie, ne reste-t-il qu’un enfant-clown entaillant ces abîmes du rêve où le cœur, de lui-même, s’arrache les dents et l’envie de mordre le jour ?
Parfois le pain de vie est si dur que l’on se demande pourquoi aller plus loin quand nulle part ailleurs une main ne se tend, et quand, là-bas, entre Coca et MacDo, la fée indifférence exulte de joie pour un ballon d’or.
Comment aimer la vie, comment se dire homme, Humain, quand l’on croit que le livre de l’autre est une barrière, que la richesse diplôme la noblesse ou qu’un titre de possession, qu’une frontière, donnent des droits, et quand un visage ou un corps non académiques, peuvent vous priver de l’égalité ?

Qui peut croire que la faim d’un enfant d’ailleurs, et même celle d’une bête, ne porte pas un même poids de douleurs que le cœur de nos enfants ? Que notre soif est différente de celle d’un arbre, d’un animal, d’un homme d’ailleurs ?
Habitant de la souffrance, si loin des joies de l’opulence, toi, de chair, de bois, d’épine, ou d’écailles, ne sommes-nous pas tous poussière d’étoiles, frères de la terre, de l’air, de l’eau, tout comme la biche, et l’enfant d’ailleurs ?
Y a-t-il un monde où le bonheur est indispensable et légitime à certains et un monde ailleurs où la vie, elle-même, et le bonheur ne sont qu’accessoires conjoncturels ?
Comment aimer la vie, se dire homme, Humain, quand l’on ne se reconnaît pas dans la souffrance de l’autre, de l’autre sous toutes ses formes ?

JMS
in "Homme, Où vas-tu ?"
À paraître
Illustration Philippe Galazzo

 

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