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Extrait 4 de “DERNIÈRES NOUVELLES DES ÉTOILES

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Extrait de la nouvelle : "L’homme qui entendait des voix"

Partout où s’agite la révolte qui fait taire les voix de l'invisible, fait taire sa conscience.

Le matin s’étirait en froids frissons. De toutes parts, l’aube bleue s’effrangeait en de mornes lueurs jaunes. Les premiers rayons de soleil, griffés par la pierre et la gerçure, traversaient l’opacité pour caresser les doigts de Pierre-le-Chevelu.
Comme d’autres, Pierre, un manant de basse campagne, survivait en extirpant des résidus de la vieille mine, et d’un braconnage qu’il avait jusque-là partagé avec Margot la Dame-des-Bois.
Ce jour-là, très tôt, il avait quitté son désert ocré d’herbages maigres, pour assister aux cérémonies. Il avait pris place sur le parvis de l’imposant bâtiment de verre orné des symboles de l’Empire et de motifs colorés.
Hostile et solennel, mi-forteresse, mi-cathédrale, démesuré, le Palais enfonçait ses flèches et ses tours dans un ciel lourd sans transparence, presque gris, où de grands nuages de soufre, jaunes, phosphorescents, effrayants, naviguaient.
La foule s’amassait sur la grand-place, une armée de zombies aux visages enduits de crème kaki. Tous avaient les yeux cachés par d’énormes lunettes qui intégraient un module de communication. L’Empire pouvait ainsi les informer des dangers météo et "être à leur écoute".
Une projection holographique sculptait dans le ciel une voûte arborant des armoiries. Un lion et une croix s’y entrelaçaient. Quatre cosmopendules indiquaient la direction des quatre grandes institutions de l’Empire. Toutes quatre affichaient : An de Grâce 2812, 15 avril, 10 heures 12 minutes.
Ce n’était pas par crainte d’être pris pour un opposant à l’Institution ou pour échapper aux nécessaires travaux qu’imposait l’Empire que Pier
re avait hâté son pas. Une force impérieuse le guidait. Il fallait qu’il salue une dernière fois Margot, sa voisine. Il fallait qu’elle le sente là, près d’elle. Il ne pouvait lui offrir rien d’autre qu’un adieu. L’appétit d’étrange curiosité et d’excitation malsaine de la foule se mêlait au terrible besoin confus de miracle et à la tristesse qu’il éprouvait...

../ ...
Alors que Pierre quittait la place et tentait de se faire oublier, une autre phrase incongrue venue de nulle part, emplit à nouveau sa conscience. Elle ricochait dans sa tête, cherchant sa pleine dimension : La mort est un passeur d’absence.
L’étrangeté de cette formulation le percuta de plein fouet et le tint aux aguets d’un indicible ailleurs.

Sur la route sableuse, pendant qu’il parcourait des taillis de plantes et de buissons étranges aux formes parfois frémissantes, d’autres pensées venues d’ailleurs le maintinrent dans un état d’extrême tension : Méfie-toi des hommes en noir… La colère guette dans l’ombre… Viens à nous fils de l’homme, rejoins-nous.
Pierre se décida enfin à converser avec l’étrange :
- Est-ce toi Margot ?
Un rire l’ébranla de spasmes incontrôlés, quelqu’un lui parlait dans sa tête : La cendre ne parle pas, fils d’homme. Regarde autour de toi !

    ...sur 9 pages

 

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Extrait 3 de DERNIÈRES NOUVELLES DES ÉTOILES

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Extrait de la nouvelle : "Un retour simple "

Là-bas, la garrigue desséchée subsistait sous forme d’arbustes fossilisés. À ras de terre, seule une herbe piquante et jaune courait le long des chemins qu’Hubert, le vieux berger, parcourait depuis quatre décennies. Sur les collines, des lichens verdâtres aux reflets sablés et des champignons vénéneux, "Les Diables de Cinq Heures", régnaient en maîtres. Les lichens qui s’étaient développés à cet endroit étaient extrêmement agressifs au passage de formes vivantes : quand leurs fruits tombaient, ils explosaient, expulsant des spores gluantes qui prenaient racine sur les malheureux qui les avaient effleurées, provoquant d’indicibles douleurs. Il fallait aussitôt brûler les parcelles de peau infectées pour s’en débarrasser.  L’homme suivait les moutons qui marchaient devant lui. Les ovins portaient de curieuses cuissardes en cuir parcheminé qui les protégeaient des lichens. "Tâche", le vieux mâle, bêlait et agitait une cloche de bronze noirci. L’animal guidait le troupeau et semblait savoir où ils allaient.
Hubert était un homme d’une soixantaine d’années, de grande stature. Il marchait, faisant claquer de sa main droite un bâton noueux contre le sol caillouteux. Il était entièrement emmitouflé dans une espèce de grande gandoura élimée, de laine brute, couleur terre. Il portait un sac à dos tout aussi usé. De son bras gauche, il pressait contre lui un sac de toile, tout près de son cœur. Sous la capuche, son visage barbu et de longs cheveux poivre et sel apparaissaient comme estompés sous un voilage en tulle autrefois blanc. Ses yeux d’océan semblaient lavés par l’usure, dépolis par l’attente du jour qui ne viendrait plus. Il portait, tout comme le troupeau, une tristesse ineffable, sans colère, horriblement résignée.  La petite troupe rejoignit bientôt les restes grisâtres de deux immenses routes parallèles abandonnées depuis très longtemps. En fait, avant l’invention de l’apesanteur et des courants magnétiques, on appelait cela : des autoroutes. Les bêtes pressèrent le pas, mues par une joyeuse habitude. Elles couraient sur l’asphalte usé et sableux. Une poussière jaune s’élevait en petits nuages et retombait doucement, effaçant les empreintes des petits sabots et des pas.
Hubert s’arrêta, déposa le sac qu’il portait. Il en extirpa un chien dont les pattes étaient couvertes des cicatrices de brûlures anciennes. L’animal le regarda en frétillant. L’homme lui tapota la tête avant de sortir une sorte de tambour de cougourdon jaune. Il le fit résonner de son bâton. C’était un signal, le chien heureux se mit à courir, harcelant les bêtes pour les conduire plus vite sur le tremplin de terre herbeuse qui subsistait entre les deux voies de l’ancienne autoroute. Le troupeau s’y rua avec enthousiasme. Joyeux, le chien courait sur le terre-plein herbeux, stoppait net, repartait, jappait comme un chien qui fait la fête, se ravisait, ramenait une brebis qui s’éloignait, se remettait à jouer et à cabrioler.  Les lichens étaient des espèces rampantes, elles n’avaient pas encore traversé les barrières de bitume. L’homme aurait pu, maintenant, se reposer tranquille. Il avait confié son troupeau à Ralph, son vieux chien. Au lieu de cela, il s’isola, et marcha le long de la route. Il regardait la colline d’en face, séparée d’eux par une gorge profonde. Ici, une rivière avait coulé. Il marcha jusqu’au surplomb de la gorge. Le pont de l’autoroute s’arrêtait. En bas, on voyait des restes de viaduc et de béton effondrés. À perte de vue, la garrigue desséchée subsistait sous forme d’arbustes fossilisés sur une herbe piquante et jaune. L’homme regardait les lichens verdâtres aux reflets sablés qui abritaient "Les Diables de Cinq Heures". On les appelait ainsi, car ce fut un après-midi à cinq heures que, pour la première fois, un adolescent hurla de douleur après en avoir touché un. Il mourut peu après, les poumons bloqués. Ceux qui survivaient au "Mal de Cinq Heures" perdaient la vue.  Hubert s’assit. Ses tripes se nouaient. Une marée salée affluait à ses yeux, lui offrant des images de paysages noyés. Sur la colline en face, sa maison natale, son village, isolés dans le no man’s land… Ici plus qu’ailleurs la mémoire le harcelait. Il était révolté, mais comment dire aux morts de revenir ? Comment dire : "Revenez, gens de mon village" ? On peut parfois se demander pourquoi, aux portes des larmes, se cachent tant de souvenirs.... / sur 7 pages

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Les morts n'ont pas de couleur

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Les morts n'ont pas de couleur.

Perdre sa peau, sa vie,
perdre l'odeur des petits matins,
les cris d'une cour d’école,
le nom de ses copains.
Tout abandonner
n'est rien en soi
quand le temps est venu,
rien d'autre qu'un retour à la Maison
rien qu'une restitution à la Terre
de ce qu'elle nous avait prêté.

Ma mère, mon père,
vos  vies ne sont-elles maintenant
que des mémoires égarées
et y avez-vous rangé
ceux de 14-18, ceux de 40/45
ceux de toutes nos guerres ?

À parcourir le silence, je cherche
dans les pages d'un vieux cahier,
où les photos perdent leurs noms,
vous êtes les ombres d'un monde disparu.
Ma mère, mon père,
vous le saviez
partir dans un lit
n'est pas donné à tous,
parfois les hordes bouchères martyrisent
capturent, arrachent les vies,
avant qu'à crime pour crime
le sang calme ses larmes.

Pourtant
l'homme ne devrait avoir pour ennemis
que la bêtise et la haine.

Les certitudes égotiques
parfois sont si grandes que la bonté est prisonnière,
partout, l'union des haines chante,
 psalmodie dans les rues,
et ronge les cœurs.

Ma mère, mon père,
je suis l'habitant de leurs haines,
le savez-vous ?
Je suis le cauchemar de tant de gens,
j'en ai peur pour mes enfants !
Leur avez-vous dit que, je n'ai pas tué dieu
Que nous étions tous hommes
avant que les marchands d’absolus
ne privatisent le droit de vivre, la Terre, la liberté,
et le droit de penser,
avant qu’ils ne soumettent le vivant à des clans,
à l'union des détestations
aux perversions des mensonges identitaires,
car, avant même que d'être des identités
nous étions tous faits pour être
détenteurs d'amour à donner
à la vie et à l’univers.

Pourtant
l'homme ne devrait avoir pour ennemi
que la bêtise et la haine.

Ma mère, mon père,
ne leur avez-vous pas dit que notre bible
était signée par Victor Hugo
et notre morale par Jean de La Fontaine !
Ne leur avez-vous pas dit que
si je devais prendre les armes, ce serait une plume
pour défendre la laïcité ?

Ma mère, mon père,
j'appartiens à la phobie de leurs rêves !
Pourtant
L'homme ne devrait avoir pour ennemis
que la bêtise et la haine.
Tous les enfants sont pareils aux miens.

JMS  11 mai 2024

 

 

 
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Petit retour d'un voyage en écriture

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Extrait du texte d'introduction
Face à la "Question majuscule"
De mon livre de nouvelles à paraître :
"DERNIÈRES NOUVELLES DES ÉTOILES"

Un jour, la conscience d'un homme rencontra ces tables de calcul, élégantes et énigmatiques, au cours d'une errance sur le Net, tout comme le Boson de Higgs, elles percutèrent le point identitaire de ses croyances les plus absolues ; elles rejoignirent et épousèrent, en son épicentre, ce qu'il ressentait comme la clef ancestrale de l'Univers en cet endroit où matière, pensée, doute, raison et certitude fusionnent dans ce que, souvent dans ses textes, il l'appela : "La Question Majuscule".

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Article publié depuis Overblog

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

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DERNIÈRES NOUVELLES DES ÉTOILES

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Pendant mon éloignement du Net j'ai commis un livre de nouvelles de science-fiction  qui spécule sur la criminelle nécessité d'une rationalité au service du rentable à court terme.
Dans ces nouvelles, se croisent les thèmes de l'empoisonnement de la Terre par l'homme,
les possibles dérives de l'IA, …
L'ensemble est une réflexion sur la place de l'homme et de la planète exposés dans des scénarii de science-fiction

 

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Chant de synapses

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Dernière barrière, l'encre endigue un flux d'images, de mots, de variations subliminales qui, sans cesse, perturbent mes silences. Un monde ailleurs, une danse neuronique se cabre, m'envahit, mute, décrypte un imaginaire divagatoire. Rêves, cris intérieurs se percutent, dessinent, engendrent l'histoire de l’œil et de l'esprit qui ne voulaient que de la beauté afin de ne plus souffrir.
L’œil se mutile de larmes, une fée les transforme en nuages de pluies salées si immensément désespérées qu'elles engendrent les océans, sans, hélas, ne jamais endiguer la laideur.
Vite, fuir l'étrange vision de l’œil et du sel ; vite partir chevaucher un autre chant de synapses plus souriantes ; vite aller ailleurs dans l'excitation créatrice d'une aubade à la petite pierre rouge ou l'histoire d'un frisson de peur que déchaîne devant moi la vision d'un oiseau inconscient chantant sous le regard du chat.
Une paralysie m'enchaîne. Pourquoi l'imaginaire, qui devrait être rêve et terrain d'évasion, est-il parfois si brutal ? Que se passe-t-il dans les trêves du conscient qui agite des images, des pensées, des mots ? Parfois, je converse avec une petite fleur jaune comptant ses pétales et qui n'a nul besoin que je lui dise "tu es belle" pour être belle, tant sa beauté et une offrande généreuse. Par elle, j'en viens à analyser la distance entre le beau et le joli. Je parcours une dimension où le Temps ouvre la conscience du fragile. Petit bouton d'or, es-tu prêt à disparaître ? Doit-on toujours partir pour d'autres viennent ? Sommes-nous si impuissants dans les mains du Destin que nous ne puissions espérer léguer que nos rêves au futur ? Je regarde ce que tu es petit parfum d'herbe jeté au vent dans cette symphonie des odeurs où le jasmin triomphe. Il n'y aura pas d'oraison pour ton départ, petite fleur encore épanouie. Déjà, je sens pointer l'odeur âcre des étés oubliés et la couleur ocre qui t'appelle, t'habille, te touche, et froisse tes feuilles. Où vas-tu petite fleur ? Où va-t-on ? Tu me rappelle ce poème, griffure mémoire venue d'enfance, que j'avais lu dans la revue "Képi blanc" en 1955. Sous le titre de "Petite fleur", un légionnaire te parlait : "Demain, je le sais, je vivrai sous terre près de toi". Et le lendemain, une balle, près de toi le coucha. Où es-tu maintenant "Petite fleur" du légionnaire ? Dans l'odeur du poème ? Dans un lointain toujours présent ? Es-tu la part léguée au futur d'une petite graine qui aurait épousé l'éternité pour renaître dans mon jardin ? Pourquoi les hommes se nourrissent-ils toujours d'images de crépuscules lointains et de fleurs, et pourquoi faut-il que du passé toujours reviennent des images, des mots ? Le silence ne se repose-t-il donc jamais ?  Faudra-t-il,  petite fleur que moi aussi tu m'apprivoises ?
Encore je reste là, porté par un flux de mots qui me parlent de toi, des pluies de sel, et de cet imaginaire qui caracole dans mes silences. Je reste ici, accroché à des délires en poèmes, qui viennent ou périssent comme des oublis.
Je suis dans le poème qui court, je suis l'espace après la virgule, je suis perdu dans cet incendie de la raison qui amène un ailleurs incernable. Je ne sais vivre qu'en ce perpétuel feu où mon délire m'enferme comme les murs d'une forteresse et où, parfois, par miracle sauvage, le verbe épouse le papier. Je ne sais d'où vient le mot qui me porte. Je vois, je ressens, je suis, j'appartiens à cet œil cosmique et intérieur qui hante le silence.
Petite fleur, je te sais partout dans les jardins de l'esprit et du vent.

JMS

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Cris de vie

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

 
Écoute, écoute ce tam-tam sous ma peau
non, ce n’est pas la plainte du vent
qui se déchire sur les arbres
Écoute, écoute, ces cris dans mon sang
n’est-ce que le tic-tac d’un cœur
ou le compte à rebours du temps ?
Écoute cette musique de l’intérieur
qui minute ma vie
Regarde, regarde entre mes doigts
ne vois-tu pas le temps qui glisse ?
Regarde, regarde au fond de mes yeux
ne vois-tu pas ma vie qui passe ?
JMS in Cheval fou
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Le silence

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Le Silence
Au fond des silences
sont d’étranges vérités
Vérités nappées de glace
comme les grands espaces
Habits du temps qui passe
morceaux de temps
figé pour dix éternités
LE SILENCE
cette autre face du cri
cette étrange parole venue
de l’autre côté du mot
LE SILENCE
ce mot mort assassiné
dans un sommeil
au coin d’un soleil
cette mauvaise conscience
du non-dit
Cette parole perdue
ce mot trop fatigué pour vivre
cet absolu infini
qui enveloppe les solitudes
cette effroyable certitude
ce grand livre
qu’il aurait fallu écrire
Laissez passer les silences
ces témoins muets
du temps qui passe
ces mots qu’il aurait fallu dire.

jms in- Cheval fou, d'amour et de colère et Chemin de pluie et d'étoiles (compilation de 3 livres)

 

 

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Où vas-tu réverbère ?

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Où vas-tu réverbère ?
Le vent m'interroge,
il frise des cris d'oies sauvages et des couleurs
d'autres temps.
Une énorme luciole court dans le ciel,
elle marche les pieds en l'air,
trébuche sur une note de musique.
Une petite fille vient de s'écrier :
"Oh, une maman luciole !"
Interloqué, comme une branche de laurier
prise de fou rire quand le vent la chatouille,
j'interpelle le ciel :
- Où vas-tu globe fou évadé d'un réverbère ?
Vas-tu au pays des Lunes ?
Surprise !
Un réverbère perdu dans son rêve me répond :
- Je vais rejoindre cette "femme inconnue,
et que j'aime, et qui m'aime"*
Depuis quand les réverbères répondent-ils ?
Depuis quand les réverbères ont-ils des Lettres ?
Lumineux, il me parle,
flotte dans une apesanteur apaisée.
Sait-il que je suis l'enfant du rien
celui qui appartient au Tout,
l'enfant fragmenté dans la superposition des
mondes et des consciences ?
Sait-il que nous n'habitons pas le même rêve,
qu'une part de moi a déclaré la guerre au vide ?
Je me parle, je parle à l'instant qui passe,
je me parle de tout.
J'agace les autres : "Tu es dans la lune…
Mais que fais-tu, tu n'es pas sur terre…"
Pour une fois, c'est un peu vrai :
je suis avec la lune au royaume des réverbères.
Le monde délire de réalisme et d'infidélité au rêve,
moi, j'ai l'enfance identitaire,
je me fiche du monde, je vis dans mon univers.
Eux, comment font-ils pour vivre dans leur monde ?
Ne voient-ils pas ces ventres affamés
que l'on fourgue à la mort,
ces familles culs-bénis s'empiffrer à en éclater ?
Où vas-tu lune, globe fou évadé d'un réverbère ?
Vas-tu au pays des Lunes ?
Le réverbère hausserait les épaules s'il en avait,
aussi hausse-t-il simplement le ton et répond,
dédaigneux :
- Tu troubles mon rêve,
ce "rêve étrange et pénétrant
d'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime*
Le vent consterné me regarde.
Mon rêve tombe dans une envolée de feuilles
mortes.
Je suis seul,
comme un enfant,
seul.

JMS             * : Paul Verlaine (Mon rêve familier)

 

 

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