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Le lamento de la vieille étoile

Publié le par Cheval fou (Sananès)

Je me souviens du monde d’avant le silence des cœurs, d’avant le large silence. Je me souviens du temps où seuls existaient les continents de la pensée. Quand le magma des énergies immobiles contemplait les nuances et les frissons irisés du néant, quand le rêve inventait le bleu. Quand le Tout méditait, ciselait le prisme de la conscience. Quand n’existait que la musique du Cœur, bien avant que l’on écartèle le vide, bien avant que l’on en extirpe l’eau, le vent et les premiers songes, bien avant que les plus mauvais ne fussent nommés cauchemars et que les plus beaux soient appelés rêves.

C’était bien avant l’envie, avant l’avidité, le pouvoir et la peur. Je me souviens, au creux de mon enfance, il fut un temps où Dieu n’habitait pas encore les buissons ardents. Il ne se cachait pas.
C’était au commencement, au temps où les dieux créèrent le vent et le posèrent sur mes épaules, je n’étais pas encore stone mais j’étais déjà ivre, ivre du plaisir de vivre au calme dans la largeur du temps. J’étais déjà casanière et bien trop paresseuse pour faire ma route. Le serpent dormait. Comme moi, il buvait la douceur des jours. Sous des soleils de plomb, nous portions l’ombre. Libre de toute ambition, insensible au désir, indifférent à la futilité des pommes, le silex dormait parmi les canyons et les plaines. Il n’armait pas encore les flèches. La lune souriante se croyait intouchable. La pomme et le serpent n’avaient pas jeté leurs sortilèges.
Un jour, pourtant, ils le firent et, l’univers changea. L’eau porta mes larmes, l’oiseau habita le ciel, les cartes du destin brandirent leurs piques, il me fallut faire ma route, m’extraire de mon milieu naturel. Certains parlèrent de l’évolution des choses, d’autres dirent qu’il me fallait faire carrière : c’était l’âge de pierre.
Moi qui me croyais de roc, moi qui étais brute, on me préféra polie, on me préféra de marbre et d’albâtre, on me sélectionna : les fils de la pomme me domptèrent, me façonnèrent à leur image. L’Assyrien incrusta sa forme sur ma peau, y grava des profils, des roseaux, des chevaux, une panthère blessée. On mit à bas mes hauts reliefs, on me fit bas-relief. On me fit murs et palais, l’Égyptien me fit pyramide, l’intellectuel me tatoua ses hiéroglyphes, l’amoureux ses cœurs et ses flèches. Quand je chantais j’étais rolling stone, plus rock, plus roll que stone.

Je ne chante plus.
Plus rien ne va, ici-bas. Au coup du burin, chaque caillou saigne sa poussière, j'ai perdu mon moral de béton, je faiblis, j’essuie les plâtres. Je ne suis plus la pierre angulaire où l’on appuie le vent, le socle de l’univers où le ciel se pose. Je suis l’arène du monde. Plus rien ne va.
Ainsi, moi qui fus montagne, je suis devenue caillou, dalle, fronton, colonne, parfois même trottoir. Ils m’utilisent, m’asservissent, me bitument, me broient, me pressent, me stressent, me compriment, me dépriment.
Il fut un temps où l’on m’appelait Terre, roc, planète, univers…
Mais… rien n’est joué, je me révolte. Je suis le pavé dans la mare, la colère des dieux. Mes larmes de pierre sont des laves chaudes, des magmas en révolte qui attendent leur heure. Mes larmes froides sont des tsunamis en furie, mes coups de gueule des volcans, mes frissons des tremblements de terre.
Dans ce monde fait de briques et de broc, je ne tourne plus rond. J’ai envie de faire le mur, de courir les étoiles…
Restons terre à terre, ce n’est pas pour demain. Mais… déjà mes grains galets descendent la montagne.

JMS - In : "Derniers délires avant inventaire" - Éditions Chemins de Plume - 12 Euros

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À l'heure où dorment les hiboux

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)


Ce matin j'ai regardé le ciel,
un oiseau y passait
j'ai regardé l’horizon
venu de nulle part un voyageur le traversait
au loin un homme travaillait la terre
près de lui une femme et des enfants
s'affairaient à de petits labeurs
c'était à l'heure où dorment les hiboux
dans un voile de brume
jouaient une biche et son faon
j'ai regardé en moi
les souvenirs y dansaient

Grand-père  me disait :
"Regarde, regarde bien,
devant toi, danse le visage de Dieu".
 
25/12, Ce matin ces quelques mots tombés dans mon café
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Ma lettre au Père Noël

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Ma lettre au Père Noël
Mon petit Papa Noël, moi qui ne suis plus de jeunesse première, si tu le veux bien, sur ma liste de cadeaux, permets-moi de ne pas te demander de trottinette électrique qui sache remonter les côtes, de porte-bagages pour le vélo de ma femme, pouvant porter mes 80kg d'âge, ou d'efface-vélos pour ceux que j'ai dans ma tête et, bien que de nouveaux genoux m'eussent bien servi pour jouer les moins-vieux beaux, pourrais-tu m'offrir pour Noël ce stylo magique dont je rêve, un accordeur de verbes, un dompteur d'accords, celui dont l'encre de tête ne fait pas de fautes d'orthographe et ne perd jamais le fil bleu de l'imagination quand il court.
Une quatrième patte pour Léo serait prioritaire, mais le bonheur de vivre nous suffira, tout comme celui de pouvoir croire que la faim n'existe plus dans ce monde qui pourrait être notre paradis.
Mon petit Papa Noël, impatient, je t'attendrai au pied de l'arbre, viendras-tu ?

Ps - J'ai une panne d'enfance, le vent m'efface, me reconnaîtras-tu ?

J.M et Mohamed, le héro de "Le vieil homme disait")

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Parce que le besoin d'impossible fait le possible : Que Noël soit !

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Voeux de Noël 2016

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Je suis l’arbre cloué au silence

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Je suis l’arbre cloué au silence
le chant de l’enfant muet
qui voit passer le jour
la vie court

Je suis l’épigraphe
posée sur le crépuscule d’une feuille
je suis l’attente
la vie court

Je suis le soldat de plomb
jeté dans la mêlée
une cartouchière chargée de rêve
la vie court

Je suis l’œil qui mesure l’infini
trois fois plus grand que le rêve
trois fois plus court que la mort

Je n’écris pas de béatitudes
quand des enfants pleurent
dans le crépitement galactique

Trois fois plus courte que le rêve
la mort court

je suis l’enfant muet qui voudrait rêver
l'œil qui pleure sans rien pouvoir changer

Je suis l’arbre dans le goudron englué
je suis l’œil sur chant de mort

Trois fois plus grande que l’espoir
la vie court

Je ne suis et ne veux être
qu’un fruit de terre parmi les miens
qu’un fruit de terre parmi les autres

Rien
et rien d’autre que l’œil
aux devantures de l’attente

Je ne suis qu’un arbre cloué au silence
le chant de l’enfant muet
qui voit passer le jour.

JMS in  "La diagonale du silence"

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Aux frères d'utopies et à mes frères

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

À JML

Les frères d'utopies désespérées et du silence savent que les hommes ne se classent pas en espèces, couleurs, religions, ni selon leur capacité d'apparat, leur puissance, leur technologie ou leur culture. Il est des territoires sans haine où seules leurs aspirations différencient les hommes et peuvent les magnifier en élevant l'humain jusqu'à la beauté.
Quand je dis 'beauté', il ne s'agit pas, bien sûr, de ce ressenti culturel qui associe les apparences à une forme esthétique, mais bien de l'intangible vibration qui orchestre le chant des âmes.
Avec Jean-Marc La Frenière, je crois que la voix de Chibouki, son loup, comme celle de mon chat, pèsent plus dans l'univers que celles de n'importe quels assassins. Les animaux ne prient pas au pied des bûchers ni ne les allument, ne capturent pas les enfants des peuples à genoux pour les asservir. Les animaux ne savent ni le mensonge ni l’hypocrisie, ils appartiennent à une intelligence cosmique du vivant qui ne possède ni ne soumet.
Aucune existence ne peut se départir d'un subconscient supérieur qui fait qu'une minuscule tête de poule contient suffisamment de conscience pour que, quand le danger est là, elle attire le prédateur loin de son nid, lui offrant sa vie afin de le détourner de sa nichée.
Avec Jean-Marc La Frenière qui dit : "j'écris à cœur ouvert…", je crois à "la foi d’un loup, la tendresse des ronces, la finesse des roses". Avec lui, je crois aux vérités essentielles, loin de ceux qui pensent que la beauté est en vente Place Vendôme. L'élégance ne s'achète pas ! Elle est sur nos chemins, là où nos cris se croisent dans un monde où la rentabilité, l’avidité, ne font pas bon ménage avec la conscience.
Le poète qui vide son âme dans les mots, sait que l'élégance est dans la main tendue, l'oreille que l'on prête à l’autre et le cœur ouvert aux laissés pour compte.
Quand les mots de Jean-Marc La Frenière nous parlent du frisson de l’herbe et des chapelets d'un alphabet de bonté, j'entends le cri des âmes suinter dans son encre. Comme lui, je suis d'espoir tenace quand il nous dit : "Un jour, je l’espère, chaque rêve durera plus longtemps que la nuit".
JMS le 4/12/2021

 

Publié dans JMS - A paraître

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Article publié depuis Overblog

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

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Cathy Garcia Canalès - Avis de parution !

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

"Petit livre des illuminations simples"
de Cathy Garcia Canalès


je voulais

te parler des traversées
qui ne nous mènent nulle part
mais nous rassemblent
des pierres qui pleurent aussi
et des miradors qui tremblent

44 pages, agrafées

tirage limité, numéroté et signé
Édité et imprimé par l’auteur
sur papier luxe 100 % recyclé

Dépôt légal : décembre  2021  

8 € + 2,30 € de port

à commander directement  à :
Cathy Garcia Canalès : mc.gc@orange.fr

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Ile Eniger : Cette lettre

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

Cette lettre

Cette lettre est pour toi. Vieux chat au soleil blanc d'une presque dormance. Penser, écrire, dire, être, cette lettre en frissonne. Brindilles d'air, pailles brûlées des jours, quelque chose palpite qui maintient le vivre. J'ai froid, j'ai froid. Tes gestes manquent aux miens pour les réchauffer. Blottie entre les lignes, je suis si loin, si près. L'alphabet de ton absence assemble des mots. Consolation.  Sous la lueur bleue de la fenêtre, je t'écris. Le jasmin penche vers le seuil. Quelques oiseaux ouvrent le matin.  Une odeur de café et d'encre respirent la vie naturelle. Je t'écris pour me souvenir de ta main. Au bois des étagères, des livres parlent de choses, de vies,  d'amour. Cette lettre aussi.

Ile Eniger - Les pluriels du silence (à paraître)

http://insula.over-blog.net/

Publié dans Ils disent

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Bruno Odile - Un ami disparu, une poésie à la puissance toujours présente

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

La nuit la plus extrême.

Chaque journée grimpe au mât des contraintes, et l’enfer du monde se noie dans son dégoût. Je n’irai plus à toi comme un déversoir d’orages émaciés, toutes les braises de la terre s’étalent au couteau. Tu ne viendras plus à moi comme un désert assoiffé d’eau claire. Immergés sous nos cathédrales en talus de fumée, nous marcherons dans la blancheur, à l’intérieur même de la blancheur. Nous sommes concassés de prières arrogantes. Nous sommes des poussières abruptes. Un pas de trop, et ce serait la chute. 

Nous flirtons dans le bout de monde, non loin des tumultes du silence profond, et nous grappillons notre part d’amour retaillée dans la pierre noire. Le jour est la géode osseuse de la nuit. Nous devenons des blancheurs alignées sur le vertige des silences. Assis sur le rebord de l’éternité, nous contemplons l’audace des heures qui meurent et qui renaissent. L’affrontement entre la nuit et le jour semble être une usure sans salive. Nous sommes toujours vaincus par la couleur des mille feuilles et nos âmes coulent profondément dans les saisons vierges où les fleurs se métamorphosent. Quoi d’autre que des fruits bien mûrs pour répandre des parfums enivrants ?

Tu as pénétré ma solitude comme une farine se dilue à l’eau. Une course liquide est debout, à nouveau. Une droite horizontale soutient la parole au-dessus des étoiles. Un trait rouge s’est enfoncé dans la marge, à la périphérie des jours dénivelés. Nos jardins en escaliers gravissent le passage bariolé des mots dans l’opaque centrifugeuse des rêves. 

Dans l'ébriété des cendres entassées, une griffe insolente vient titiller la mansuétude avec la précision d’un horloger. Nous avons avalé puis ingurgité la réparation de nos fibres. La première clarté de ta beauté ne luira que dans la nuit la plus extrême. Parce que le noir possède des vertus insoupçonnées, le rêve aime y piocher les pigments aigus qui troublent la réalité.  

- Bruno Odile - Tous droits réservés © http://lacollineauxciga.canalblog.com/archives

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