Une désinvolture de tristesse
qui pénètre l’instant,
la vie à contre sens,
une épine de l’ombre
qui franchit la joie
une odeur de départ
Un enfant qui tombe
à un jeu de marelle
Dix huit heures
Je ne sais pas pourquoi
Le bonheur me fait pleurer.
Aucune nuit n'est plus large que le rêve
Les yeux fermés voient le parcours. La menthe du torrent. La forme lisse sous les
doigts. Les mots de peu rassemblent leurs bois morts. J'allumerai des feux. Toute dans mon crayon, j’évite la rumeur, les sons durs, phrases sèches comme ces champignons en boîtes de carton.
J’évite les enclos, les naufrages communs, les voix barricadées, les horloges calquées sur le mode des hommes. Ce qui range les sens dans un même panier, j'évite. J'aime les herbes folles. Je
lance mes filins, mes lignes de partage, mes airs de pacotille. Et si la lune en crue éclaire le papier, mon poignet saisira la ligne indivisible. Plus rien n'aiguisera.
Ile Eniger, "Bleu miel", Editions Chemins de Plume
J'ai entrebâillé le silence
la lune y est entrée, froide et nostalgique
J'ai ouvert la fenêtre
et du haut de mon âge
comme un grand arbre
silencieux affronte la solitude
j'ai contemplé le monde
Dans la Nature aux abois
en l'absence de vent
un arbre tremble
Arbre de bois
homme de sang
ressentis sentiments
frères de terre
jetés dans la fuite du temps
Nous nous sommes regardés
de l'intérieur de nos êtres
sans nous voir
Et nous avons prié
pour notre soeur l'eau
pour notre mère la vie
J'ai refermé mes silences
ma fenêtre
la lune froide est sortie
Et nous nous sommes retrouvés seuls
l'arbre a soupiré.
JMS - in "Cheval fou"- Editions Chemins de Plume
Dans l’opéra baroque des enfances arrachées
Le vent orchestre des tempêtes mutilées
Le poète croit qu’il parle
Le fou croit qu’il chante
Au théâtre des rêves dans le futile du vouloir être
La mort rode comme une intangible certitude
Le poète dans sa robe de loup
Etripe des apparences aux vénéneuses beautés
Le silence est mon secret
Mes jambes de culs-de-jatte feront le tour du monde.
JMS - Extrait de "La diagonale du silence" - Editions Chemins de Plume
Le diamant noir des ivresses perdues me poursuit
le vent m'écharde comme un arbre qu'on écorche
Je ne suis pas en croisière, je cours, je fuis
je fuis ce Nulle Part qui m'enferme,
je fuis cette dimension de l'infini incertain
où je cherche une place qui soit la mienne.
Dans l'arène, celle du monde des vivants,
une place que je n'ai pas choisie, avec son dictionnaire de vie,
son inventaire de tristesse, de bonheur et d'amour.
Je ne suis pas en croisière, je cherche, je te cherche.
Diamant des ivresses, rêve écartelé des jardins d'hier
je te cherche dans l'infini des dimensions
Rappelle-toi, rappelle-moi, tu étais la face nord de mon souffle,
le plein sud de mon désir, l'est et l'ouest de mes futurs,
croisée des destins, tu étais le plein cap où j'allais.
Fuir, il me faut fuir ces Nulle-Part, no man’s lands du rêve
trouver ma place, te trouver
Ta main seule me rassure.
Je ne suis pas en croisière, je cours,
mille soleils noirs enfantent la question
le diamant noir des ivresses perdues me poursuit
2
Quitterai-je l'arène sans savoir ce que je cherchais,
sans avoir sauvé le monde,
sans avoir fait briller tes yeux aux inquiétudes diaphanes et gigantesques ?
Devrai-je revisiter le jour et la nuit de cap en cap,
du cap-nord au cap-sud, d'est en ouest.
Je suis l'idiot du désert
qui caresse le sable et à l'infini cherche le livre du destin.
Je ne choisis pas.
Seul l'amour s'est imposé comme un dictionnaire de vie sur une table d'écolier.
Les heures, de page en page, mangent ma vie
Ce matin, brisure d'infini,
j’aime le vent comme un automne qui ne veut pas finir.
JMS - Extrait de "La diagonale du silence" - Editions Chemins de Plume
Je suis un arbre qui marche
dans ce jardin où la pierre crie sa faim
où les larmes du ciel sont une pluie amère
un venin de chrome et d’oxyde
une banquise qui part
un ours qui meurt
Je suis un arbre qui marche
dans le sur-place de l’impuissance
je suis l'écorché du futur
Toi qui restes
dans le soleil spolié du rire
tu affronteras demain et ses Djihads
la pierre a faim
la pierre sait
il n’est d’autre mur que la peur
d’autre barrière que la vanité du savoir
Toi qui restes
dans ce monde tailladé
aux mille frontières, la pierre rit
mur des différences
mur des indifférences
mur de la honte
mur de l’envie, mur de solitude
mur barrière
barrière scintillante du dollar opulent
mur barrière muraille
muraille des pouvoirs arrogants
Je suis un arbre qui écoute
la peur serpente
la pierre dresse ses remparts
la pierre n’a pas de coeur
le murmure des oiseaux sages n’y peut rien
Je suis un arbre qui marche
et le monde croise à mes côtés
plus loin que le temps
le silence m’enracine dans l’absurdité du jour
je suis l’arbre qui crie à l’amour et à la vie
petite, si j’ai peur c’est pour toi.
JMS - Extrait de "La diagonale du silence" - Editions Chemins de Plume