Je n’avais pas mon âge

Publié le par Cheval fou (Sananès)

Il y a longtemps
on défenestrait le rêve et les mots
entre la gnole et le cauchemar
tuer n’était pas un crime


Je suis né le cœur en hiver

Au fil des pages
j’écrivais des mots obliques
comme une raison qui rit
obliques comme un corbillard
qui arraisonne la vie
j’avais mille ans et des cernes dans l’espoir
je n’avais pas mon âge


Sur le fil noir d’un stylo
je traçais la blessure du verbe
j’écrivais les montagnes qu’enferme un soupir


Entre déraison et couteaux
j’écrivais dans l’ombre des bistrots
entre envie et mort
j’écrivais sur le plat d’un papier
entre la Seine et le plongeon
j’écrivais la porte étroite et le soleil


Dans ces cafés qui bordent les casernes
la mort prenait du galon
on chantait des Marseillaise d’adjudant
je n’avais pas 20 ans et je voulais partir


J’écrivais entre la pomme et le serpent
entre le café et le printemps
je T’attendais déjà
je n’avais pas mon âge


Le temps est parti
parfois j’ouvre le vieux jardin
mon vieux pays de mort et de jasmin
et toujours ce chat qui m’attend


J’écris entre l’ombre et la distance
ici le soleil efface la pluie


Je n’ai pas peur
Tu m’attends
.

JMS

Publié dans Dieu le silence et moi

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I
<br /> Cette mise en abîme de la Mort, extêmement présente dans la jeunesse et mise à distance en prenant possession de l'âge est absolument remarquable ! Un superbe travail d'écriture JMS !<br /> <br /> <br />
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C
<br /> Merci Ile de cette analyse et merci de ta lecture<br /> jms<br /> <br /> <br />
L
<br /> Un cheminement de l'écriture de ses vingt ans au crépuscule de sa vie, c'est ainsi que j'ai lu. J'ai aimé ce parcours.<br /> <br /> <br />
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C
<br /> Bonjour Lutin<br /> Ce texte parle du jardin noir et d'une porte que je n'ai pas franchie<br /> amicalement<br /> jms<br /> <br /> <br />
C
<br /> très beau, très sombre et comme je le suis également, dans la" lettre à la mort" j'écrirais comme toi... sauf à la fin, si tu me permets d'en donner ma version non originale mais oh combien<br /> vraie !<br /> <br /> Je n'ai pas peur<br /> Je t'attends<br /> Je t'ai toujours attendue<br /> <br /> <br />
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C
<br /> Bonjour Colette,<br /> "Je t'attends" est une phrase récurrente quand je parle à Dieu ou à la mort ( mes utopies positives et négatives), mais là, j'ai voulu inverser pour qu'"Il" sorte de sa neutralité (pourquoi<br /> serait-ce toujours moi qui attends ?).<br /> Mais effectivement tu formules très bien ce sous-entendu que nous avons côtoyé et que je cultive depuis l’enfance, même si maintenant, il n’est plus l’objet d’un désir. Si l’exil n’est pas en<br /> déroute, l’art d’être parent modifie le profil des absolus, regarder pousser un enfant ou voir jouer nos chats, suffisent à nos nouveaux  nirvanas.<br /> <br /> <br />