Mine de rien
Mine de rien, je respire sans en avoir l’air, je boite, je cherche, je rêve, je prends le temps, le temps me prend. La vie m’a mis à pied, je suis seul avec mes valises. Je clopine entre deux trains, entre les minutes, entre la nuit et le soleil, je traverse la ville, le miroir, la rue et mes états d’âme ; j’écarquille mon silence, mon sommeil, le réel, parcours ce compte rendu de la débauche que l’on nomme journal. Tout va bien il n’y a plus d’embauche, je suis libre comme l’air, mais l’air est pollué – Je pense à toi, au frigo, une larme pollue ma joie. J’ai faim, le frigo crie famine, mais je n’en ferai pas toute une tartine. Rien de nouveau sous les Tropiques, j’ai lu que pour certains c’est la crise, la crise de conscience : bonus or not bonus, that is the question ! La neige fond mais il fait beau à Megève. J’ai connu la rue St Honoré, les marées basses, le chant du cygne, plus de cravate, mais pas de crise. Il y a longtemps que j’ai faim. Les poissons et les marins disparaissent. Entre Maserati et le métro, l’in-espoir brade les salaires. J’ai lu la Une : le petit disait, "soyez pauvres pour aider les riches". Je ne sais plus donner ce que je n’ai pas, je ne sais pas donner ce qu’ils m'ont pris. Les géants font leur beurre avec le lait des vaches, les paysans connaissent les vaches maigres. L’air est pollué ; on va les tuer. L’avidité mesure nos désespoirs. Aucun baiser ne colmate l’horizon. Mine de rien je vais au charbon, je cherche mon ozone, je creuse le mot, je creuse ma tête à la recherche du rire ; je chercher la vérité, peut-être mon chien la trouvera. Une larme pollue ma joie -et je pense à toi, au frigo ; tant d’amour dans la peur, tant de peur dans l’amour ; vivrez vous mes enfants mes amours ? Tiendrons-nous jusqu'à la fin du jour ?
JMS - In : "Derniers délires avant inventaire" - Editions Chemins de Plume - 12 Euros