L'âme des peuples

Publié le par CHEVAL FOU (Jean-Michel Sananès)

L'âme des peuples, tu la croises dans les troquets de quartier, dans l'odeur de la sueur des travailleurs, loin des boutiques à flonflons où pacotilles et souvenirs aguichent le touriste.
L'âme des peuples s'ouvre comme l'essence d'un poème, on y entre en immersion, en s'imprégnant de sa clameur, et on en repart imbibé de la peau aigre des petits matins avec leurs cris de rue, ses lueurs d'yeux croisés, et ce ressenti  de solitude, de joies paillardes, de tristesse et d'espoir que l'on appelle la vie.
Je pense à toi, la petite fille trop belle qui voulait se vendre et qui ne comprenait rien quand, dans un anglais bancal, je lui disais : "Retourne chez toi, ne vois-tu pas que tu te nourris de pollution ? Fuis le désir crasseux des hommes, fais que ton âme te ressemble". Ange me tirant par la main, toi, la trop belle, je te ressentais pareille à ma petite fille. Je me suis enfui, mais tu restes dans mes mémoires de voyage, près d'une douleur figée qui me tutoie et où, encore je te range près de l'image de cet homme échoué dans un passage souterrain de Bangkok, près de ce lépreux en haillons et sans jambes, qui de ses moignons me demandait l'aumône. 
J'ai vu tant de pays que le ciel habitait si peu, que partout je suis chez moi dans la maison du cri.
Passager, dis-moi : le poème est-il le gisant d'un désarroi, une révolte du silence ?
Tant de crimes collent aux rêves, que je voyage incognito parmi les arbres et les mondes que l'on dit inférieurs, parmi ce qui vit et espère, sans jamais oser me réclamer de l'engeance des hommes.
Je suis le frère d'un projet qui ne verra pas le jour, une cellule dans l'immensité d'un univers, une fourmi dans les galaxies de l'inquiétude.
L'inaccompli me rassemble. Je me cherche.

JMS ( Carnets de voyages)

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article