11 novembre (Au Jardin des Diagonales)
Au Jardin des Diagonales, je pensais souvent à mon enfance. Quand j’étais jeune, un vieux fusil pendait sur le mur. Des photos sur la commode, agitaient la mémoire de Grand-père. Lui, mâchonnait du gris. Il disait : "Dans la guerre qu’anges et démons se livrent, chacun croit que l’autre incarne le mal. Rien de tout cela n’est vrai, ce n’est qu’un jeu de miroirs inversés. Personne ne connaît rien à Dieu. Dieu, c’est la somme des douleurs et des joies de l’univers. Le bilan est mauvais. Combien de larmes pour un ventre satisfait ou un rire de bébé ? Il faut être bête comme un homme pour croire connaître la création et les desseins du Créateur. Dieu ne tient pas plus dans la tête d’une alouette que dans celle d’un homme".
Grand-père parlait de son expérience. Il aimait répéter : "J’ai vu grandir la fleur, et l’oiseau l’a mangée, j’ai vu voler l’oiseau et le chasseur a tiré. J’ai vu grandir la peur, et personne jamais ne l’a arrêtée".
Parfois, quand le vin avait un peu trop coulé, Grand-père allait plus loin, jusqu’au point 17 de sa jeunesse. Il avait été soldat, là-bas, en France.
Pour Grand-père, il n’y avait pas d’ennemi, seulement un regard différent porté sur l’autre. "L’autre coté du miroir ment toujours", disait-il.
Au Jardin des Diagonales, je me souvenais que, quand j’étais enfant, Grand-père m’apprenait la vie. Moi Manuel, je jouais. À cette époque-là, nous ne connaissions pas la Guardia et le futur se dessinait dans les contours d’une école aux toits rouges.
JMS page 36 (extrait de mon roman) Au Jardin des Diagonales (12 €)
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